2.1.1. Une recherche de rentabilité typique de la presse magazine.

Les deux magazines qui dominent cette phase finale de stabilisation de la presse multimédia présentent la particularité, par rapport à la grande majorité de leurs prédécesseurs, de s’appuyer sur une assise économique qui est propre à la presse magazine.

Ils ont tous les deux à leur tête des acteurs médiatiques qui chacun à leur niveau, rédacteur en chef comme directeur général du groupe de communication, sont mus par une même volonté de réaliser des bénéfices sur le seul terrain journalistique. Ils visent à ce titre deux types de ressources communes à la presse spécialisée grand public : les recettes des ventes de la publication, et la manne engendrée par les achats d’espaces publicitaires.

Une telle configuration est loin d’avoir été la norme jusqu’à présent. La logique économique de cette nouvelle spécialité médiatique ayant été ballottée sans ménagement d’une période à l’autre. Elle a été d’abord littéralement rejetée par l’idéologie cybernétique, puis revendiquée haut et fort dans la phase de maturation. Les deux voies alors suivies, héritées des configurations médiatiques habituelles, ont inégalement inspiré .net et Netsurf.

Ces deux revues n’ont rien conservé des publications de l’approche loisir, marquées par la superposition de stratégies commerciales au sein du domaine du multimédia. Ce qui réduisait souvent leur existence médiatique à un prétexte de notoriété, et qui a longtemps constitué une des spécificités de la presse multimédia. Elles se sont même efforcées d’effacer tous les aspects qui pourraient en apparaître comme des séquelles.

Ces deux magazines sont en revanche plus proches du mode de fonctionnement économique plus classiquement journalistique, adopté précédemment par les revues de l’approche professionnelle. Même si les démarches de .net et Netsurf, parce qu’orientées vers le grand public, les conduisent à accorder autant d’importance aux lecteurs et à leurs achats des différentes éditions de la publication qu’à leurs financeurs indirects que sont les annonceurs.

La viabilité du magazine, voire les éventuelles plus-values qu’il pourrait engendrer, figure désormais au premier rang des préoccupations des dirigeants de la presse multimédia. Ces derniers repoussent loin à l’arrière leurs éventuels intérêts commerciaux au sein du secteur d’activités de l’Internet, et qui pourraient être servis par de telles publications s’y rapportant directement.

Cette confusion des rôles autant que des espaces de développement économique, ne semble plus être d’actualité dans le modèle stabilisé de cette spécialité médiatique pourtant récente. Comme nous l’avons vu, .net et Netsurf vivent dégagés de ce double objectif. Ces deux publications ne sont plus guidées que par la quête d’une réussite journalistique.

Depuis le début en ce qui concerne .net car il appartient à un groupe de communication n’ayant pas spécialement pénétré le marché des nouvelles technologies de la communication, du moins en France. Plus récemment pour Netsurf car il a accédé à une autonomie qui lui faisait défaut au départ. Son évolution dans cette direction est illustrée par la disparition progressive sur ses extensions CD-Roms, des kits de connexion de Planete.net, la filiale Internet de sa maison-mère Pressimage.

Cette réussite sur le seul plan journalistique se traduit économiquement par un équilibre financier dont les recettes sont assurées conjointement par les ventes en kiosque et par les rentrées publicitaires.

En satisfaisant aux exigences du double marché, la presse multimédia s’insère dans un cadre habituel pour la presse magazine. Mais selon des proportions qui rappellent davantage l’architecture économique des publications grand public que celles des revues professionnelles. Netsurf et .net ne constituent donc qu’une descendance partielle de ces dernières.

La presse dédiée aux entreprises, qui n’aura au total fait qu’une brève apparition dans les kiosques au rayon multimédia et Internet lors de la phase de maturation, est en effet organisée selon un mode singulier par rapport au reste de la presse spécialisée. En particulier parce que la diffusion de la publication n’y est pas forcément payante. Sa distribution gratuite, ou par la formule de l’abonnement, auprès des sociétés concernées par le thème, entraîne un effet de masse en même temps que de ciblage très précis du lectorat. Celui-ci devient de ce fait très attirant pour les différents annonceurs. Leurs investissements publicitaires parviennent alors à largement compenser, voire le plus souvent à dépasser, le manque à gagner occasionné par la vente non systématique du magazine.

En s’adressant volontairement à un public élargi, et en refusant de délimiter clairement les catégories loisirs et professionnelles, .net et Netsurf ne peuvent pas en revanche se passer des rentrées d’argent constituées par les achats directs des lecteurs. Ce que résume explicitement Christophe Dubuit : ‘“  Netsurf est un magazine dédié à l’Internet. Notre volonté est d’en faire le premier “ généraliste ” du secteur. De là découle notre stratégie : privilégier la vente en kiosque pour en faire un produit de “ grande consommation ”. En clair, nous ne sommes pas sur le créneau d’un magazine Internet “ professionnel ” à diffusion qualifiée, uniquement sur abonnement. ”’

Cette quête de toutes les retombées économiques possibles s’effectue le plus souvent au tout-venant. Les deux revues généralistes dominantes de la presse multimédia n’ont pas élaboré d’échelles de l’acceptable ou de rapports entre les deux types de ressources, ce qui résulterait d’une stratégie précise en la matière. Le fait est que ces publications cherchent à gagner de l’argent en l’auto-générant. Pour arriver à leur fin, elles vont employer des moyens de décision éditoriale en rapport. C’est à dire souvent de nature économique, même s’ils sont mariés à des méthodes plus intuitives.