Conclusion troisième section

La stabilisation de la description du multimédia, autour d’une approche généraliste à visée techno-pratique, s’explique par un mode de fonctionnement médiatique lui aussi globalement équilibré. Proche de celui caractérisant la presse magazine, il est légèrement altéré par son exploitation des nouveaux supports. Ceux-ci se sont développées autour d’une dimension de double intermédiation qui marque leur solide intégration à l’ensemble de la publication.

Ils contribuent à affecter, contradictoirement d’ailleurs, l’évolution des deux logiques du mode de fonctionnement médiatique. La première, celle de l’interdépendance entre les acteurs de la médiatisation, est ainsi quelque peu accentuée. La seconde, la logique économique, connaît en revanche de ce fait un léger contretemps dans sa progression.

Ainsi, la diversification électronique s’impose désormais comme la spécificité majeure de la presse multimédia, loin devant celles tenant à l’implication des acteurs médiatiques au sein du domaine. Elle est seule responsable des mutations marginales du processus de médiatisation. Constatées dans le cas de la presse multimédia, ces dernières peuvent dans ce cadre être élargies à l’ensemble de la presse spécialisée, si celle-ci venait à s’étendre de manière comparable sur les nouveaux supports électroniques.

Le tableau 20 précise les modifications apportées par la diversification au niveau général d’interdépendance entre les acteurs de la médiatisation. De ce point de vue, les nouveaux supports électroniques empêchent le rattachement complet de la presse multimédia au mode de fonctionnement médiatique courant de la presse magazine.

D’une part, ils ajoutent de nouvelles possibilités d’intervention dans l’espace journalistique, pour les acteurs du domaine. De ce fait, ils brouillent à nouveau l’identité des acteurs médiatiques, pourtant en bonne voie de clarification.

D’autre part, ils multiplient les procédés d’échanges entre les acteurs. En conséquence, ils troublent le savant équilibre journalistique des relations aux sources d’informations.

Tableau 20
Interdépendance normale, légèrement augmentée par les nouveaux supports électroniques. Degré de démarcation entre les acteurs médiatiques et les acteurs du domaine. Modalités des relations entre les acteurs de la médiatisation
Interdépendance globale : niveau habituel dans la presse spécialisée. Acteurs médiatiques agissant sans être motivés par d’éventuels intérêts dans le domaine :
- ligne éditoriale des publications fixée par les directions des groupes de presse, mais sans interférence avec leurs activités dans le domaine: fin de l’information-promotion pour les produits et les services Internet développés par le groupe de communication; revendication du statut journalistique conventionnel par les rédacteurs.
- évolution en ce sens de la part de Netsurf, vis-à-vis des filiales télématiques et Internet (Planete.net) de Pressimage : unique autopromotion pour le magazine (proposition d’abonnements), tout comme pour .net, dont le groupe de communication Pearson ne développe pas d’activités Internet en France.
Relations normalement étroites pour la presse magazine, dues à l’autonomisation du domaine décrit:
- répartition rigide des tâches entre les différents acteurs de la médiatisation du multimédia, comme dans n’importe quelle autre spécialité médiatique : disparition progressive des publications électroniques d’allure médiatique (e-zines, revues institutionnelles) développées par des acteurs du domaine; attribution définitive de rôles précis et limitatifs à chacun des intervenants (acteurs médiatiques / lecteurs / institutions du secteur).
- échanges entre les différents acteurs régis par des pratiques habituelles dans la presse spécialisée: actions de “ communication ” des institutions en direction des acteurs médiatiques (conférences et communiquées de presse,...); contacts réguliers des lecteurs par les revues (mailings, tables rondes,...).
Interdépendance accrue à la marge par l’utilisation des nouveaux supports dans la presse multimédia. Intervention élargie et maîtrisée des acteurs du domaine dans le médiatique, via l’intermédiation du CD-Rom :
- participation non limitée aux acteurs collectifs du domaine, comme dans la formule traditionnelle du “ bundle ” et son offre de logiciels : entrée des acteurs individuels grâce aux dimensions originales développées sur le CD-Rom qui proposent également des sites Web relevant pour certains d’initiatives individuelles.
-intégration de l’hypertextualité au mode de fonctionnement médiatique : élargissement de la territorialité de la publication par l’établissement de liens vers les acteurs du domaine
Relations plus directes et plus fréquentes lors de l’utilisation des nouveaux supports électroniques en tant qu’outils professionnels :
- exacerbation des “ relations publiques généralisées ” : ajout du courrier électronique aux moyens traditionnels de communication entre journalistes et institutions; communiqués de presse mis plus rapidement à disposition des journalistes, par le biais des sites Web des institutions, voire par l’intermédiaire de serveurs spécialisés dans cette activité comme Cyperus ou Newsdesk.
- permanence des contacts avec les lecteurs par le courrier électronique: présentation de cet instrument comme un moyen d’anticiper les attentes du lectorat

Le poids des extensions électroniques dans la logique économique est similaire, autrement dit plutôt faible. Cependant, ses implications d’un tout autre ordre, puisque certaines des nouvelles dimensions qui y sont développées vont à contre-courant de la marchandisation de la presse magazine.

Le tableau 21 permet à cet égard d’opérer une distinction essentielle.

D’un côté l’orientation commerciale de la publication devient totale : tous ses supports sont soumis à des impératifs de rentabilité, et donc y compris le CD-Rom, préféré au Web pour cette raison.

D’un autre côté, les acteurs non-marchands du domaine pénètrent discrètement le territoire médiatique, par l’entremise de leurs créations de sites, recensées ou même présentées sur les extensions électroniques.

Tableau 21
Une logique économique globalement restaurée, inégalement sur les nouveaux supports électroniques. Objectif de rentabilité recherché par les acteurs médiatiques dans l’ensemble de la revue. Relations des acteurs médiatiques avec le domaine dénuées d’intérêts économiques
Une logique économique en très grande partie semblable à celle en vigueur dans la presse spécialisée Une activité médiatique respectant les lois du double marché pour viser la rentabilité :
- le recours au subtil compromis journalistique entre intuition et marketing, pour améliorer les ventes de la publication aux lecteurs.
- des ambitions éditoriales mêlées aux considérations de la régie du groupe de presse pour la vente d’espaces publicitaires aux annonceurs. (intégration de l’hypertextualité à cette logique).
Fin de l’implication économique des acteurs médiatiques au sein du domaine :
- viabilité du magazine prioritaire par rapport aux activités périphériques du groupe de presse dans le secteur du multimédia et de l’Internet.
- autofinancement de la revue : existence propre, non motivée par un positionnement des acteurs médiatiques dans le domaine qui autoriserait des investissements stratégiques à perte.
Une logique économique contrastée sur les nouveaux supports de la presse multimédia. Une rentabilité également recherchée sur les extensions électroniques :
- choix du CD-Rom plutôt que du Web, car support plus adapté au mode de commercialisation de la presse : opposition entre la difficulté actuelle de rétribution des sites Web et la vente du CD-Rom couplée au magazine papier.
- conception plus générale de l’information comme amenant une valeur ajoutée, devant être payée en échange, et ce quel que soit le support : adaptation des extensions électroniques à la logique économique de la presse toute entière.
La dimension d’intermédiation du CD-Rom, source d’une intrusion d’acteurs non-marchands du domaine dans l’espace médiatique :
- extensions électroniques comportant des logiciels, produits d’institutions le plus souvent commerciales (disparition des sharewares et des freewares), mais aussi une sélection de sites Web, réalisés à la fois par des professionnels et des hobbyistes.
- augmentation de la présence de ces acteurs non-marchands du domaine avec la vogue des pages personnelles accueillie par les publications sur leurs CD-Roms : d’abord .net avec son partenariat avec Mygale, puis Netsurf avec sa partie “ Pages Perso ”.