Entretien avec Yann BOUTIN, rédacteur et concepteur du site Web de CD-Rama : 27/03/1998.

  • D’abord je voudrais savoir pourquoi CD-Rama a choisi de s’intéresser à ce thème du multimédia et de l’Internet etc ..., c’est parti de quelle position ?
  • Bon déjà il faut préciser justement parce que CD-Rama avait un positionnement très spécial sur le marché, CD-Rama était un peu un magazine unique ce qui a peut-être et même certainement causé sa perte et CD-Rama avait un positionnement professionnel, mais disons pour faire une comparaison, CD-Rama était un peu positionné comme Capital ou l’Essentiel etc ... un magazine qui devait traiter d’un contenu éminemment professionnel, la ligne directrice était de traiter des applications professionnelles du multimédia, toutes les applications professionnelles qu’elles soient dans la médecine ou dans les entreprises etc ..., mais par contre d’être distribué en kiosques donc de se retrouver en concurrence avec essentiellement avec des magazines grand public et d’être cataloguées comme un magazine grand public. La véritable concurrence de CD-Rama c’étaient les lettres professionnelles type stratégie multimédia et compagnie et c’est vrai qu’à ce niveau là CD-Rama avait un positionnement autre qui était le positionnement magazine, le magazine le moins cher en revanche en se finançant en partie par la pub. Ceci étant dans l’esprit, dans l’esprit des lecteurs, dans l’esprit de beaucoup de monde, CD-Rama était positionné non pas comme un concurrent de ces lettres professionnelles mais de SVM, de Netsurf etc ... Donc il y avait, on a eu un décalage, un décalage de positionnement à ce niveau là. Donc pourquoi multimédia, tout simplement parce que le magazine a été lancé en 1994 si je ne me trompe, oui c’est ça 1994, à l’automne 1994 et à cette époque là c’était l’apparition des CD Rom enfin bon et les CD Rom marchaient et arrivaient à peu près à maturité, mais c’était surtout l’apparition de l’Internet, c’était le tout début des Web, bon bref c’était vraiment une époque où le multimédia était à la fois très demandeur parce que tout nouveau et en même temps absolument pas à maturité, personne ne le connaissait etc ... donc il manquait vraiment, il manquait un peu la voix de son maître. Il fallait quelqu’un, il manquait des magazines justement pour montrer aux entreprises quelle voie il fallait prendre pour utiliser au mieux ces nouvelles technologies qu’était le multimédia, donc c’est de là qu’est parti un peu le magazine.
  • D’ailleurs j’ai remarqué que il y a une évolution au sein de CD-Rama.
  • Oui bien sûr.
  • Progressivement vous vous êtes intéressés plutôt à l’Internet alors qu’au départ c’était plus général ...
  • En fait au tout début de CD-Rama c’est vrai que le magazine était essentiellement orienté vers CD Rom et autres supports je dirais statiques. Et au fur et à mesure que les réseaux sont arrivés, Internet, le Web et toutes leurs applications, il est clair, il est très clair pour nous que de toute façon le CD Rom aurait un avenir ... je ne vais pas dire un avenir, il n’aurait pas d’avenir, c’est faux. C’est vrai que le CD Rom a beaucoup d’avenir, le DVD Rom aussi mais pas le même que celui d’Internet. Internet c’est une sorte de ..., une sorte de support universel, c’est pas un simple réseau. Internet a des atouts que le CD Rom n’a pas, donc c’est vrai que le CD Rom pour faire du stockage de données ... je ne sais pas, d’utilisation d’annuaires, d’archivages pourquoi pas mais pour le multimédia en lui-même, c’est à dire pour toutes les applications d’entreprises, pour toutes les applications grand public etc ... Internet a beaucoup plus de débouché parce qu’on savait déjà à cette époque là que si le réseau était limité aujourd’hui, il était limité technologiquement il ne resterait pas indéfiniment, il est en train d’évoluer énormément et on va atteindre des débits quand même assez énormes surtout là avec l’arrivée du câble, ça fait un petit bout de temps qu’on annonçait l’arrivée du câble. Cela fait deux ans en fait qu’on, que la Lyonnaise expérimente à Paris et donc que nous on suivait ça donc on savait que les débits étaient là et c’est vrai qu’à partir du moment où on peut avoir sur Internet les mêmes débits qu’avec un CD Rom quel est l’intérêt du CD Rom ? L’intérêt du CD Rom c’est d’avoir la petite galette qu’on va pouvoir stocker dans sa vidéothèque pour ne pas prendre de la place sur le réseau, pour ne pas prendre de la place sur les serveurs parce qu’on a peur de le perdre sur le serveur etc ... donc c’était plus un rôle d’archivage donc a vraiment évolué comme nous, ce qui nous intéressait c’était de l’application professionnelle et montrer comment les entreprises pouvaient améliorer leur fonctionnement, leur organisation avec ces nouvelles technologies, il était clair que pour nous c’était Internet qui devait prendre le dessus sur le reste, c’est pour ça que au début le sous-titre de CD-Rama ça devait être le “ mensuel des applications électroniques ” ou un truc comme ça, ensuite “ des applications multimédia ” et après au bout d’un moment ça a été “ Internet et multimédia ” pour bien montrer que c’était, qu’on était très orienté Internet.
  • D’accord. Et ça dépend de quel groupe en fait ? C’est indépendant ?
  • C’était indépendant. Totalement indépendant et c’est bien pour ça qu’il est mort.
  • Comment ça ?
  • Parce qu’il était indépendant et que un magazine sur le marché français actuel n’a pas s’il est indépendant, n’a pas les moyens de durer : il y a trop de contraintes, il y a d’abord le coût du papier et pour un groupe le coût du papier il est moindre parce que le groupe il fait beaucoup de volume donc le papier lui coûte beaucoup moins cher, l’impression c’est pareil et surtout le pire c’est la distribution parce que un grand groupe qui va distribuer Capital ou l’Essentiel du Management, ils n’ont pas de problèmes pour se faire représenter dans les kiosques, ils arrivent avec tous leurs magazines qui sont des best-sellers et ils disent voilà “ nous on va être là, on va être en tête de gondole etc ... ”. Quand on est CD-Rama et qu’on arrive et qu’on n’est pas connu, on se retrouve complètement au fond des kiosques quand on est distribué parce que tous les marchands de journaux ne nous prennent pas etc ... c’est pas évidement du tout d’être ..., c’est même quasiment impossible avant d’avoir une niche en or c’est quand même très très difficile de lancer un magazine indépendant aujourd’hui.
  • Oui, et pour revenir donc aux choix éditoriaux et puis simplement aux thèmes choisis, ça c’est passé comment entre les gens ? Est-ce que vous avez fait des enquêtes auprès d’un lectorat potentiel au départ ou est ce simplement au “ feeling ” comme ça ?
  • C’est au feeling. Non c’est à dire que déjà par rapport à nos lecteurs, ce qui est clair c’est que nous, on avait un rôle de guide. Je ne sais pas quand on part, quand on part en montagne, quand on part dans le GR1 et qu’on se retrouve face à l’orage qui arrive, le guide va pas faire un sondage en disant “ est ce que vous préférez que l’on continue et que l’on affronte l’orage ou est ce que l’on va dans le refuge ” donc l’idée c’était que nous on était là pour être un guide pour montrer la voie aux gens. Donc déjà on procédait très peu par consultation de nos lecteurs si ce n’est que consultation de satisfaction, mais ça c’est un autre problème. Évidemment on leur demandait s’ils étaient satisfaits, si on leur avait ... On avait régulièrement des enquêtes pour savoir si on leur avait permis de développer de nouvelles applications, si à partir d’un article il leur était venu l’idée de ... ça d’accord c’est un autre problème. Mais par rapport aux tendances du marché et aux réorientations éditoriales du magazine, non ça c’était à nous de faire en sorte de toujours coller au marché et de suivre les tendances.
  • Par exemple, est-ce que pareil dans les choix éditoriaux, est-ce que vous faisiez attention par exemple à ce que auraient pu en attendre les annonceurs potentiels etc ... ?
  • Les annonceurs au niveau de la pub on est bien d’accord ?
  • Oui.
  • Bon, le problème des annonceurs il est multiple. D’abord le problème des annonceurs il pose ... c’est un gros problème de déontologie c’est à dire que théoriquement, déontologiquement, il doit y avoir une très nette différenciation entre les annonceurs qui vont acheter de l’espace dans un magazine et le contenu des articles. C’est vrai qu’à CD-Rama on n’a jamais vraiment beaucoup de problèmes à ce niveau là dans la mesure où nous ce qu’on écrivait c’étaient des applications professionnelles de multimédia. On ne faisait pas par exemple un guide de produits et on n’est jamais rentré en concurrence sur ce marché avec des PC Expert et Compagnie qui feraient beaucoup mieux que nous, donc ça n’a jamais vraiment été notre ... sauf à quelques ... quelques exceptions près mais ceci étant ... non je ne crois pas que les annonceurs n’aient jamais influencé l’évolution éditoriale, de la ligne éditoriale des magazines, pas la ligne éditoriale finalement, les annonceurs ils sont représentatifs de la tendance du marché et comme la ligne éditoriale suit la tendance du marché il n’y a jamais eu matière à conflits entre les annonceurs et la ligne éditoriale. En revanche ce qui est vrai il ne faut pas se le cacher c’est que ... disons qu’un annonceur est toujours plus enclin à acheter de la publicité dans un magazine lorsqu’il sait que sa publicité va être placée en vis à vis d’un article qui parle de son produit. Là on touche vraiment, on atteint les limites totales de ce que la déontologie autorise en admettant que l’article soit objectif. Ce qui est clair, c’est que tout à la fin de sa vie CD-Rama bon quand les patrons de CD-Rama étaient vraiment au bout du rouleau financièrement, un des derniers numéros qu’on ait fait c’était en mai 1997 et qui était un numéro qui était consacré qui était orienté produits. C’était censé être tous les produits nécessaires pour faire du multimédia et ça allait des serveurs des logiciels etc ... et il est clair et je ne sais pas du tout comment ça a marché au niveau de la publicité si ça a ..., si le concept a bien marché ou pas et si ça leur a permis un peu de renflouer la caisse ou pas mais ce qui est clair c’est que le seul but de ce magazine c’était de pouvoir vendre aux annonceurs. C’était de pouvoir vendre de l’espace pub aux annonceurs en leur disant “ mais écoutez nous, nous avons un truc orienté produits, on parle de vos produits dedans donc achetez, achetez de l’espace chez nous parce que c’est la meilleure pub que l’on puisse vous faire ” tout en sachant bien que et là moi je parle en tant que journaliste, moi je n’étais pas d’accord. Je ne m’occupais pas de la publicité et nous les journalistes on n’a eu aucune pression, donc c’est pour ça je ne sais pas comment ça s’est passé au niveau de la pub, s’ils ont vendu avant, s’ils ont attendu d’avoir nos articles pour aller relancer toutes les personnes dont nous parlions, dont nous vantions les mérites.
  • C’était quoi à peu près le ratio vente et pub dans les recettes ? quelle était la part grosso modo ?
  • La ventilation ? Oh la la ...
  • A peu près ?
  • Je pense que ça devait être de l’ordre de ... heu ... 60 % dans les ventes et 40 % dans les pub grosso modo.
  • Pour une diffusion de combien à peu près ?
  • 20 000 exemplaires. Enfin attention il faut bien différencier diffusion, tirage, vente et abonnement. Abonnement, il doit y avoir moins de 5 000 abonnés, ventes par mois on devait taper entre 8 000 et 15 000, le tirage je crois que l’on était à 30 000 au début et on a du baisser après et la diffusion elle était quasi totale parce que tous les numéros qui n’étaient pas vendus après on se débrouillait pour les distribuer sur les salons ou les trucs comme ça et dans les entreprises pour se faire connaître ou vendre après a posteriori.
  • CD-Rama avait également comme spécificité d’avoir un ton assez pédagogique, ça venait de quoi ?
  • Ca venait heu ..., c’était notre envie, ça venait des journalistes, moi j’ai fait un cursus assez long en fac aussi et c’est vrai que j’étais plus enclin à faire des mémoires universitaires qu’à faire une brève sur l’actualité, moi je préférais faire ...
  • Tu as quoi comme formation au départ ?
  • Au départ j’ai un DEUG de Sciences Eco, une maîtrise de gestion et ensuite j’ai fait un DESS de gestion orienté sur le marché des nouvelles technologies et à partir de là, c’est à la fin de ce DESS que j’ai commencé à bosser pour CD-Rama et donc je n’avais pas une formation technique de multimédia et après j’ai fait un DEA de média-multimédia.
  • Et au niveau des journalistes, des autres collaborateurs du journal c’est quoi ?
  • Il y avait de tout. Il y en avait qui étaient des autodidactes puis il y en avait qui étaient des artistes qui s’intéressaient aux nouvelles ... à la 3D réalité virtuelle etc ... il y en a qui étaient informaticiens pros. Il y avait un peu de tout et qui venaient de tout horizon mais c’est vrai que c’est, que le marché était tellement nouveau que bon finalement tout le monde pouvait s’y intégrer à condition évidemment d’avoir un petit peu nagé dedans et bien suivre ce qui s’y passait.
  • Est-ce qu’il y avait quand même des techniciens, des informaticiens parmi les journalistes ?
  • Déjà ce qu’il faut savoir en fait dans CD-Rama, il n’y avait aucun journaliste ... heu ... fixes. On était tous pigistes et c’est pour ça que ...
  • C’était Michel Rousseau qui était le directeur de la rédaction ?
  • Ouais.
  • Et lui il vient de quel univers au départ ?
  • Non c’est pareil. Michel Rousseau il a senti le vent venir et il s’est dit “ tiens, le multimédia ”, alors j’imagine qu’il avait une vue ..., je ne sais pas du tout. Michel Rousseau je l’ai connu après, enfin je suis arrivé en cours, quand je suis arrivé CD-Rama avait neuf mois donc je n’y étais pas au début et je ne sais pas du tout comment il a fait pour monter son truc, ce qu’il a fait avant etc ... alors si j’ai bien compris dans tout ce qu’on m’a dit, il était juriste et il s’est mis à s’intéresser aux nouvelles technologies de manière générale dans les années 80 et je crois qu’il a pigé avant et qu’il a bossé dans quelques canards, des canards multimédia enfin informatiques à l’époque, mais bon ...
  • Mais sinon tu me dis qu’il y avait très peu, enfin essentiellement des pigistes ?
  • Ouiais, ouais. C’était pas essentiellement, c’était entièrement, il n’y avait aucun journaliste à la rédaction.
  • Même pas de local ?
  • Si, si il y avait des locaux, mais en fait les locaux c’était très restreint. Tout ça c’est une question de budget c’est toujours pareil, s’il y avait eu le budget suffisant, ils auraient pris des journalistes permanents et ça leur aurait coûté moins cher. Là ils ne pouvaient pas, donc en fait il y avait des locaux restreints, comme locaux il y avait le bureau de Michel Rousseau et de la secrétaire générale du magazine en fait qu’il appelait la directrice administrative. Il y avait un local avec deux commerciaux qui vendaient la pub et puis un local, un bureau avec la responsable des abonnements, un bureau avec ... A une époque, il y avait un bureau avec deux maquettistes et on a vite restreint à un seul maquettiste et il y avait un secrétaire de rédaction voilà, le problème de ce genre de ...
  • Ils étaient là de manière permanente ?
  • Oui, oui, ça c’était les salariés, donc en fait les locaux faisaient 60 m2, 70 m2 vraiment c’était tout petit, normal ils n’avaient pas les moyens et ce qui était bancal là-dedans, c’est qu’à la limite, à la limite ce n’est pas à moi de dire ça, moi j’ai toujours trouvé qu’ils auraient mieux fait de prendre un journaliste salarié qui déjà en termes d’articles, aurait pu ramener l’équivalent de trois ou quatre articles pour quand même nettement moins cher que plusieurs pigistes qui chacun se fait payer ses charges, se fait payer ... donc finalement un pigiste ça ne revient pas moins cher, ça permet juste de ...
  • Est-ce que dans le domaine justement des nouvelles technologies, les tarifs sont les mêmes pour que heu dans le domaine du journalisme d’information générale ?
  • C’est très spécial, disons que le domaine des nouvelles technologies comme c’est un domaine technique qui permet de je dirais jouer, de magouiller avec ce qui est légalement autorisé autrement dit logiquement lorsqu’on travaille pour un magazine on est payé en piges journalistiques qui sont les salaires en fait. En l’occurrence chez CD-Rama personne n’était payé en piges journalistiques, on était tous payé en droits d’auteurs, donc ça, c’est un truc assez spécial qui permet à des scientifiques notamment d’écrire dans des magazines. C’est comme un peu c’est tu vois j’imagine que ça doit être le même statut qu’un médecin qui écrirait un article sur sa dernière découverte pour un canard. Donc si on considère que la plupart des gens qui bossaient pour CD-Rama avaient une autre activité par ailleurs style développeur, conseil, beaucoup de conseils finalement, c’est vrai que les entreprises en ont besoin donc je voyais que nous on arrivait un peu à vendre nos services et c’est vrai que ...
  • C’était rentable, les activités de conseils ?
  • Heu ... pour moi pas spécialement extraordinairement mais je sais qu’il y a des journalistes qui se sont bien vendus comme ça. A CD-Rama et ailleurs dans d’autres presses, il y en a qui ont vraiment fait leur petit bonhomme de chemin grâce à ça et qui se sont vendus après à des entreprises. Mais donc effectivement à partir du moment ou on a une activité de conseils par ailleurs, on peut considérer que l’activité journaliste découle de l’activité conseil donc finalement c’est plus faire part de ses connaissances donc c’est plus du droit d’auteur alors que finalement dans la plupart des cas c’est le contraire. L’activité de conseil découle de l’idée qu’ont les journalistes donc connu, donc on écrit des articles de référence dans une vitrine “ moi monsieur j’ai lu votre article est-ce que vous pourriez passer nous voir ”. Donc c’est totalement, c’est totalement biaisé comme relation enfin bref donc on était tous payés en droits d’auteurs.
  • D’accord, au niveau de la connaissance du lectorat, vous aviez l’idée grosso modo de qui vous lisait ?
  • Ouais, ouais bien sûr. On avait plusieurs couches de lectorat, bon on va mettre tout de suite de côté une première couche accidentelle qui était un lectorat irrégulier soit le type qui avait trouvé CD-Rama en kiosque et c’est d’ailleurs comme cela que je l’ai découvert la première fois ou un autre qui pensait voir de la critique de jeux dedans et il était très très déçu. Ca c’est vrai qu’il y en avait, il y avait des gens qui achetaient CD-Rama comme un gros bouquin multimédia : on va voir, on aura sûrement la critique du dernier ... Bon c’était un premier accident. Le second type de lectorat accidentel ceux qui récupéraient un CD-Rama dans un salon de professionnel, dans une salle d’attente d’entreprise ou quelque chose comme ça. Donc sinon dans le lectorat régulier, il y avait deux cibles majeures : la première cible c’était les cadres d’entreprises plutôt service communication ou ressources humaines donc des services très friands de nouvelles technologies et c’est pour ça qu’on s’est, c’est notamment pour ça qu’on s’est très vite intéressé à Internet, à Intranet parce que évidemment par rapport aux Dir.Com. et aux Directeurs des Ressources Humaines c’étaient des outils assez énormes. Sinon l’autre cible majeure, c’était justement les professionnels du marché c’est à dire les développeurs de Web, on a été beaucoup lu par des types qui étaient des boîtes de communication en fait qui faisaient pas mal de production multimédia soit production vraiment très très informatique soit production CD Rom au début. Ils se sont lancés, les boîtes de multimédia qui se sont lancées dans les années 1990 donc CD Rom, CD Rom, CD Rom !!!
    Finalement donc toutes ces boîtes elles sont tellement ... le problème de ces boîtes ce sont souvent des PME donc elles se retrouvent ensevelies sous des tonnes de boulot donc les types n’ont pas le temps de faire de la veille technologique. Finalement, par exemple sur Internet, la plupart de ces boîtes paradoxalement alors qu’on aurait pu croire que les boîtes de CD Rom seraient les premières à se lancer sur Internet, moi le discours que j’entendais chez ces boîtes qui était un peu un discours qui relève de la méthode coué évidemment, mais du discours commercial on essaye de persuader tout le monde et c’est vrai qu’il y en avait beaucoup qui disaient “ non, non, Internet ça ne marchera jamais et le CD Rom c’est l’avenir etc ... ”. Evidemment c’était leur marché le CD Rom bon nous on savait par ailleurs que les articles sur Internet les intéressaient beaucoup et que ce qu’ils voulaient c’étaient des articles un peu mode d’emploi : comment faire un site Web ? Comment faire la promotion pour le site Web etc ... ? Et ça parce que c’étaient des trucs qu’ils ne savaient pas faire et ils en avaient le besoin. Je ne veux pas dire que ces articles étaient exhaustifs, ce n’était évidemment pas le cas, ils avaient surtout besoin de méthodes, ils ne savaient pas comment démarrer, ils ne savaient pas comment recruter, les compétences etc ...
  • C’est vrai que dans vos articles on voyait souvent des exposés pédagogiques comme vous disiez, genre comment s’y prendre pour ...
  • Déjà il faut ... ça c’est un truc qui, ça c’est un truc qui pour un coup m’était quand même assez personnel. Tous les journalistes de CD-Rama ne bossaient pas comme ça, il y en avait qui étaient plus ... Déjà il faut voir qu’on venait tous d’un univers très différent, donc par exemple qu’un type qui était très artiste il avait fait un article d’artiste. Moi j’ai une formation de gestion et la première chose qu’on apprend c’est que dans une entreprise le client est roi, donc on apprend toujours à se mettre au niveau du client. Ce qui en découle c’est que quand j’écris un article, je me mets au niveau du lecteur donc c’est vrai que si je lis un article sur comment concevoir un site Web et que si l’article il est comme ça tout d’un trait, il fait cinq pages de long et il n’y a rien qui ressort, moi je ne le lis pas. Moi c’est vrai que je suis un gros lecteur de presse et c’est comme ça que je suis venu chez CD-Rama. Je n’ai pas du tout une formation de journaliste et l’on peut se demander ce que je foutais là et en fait c’est tout simplement quand j’étais en maîtrise et en DESS je lisais énormément la presse et que un jour, par hasard, en lisant CD-Rama, justement je l’ai acheté une fois CD-Rama, à la fin je tombe sur une petite annonce dans CD-Rama “ on recrute des journalistes ”, j’ai envoyé ma candidature comme stagiaire et je me disais ça serait marrant de passer de l’autre côté etc ... Donc moi, gros lecteur de presse, je ne lis pas les articles en entier c’est évident, moi j’ai une lecture diagonale et moi ce que j’ai apprécié justement ce sont des canards comme Management par exemple parce que Management quand tu le lis tu peux avoir une lecture diagonale, il y a des trucs qui ressortent, il y a plein de tableaux, d’encadrés, d’illustrations, il y a des graphes, il y a une iconographie qui est très recherchée. C’est facile à lire, ça se lit rapidement donc on peut se permettre de lire dix articles en diagonale et bon, s’il y a un article qui nous intéresse, alors là on va rentrer dans le détail. Moi c’est toujours l’image que j’ai voulu donner aux articles que je faisais pour CD-Rama donc c’est vrai quand on faisait des articles sur comment concevoir un site Web, il fallait faire tout un discours très long dans lequel le mec allait se paumer, non au contraire on fait un discours très très découpé avec petit 1, petit 2, etc ... et donc le type il prend le petit 1, il le lit, il se plonge dans son truc, ensuite il reprend l’article, il revient petit 2 etc ... c’est beaucoup plus près de ce que le lecteur attend.
  • Et pour revenir par exemple sur Michel Rousseau ou les gens qui dirigeaient le magazine, est ce que à votre avis, il envisageait ce magazine comme un tremplin pour plus tard la création de services dans le multimédia ou si c’était vraiment une volonté journalistique d’informer sur le thème ?
  • Ah heu ... disons qu’en fait ... c’était une volonté journalistique. Je pense ... faire de l’information, communiquer. Michel Rousseau est quelqu’un qui a toujours aimé faire des conférences, montrer etc ... c’était plus dans cet esprit là. Par contre et c’est vrai, et il faut bien voir la chronologie et les ordres d’importance. C’est vrai qu’il y a eu une cellule de création qui s’est plus ou moins montée qui s’appelait CD-Rama Ingénierie qui découlait de CD-Rama mais le but de CD-Rama Ingénierie c’était clairement de renflouer CD-Rama parce que bon CD-Rama n’a jamais été rentable, jamais. Donc en fait, au bout d’un moment, la réflexion c’était justement ... comment renflouer les caisses de CD-Rama, la pub on avait du mal à la vendre parce que encore une fois pas mal d’annonceurs vont s’adresser aux grands groupes parce que quand on s’adresse à un grand groupe c’est beaucoup plus facile, on n’a qu’une interface commerciale, et l’interface commerciale voilà alors votre pub je peux vous faire un plan média passant par des supports, etc ... Les gros annonceurs ne vont pas s’embêter à aller voir les petits supports un à un, ils n’ont pas de temps à perdre donc on avait du mal à vendre notre pub également, on avait du mal à vendre en kiosques etc ... donc le fait est qu’il fallait trouver d’autres sources de revenus donc c’est vrai qu’à partir du moment où on avait développé une certaine expertise, une certaine notoriété bon il était plus naturel que CD-Rama devienne une sorte de vitrine tout en sachant bien que là encore ça pose des problèmes déontologiques parce qu’il y avait un certain nombre de choses que l’on ne pouvait pas se permettre comme par exemple dans nos articles, dans nos articles de journalistes on n’a jamais parlé de CD-Rama Ingénierie, on n’aurait pas pu ou alors c’était spécifié publi-reportage ?
  • Non, non, mais ce que vous me dites c’est clair, c’était avant tout CD-Rama Ingénierie au service du magazine ?
  • Ouais, mais si vous voulez ce n’était pas au service, c’était plutôt non dans ce sens là, c’était le magazine au service de CD-Rama Ingénierie parce que le magazine servait de vitrine et ce qu’il ne faut pas perdre de vue c’était que la priorité c’était le magazine. S’il avait fallu abandonner quelque chose d’ailleurs, c’est ce qui s’est passé, on aurait abandonné d’abord CD-Rama Ingénierie et d’ailleurs ce que je leur ai reproché c’est qu’ils ne l’ont jamais développé parce que finalement ce n’était pas leur truc parce que tout leur temps ils le passaient au journal alors que chez CD-Rama Ingénierie il y avait vraiment des trucs à faire.
  • Vous avez réalisé des choses pour CD-Rama Ingénierie ?
  • Non, jamais, ils ne l’ont vraiment développé, ils ont du faire un ou deux produits, il y a deux ou trois ébauches de sites Web dont je devais m’occuper mais ce n’est jamais allé jusqu’au bout, ce qui était une connerie énorme parce que c’était vraiment l’avenir de CD-Rama. On a discuté, ça c’est le problème, c’est un des problèmes des PME en France, c’est que dans une PME on perd beaucoup de temps à discuter, mais on perd du temps qu’on aurait pu passer à mettre quelque chose en place et c’est vrai que les patrons de PME sont toujours confrontés à des difficultés de leur marché et ils perdent beaucoup de temps à essayer de faire du conceptuel quoi, essayer de trouver ce qu’ils vont pouvoir faire pour renflouer leur boîte, mais finalement après quand il s’agit de passer à l’acte et de mettre les choses en place, ça traîne toujours et CD-Rama n’a pas échappé à cette règle à savoir que avant c’était un bon programme et moi j’ai beaucoup discuté avec Michel Rousseau mais, bon après cette discussion, il fallait voir avant de faire ça, pas ça et après plus rien alors que CD-Rama était quand même une vitrine idéale pour CD-Rama Ingénierie. Ca me semblait logique mais bon.
  • D’accord, et au niveau de votre activité disons de journaliste à CD-Rama, c’était quoi la part dans votre travail entre reportage sur le terrain etc... travail à partir des communiqués de presse ou des conférences etc ... ? D’une manière générale pour les gens qui sont journalistes dans ce domaine, qu’est-ce que vous privilégiez ?
  • Bon moi je dirais déjà ... communiqués de presse ... en trois ans, sur le marché je ne crois pas que j’ai vu un communiqué de presse qui était bien foutu, c’est très rare. Le communiqué de presse, c’est du rhabillage, de la belle formule, du tape à l’oeil, c’est pas utile. Très honnêtement quand on bosse dans un canard comme CD-Rama avec les petits moyens, la désorganisation etc ... on est très souvent face à des coups de bourre, alors les communiqués de presse c’est génial quand on a un coup de bourre et que le patron vous appelle en vous disant “ bon, là j’ai un blanc, il faut que tu me le combles, moi je dirais que c’est dans ces moments là et il faut voir aussi quand même qu’à CD-Rama on était franchement pas très bien payé, on était en dessous des tarifs du marché et c’est vrai qu’à la longue dans ce genre de cas, on ne faisait pas preuve de très bonne volonté. On avait un coup de bourre, hop on prenait un communiqué de presse, on va tourner les phrases et on sort un article à partir du communiqué de presse comme ça donc un article qui n’est pas fouillé etc ... Ca c’est le mouvais côté, le côté obscur je dirais sinon pour ce qui me concerne je dirais 60 % de mon boulot c’était plus les articles de recherche type mémoire. C’était par goût personnel, c’était pas nécessaire, c’était pas ce qui m’était demandé de toute façon, de toute façon là encore à CD-Rama rien ne nous était demandé. On pouvait apporter un peu tous les articles que l’on voulait, il suffisait de prévenir à l’avance et de dire j’apporte un article de cinq pages sur ... la conception de sites Web, un article de dix pages sur ... donc ça c’était je dirais c’était de la recherche derrière mon ordinateur, donc j’étais connecté à Internet très tôt donc finalement je cherchais toutes mes docs sur Internet puis voilà. Le reste du boulot effectivement c’était du travail entre guillemets de reportages, mais attention quand on dit reportage mais là encore ça n’allait jamais très loin on n’avait pas ni le temps, ni ... mais ce que je veux dire ...
    C’est que je ne sais pas mais dans d’autre canard tu prends là encore Management et j’ai vu encore comment ils bossent récemment. Management quand ils font un article c’est de l’investigation, ils vont rentrer dans les boîtes, ils vont discuter avec le type, ça prend plusieurs semaines etc ... nous ce qu’on appelait reportage c’était soit de partir au salon Vidéoclub de la Roche-sur-Yon voilà d’accord on part trois jours là-bas, on peut appeler ça un reportage donc enfin bon c’est pas un reportage d’investigation, c’est un reportage, on est là, on regarde ce qui se passe ... Tous les salons étaient couverts, l’avantage du truc c’est que ça permet de voyager mais sinon le reportage c’est ça que j’appelle reportage et il n’y a jamais eu de reportages au sens investigation du terme ne serait-ce que parce que ça n’était pas notre truc. Nous, on ne fondait pas notre, je dirais notre notoriété ... la satisfaction de nos lecteurs ne reposait pas sur le fait d’avoir les dernières rumeurs sur l’absorption de France Télécom par la Générale des Eaux, tout le monde s’en fout, enfin tous nos lecteurs s’en foutent.
  • D’accord, , je propose qu’on passe à l’extension justement sur le support multimédia c’est à dire sur le CD Rom et le site Web de CD-Rama, comment s’était passée la mise en place de ces deux éléments, quelles étaient les motivations, qu’est-ce que vous en attendiez, est-ce que c’était une démarche personnelle ?
  • Comment ça s’est passé ? Oui démarche personnelle entièrement donc en fait le site Web ... le site Web c’est prétentieux ..., le site Web si je n’avais pas été là, il ne serait pas là c’est clair. Donc en fait ce qui se passait j’étais, je n’avais aucune notion de techniques et c’est vrai qu’à partir du moment où je me suis mis à bosser à CD-Rama et comme je suis assez curieux, je me suis plongé là-dedans. Le Web c’était fabuleux, je voyais que l’on pouvait faire des trucs assez faciles enfin des trucs assez sympas plutôt facilement, avantage de bosser pour un magazine on bossait comme journaliste, on reçoit tous les bouquins du marché donc voilà j’ai pris mes petits bouquins d’HTML sous le bras et je me suis dit “ tiens j’ai envie de m’y mettre un peu ”. Je me suis plongé dedans pendant un petit mois et je me suis dit “ au bout du mois il faudrait faire un truc, il faudrait que je me fasse un truc grandeur nature pour m’y mettre ” et donc vite je suis passé voir Monsieur Rousseau et je lui ai dit “ voilà j’ai envie de faire un site pour CD-Rama, ce serait sympa ” et donc, partant de là, on a trouvé un hébergement chez CIE, c’est Monsieur Rousseau qui a négocié ça et donc voilà j’ai monté le site comme ça, mais ce qu’il y a c’est que c’est un site qui a été monté par un débutant et d’ailleurs ça se voit parce que très objectivement moi maintenant j’ai du recul et je fais ça quasiment à plein temps, le site est nul et moche. Il est monstrueux, il est illisible parce que le fond de l’écran, le fond de l’écran CD-Rom derrière la grille est très sympa mais il empêche la lecture c’est clair. Les caractères surimprimés sont illisibles, voilà donc bon le site, il s’est monté comme ça, zéro moyen pendant un mois, j’ai beaucoup bossé dessus, beaucoup bossé pour faire un truc sympa mais au bout d’un mois, moi j’étais journaliste, je n’étais pas du tout payé, j’avais fait ça comme bénévole, j’avais fait ça moi pour me former etc ... mais au bout d’un mois ... bon. Oui c’est ça le site, je ne sais pas le projet on a dû le lancer courant janvier, on a dû lancer le site fin février et on l’a arrêté début avril car moi j’en avais marre de m’occuper de ça c’est à dire j’avais essuyé les plâtres et j’avais fait un mémoire sur le site donc en fait ça m’apportait un plus et ensuite on avait les problèmes actuels et que le Centre Internet Européen qui nous hébergeait c’est bien pour ça que le site est toujours là parce qu’ils étaient enfin ...
  • C’est quoi comme structure ce Centre ?
  • C’est une société. C’est une société privée malgré son nom ... heu son nom est bien choisi c’est vrai qu’elle fait très institution européenne mais c’est une société privée donc à l’époque c’était complètement désorganisé : je reçois encore des courriers de gens qui disent “ votre site c’est bien, je voudrais avoir des renseignements sur le machin et au fait vous pourriez le mettre à jour un peu, ça faisait deux ans quand même !!! C’est pas mon problème.
  • Et pour le CD Rom de CD-Rama qui est-ce qui s’en est occupé ?
  • Le CD Rom de CD-Rama ? Ouais il y en a eu plusieurs alors bon, c’était un indépendant je crois que c’était un journaliste comme moi, un type en tout cas qui a écrit dans CD-Rama et puis après ... et après c’était des accords : les produits qui étaient dessus c’était des accords avec les distributeurs.
  • A1ors maintenant je vais vous poser une question justement ...
  • Je repense à l’histoire de Citroën par rapport à ce que l’on disait tout à l’heure, il y a un truc qu’il ne faut pas perdre de vue c’est que ... Internet ce n’est pas du tout le même monde que la presse ... au niveau en tout cas au niveau du client, du client final. Internet d’une part au niveau de la culture c’est un monde qui est totalement libertaire à la base, Internet c’était le paradis de l’échange d’informations etc ..., c’est le truc pour informaticiens entre eux, bref on ne va pas rentrer dans l’histoire d’Internet. Donc c’est un monde, c’était à la base un monde qui n’acceptait pas l’argent. C’est vrai que les marchands sont arrivés, il y a des galeries commerciales qui se sont ouvertes énormément maintenant, c’est vrai que les marchands sont arrivés sur Internet et je dirais que c’est un bien parce que grâce à eux, c’est grâce aux marchands qu’on va pouvoir faire évoluer Internet vers de très hauts débits parce que c’est eux qui amènent l’argent c’est pas les informaticiens. Ceci étant, c’est vrai qu’il y a une relation d’argent qui est encore mal acceptée au niveau culturel donc à ce niveau là il est difficile de vendre quelque chose sur Internet quand ce n’est pas un produit fini comme un disque, une chaîne hi-fi, un ordinateur ou je ne sais quoi, l’autre chose qu’il faut voir c’est ce que je disais tout à l’heure c’est que sur Internet il y a une multitude d’offres gratuites. Je vais prendre un exemple très concret, quand on va par exemple sur Lemonde.fr ou Nomade ou d’autres sites, on a accès aux dépêches de l’A.F.P. Quel est l’intérêt d’aller payer l’édition nous-mêmes, sachant qu’on a les dépêches de l’A.F.P. alors bon il va y avoir le petit plus comme l’éditorial du Monde évidemment. En attendant, moi si j’ai envie de m’informer rapidement, d’avoir une info, ce n’est pas Le Monde que je vais aller lire ce sont les dépêches A.F.P., elles sont gratuites donc il y a un problème à ce niveau là. C’est pour ça que au jour d’aujourd’hui les magazines ont beaucoup de mal au niveau du Web, les magazines papier ont beaucoup de mal au niveau du Web à se positionner. Si vous voulez une information qui est vendue dans le commerce, ils ne pourront pas la vendre sur le Web. Je pense à Netsurf, à Planète Internet, Internet Reporter, tous ces magazines SVM etc ... pourquoi ils n’ont pas de sites ou un site vraiment embryonnaire parce que justement l’information qui est sur le Web, il faudra la donner, que ça rentre en contradiction avec le magazine qu’ils cherchent à vendre dans les kiosques surtout pour le multimédia parce que l’on sait que les lecteurs de Netsurf, de .net ou autres sont évidemment abonnés à Internet sinon ils n’ont aucun intérêt à le lire. Donc si le magazine papier qui est vendu dans le kiosque leur donne gratuitement l’info sur Internet, ils n’achèteront plus le papier c’est évident. Donc il y a vraiment un problème à ce niveau là, la presse multimédia a vraiment un gros problème par rapport à Internet, un problème de positionnement par rapport à Internet. Quel doit être son positionnement ? Est-ce qu’il faut faire uniquement sur Internet un rôle de défricheur de sites, un rôle de conseil, “ allez visiter tel site c’est sympa ”, ça fait de la navigation électronique et limité à ça. Mais il me semble évident qu’un magazine comme Netsurf devrait avoir sa vitrine sur Internet puisqu’on parle d’Internet et c’est quand même extraordinaire qu’il y a eu seulement une page avec un contact.
    C’est un manque de moyens parce qu’il n’y a pas de revenus derrière, s’il y avait des revenus possibles, le problème non seulement ce serait ..., il n’y a aucun revenu possible pour l’instant et en plus c’est un manque à gagner parce que les gens qui se connecteront sur le site seront forcément des gens qui n’auront plus envie d’aller acheter le canard donc c’est ça le problème à l’heure actuelle, c’est de savoir qu’est-ce qu’on va mettre sur les sites, qu’est-ce qu’un journal, qu’est-ce qu’un magazine multimédia va pouvoir mettre sur son site. Est-ce qu’il faut faire simplement de la chronique de site, est-ce qu’il faut mettre le contenu intégral ou est-ce qu’il faut faire d’Internet un support je dirais institutionnel, présentation du magazine etc ... dans le quel cas c’est très mal vu des lecteurs internautes puisqu’ils se disent “ voilà ils veulent faire du commerce, c’est tout ce qui les intéresse, c’est de vendre leur truc, ils nous font chier, il y en a marre de raquer ... ”, ce qui est à la fois normal et finalement assez normal et anormal. Donc voilà, il y a vraiment un problème de positionnement de la presse magazine, de la presse papier par rapport à ça et c’est ce qui fait justement, c’est ce qui fait tout le succés de magazines comme C-Foot (site Web consacré au Football dont Yann Boutin est le responsable) dont je m’occupe.
  • L’architecture économique quelque part d’un magazine sur le Web c’est avant tout de la publicité ...
  • 100 %
  • Et l’accès gratuit par contre ?
  • Enfin ... c’est accès gratuit à 100 %, ça c’est clair et même c’est sûr et certain, tout en sachant que quand je dis publicité à 100 %, ça va être je parle pub au sens large donc annonceurs et sponsors. Il est évident qu’un site comme C-Foot par exemple, nous ce qu’on recherche ce sont des sponsors comme Nike, Adidas, ce sont des gens qui vont avoir envie de dire un peu comme les émissions de télé, Téléfoot vous est offert par CataVana électroménager je ne sais pas quoi ... Voilà nous c’est le même esprit, nous on cherche à sponsoriser le magazine un par un et de ne plus vendre de l’espace publicitaire au coup par coup pourquoi, parce que un parrain c’est une grosse recette d’un seul coup évidemment nous ça ne nous demande pas énormément de gestion au niveau de l’affichage, ça c’est facile à insérer parce qu’un parrain ça apporte également un certain poids et à partir du moment où on a été parrainé par Nike.
  • En notoriété ?
  • Nike c’est Nike donc C-Foot partenaire de Nike ça fait mal. Nous, on a monté une très grosse politique de partenariat avec d’autres sites Web type Le Monde, type des moteurs de recherches enfin bref. Donc ça c’est des partenariats limités donc c’était des échanges en fait donc ce n’était pas du tout financier, ni dans un sens, ni dans l’autre. Donc maintenant, c’est vrai, ce que l’on cherche, ce sont des partenaires financiers pour appuyer le magazine. A C-Foot on cherche également des annonceurs mais le problème d’un annonceur, c’est d’acheter une campagne et qu’après, lorsque la campagne est terminée, bon ça va lui coûter je ne sais pas 10/15 000 Francs et après basta. C’est pas des recettes finalement régulières alors qu’un parrainage c’est plus régulier et ça se passe plus dans la durée, mais ceci étant, moi après ce que je disais il est clair que pour l’instant le presse papier ne peut pas rivaliser avec des magazines comme nous parce que justement elle est déjà en conflit avec ses journalistes car on a l’exemple des Dernières Nouvelles d’Alsace qui sont récemment rentrées en conflit avec leurs journalistes, donc déjà ça ça pose un gros problème, donc mettre le contenu du journal gratuitement sur Internet non seulement ça va faire perdre de l’argent dans les kiosques, mais en plus, ça va en coûter parce qu’il faudra payer plus cher les journalistes.
  • Alors justement vous pensez quelque part une complémentarité entre un support papier qui sera assez général et puis la partie sur le support Web qui servirait d’orientation vers les sites, vers les informations ? 
  • Attention parce que là on parle spécifiquement du cas, de la presse multimédia, Netsurf en l’occurrence. Moi je crois que pour un magazine il y a deux stratégies, soit un magazine qui fait partie d’un gros groupe et à ce moment là ce que je dirais c’est qu’il faut développer un contenu parallèle donc un contenu qui ne soit pas un contenu de l’édition papier et qui soit un contenu je dirais tout à fait original, original au sens qui n’a rien à voir avec l’édition papier qui peut avoir un contenu propre au Web pourquoi parce que un grand groupe de presse a les moyens justement de se lancer sur le Web en investissant au début en disant on va perdre de l’argent au début et en sachant que si le contenu est suffisamment riche, après les lecteurs viendront et qui dit lecteurs dit publicité. Donc le problème aujourd’hui c’est ça pour un site Web comme pour tout autre support, a fortiori pour le site Web parce que le lectorat est difficile à faire venir. Pour un support, la question c’est comment persuader les annonceurs de venir chez nous. Il faut savoir par exemple on a la meilleure audience francophone sportive en tant que site Web sportif. On est dans des classements, on est le 50ème site mondial le plus visité par les Français. C’est tout de même assez énorme, mais à côté de ça, on a un mal fou à avoir de la publicité. On a de petites campagnes à droite, à gauche. Les Dernières Nouvelles d’Alsace pour ne pas les citer qui nous ont fait une deuxième campagne. Ils ont été contents, ils reviennent mais on n’a pas de nouvel annonceur pour l’instant donc problème. Même nous, à notre niveau, on a un mal fou à se vendre, c’est quand même assez révélateur du marché de la publicité. Donc pour moi, un magazine qui appartient à un grand groupe devrait investir l’argent qu’il faut, je ne sais pas 500 000 F pour développer vraiment un contenu attrayant qui soit à la fois, qui tienne si c’est un magazine Internet, qui tienne évidemment de la sélection de site parce que c’est quand même là que les internautes grand public et même professionnels ont le plus besoin des magazines, c’est pour les aiguiller sur les sites intéressants, les aider à défricher tout ça et aussi tout un côté conception, aider sur le Web bon il y a peu de choses à explorer à ce niveau là.
    C’est ça, c’est exactement ça le problème c’est d’être capable d’investir à moyen ou long terme. Donc moyen terme c’est un ou deux ans. Il est clair qu’aujourd’hui le marché de la pub il est embryonnaire et tout le monde dit : ça va démarrer, ça va démarrer ... moi je dis ça démarrera le jour où le câble sera complètement développé à Paris et dans les grandes villes de France. Là oui ça démarrera parce qu’il sera très facile d’avoir Internet chez soi, que les gens seront connectés en permanence, c’est vrai que les ordinateurs ça s’est démocratisé, c’est vrai qu’à Noël les ventes d’ordinateurs se sont bien lancées. Prochaine étape : fin de l’année, Noël prochain c’est Internet c’est clair donc moi je pense, je table sur je ne sais pas quatre à cinq millions de personnes connectées en France à Internet en 1999, 1er semestre 1999 à mon avis, c’est une estimation à la louche mais c’est par rapport au développement du câble, le câble commercialement à Paris c’est pour demain et le déploiement doit se faire d’ici à Juin, ça va aller très vite après et rien que sur cette période il va y avoir quarante ou cinquante mille foyers nouveaux abonnés à Internet. Donc avec un ratio de trois personnes par foyer, cela fait cent cinquante mille nouveaux abonnés.
  • Puis surtout, la grosse différence c’est que les gens ne font pas attention à leur temps de connexion.
  • Exactement, ils se connecteront en permanence et ils pourront aller surfer pendant des heures et des heures, donc ça va être énorme. Donc je pense vraiment que le marché de la pub va exploser à la fin de cette année et au début de l’année 1999 donc c’est pour ça que la stratégie pour les groupes c’est d’être capable d’investir pour un an ou deux. Le problème c’est que les groupes aujourd’hui ils ne sont pas du tout dans cette stratégie, les groupes de presse aujourd’hui sont confrontés à suffisamment de difficultés au niveau du papier et au niveau de la distribution des NMPP et pour en plus à aller se confronter à des investissements sur Internet pour un marché qui, aujourd’hui, est totalement balbutiant mais finalement ça c’est de la chance pour des magazines comme nous, comme c’est le foot par exemple l’Equipe ils viennent à peine de lancer le projet de site Web, il est lancé depuis deux ou trois mois maximum et il n’est toujours pas opérationnel, on ne sait pas quand il va arriver. Eurosport c’est pareil ce n’est toujours pas ... donc tous ces groupes ils ont traîné, traîné malgré la présence de la Coupe du Monde qui pourtant est l’événement qui devrait les motiver mais justement parce que tous ces groupes ils ne regardent qu’une chose c’est leur portefeuille et leur portefeuille ils savent qu’il n’est pas prêt d’être rempli et malgré toute la trésorerie de l’Equipe, de France Foot du groupe Amaury en l’occurrence il n’y a rien qui se fait à cause de ça.
  • Vous disiez qu’il y avait deux stratégies ...
  • Alors oui, non justement la première stratégie c’est le magazine qui fait partie d’un grand groupe à ce moment là, on peut se lancer en se disant  bon on va mettre, peu importe ce qu’on va mettre sur le site on va récupérer quelques articles de la version papier ça fera un manque à gagner c’est pas grave c’est de l’investissement, on va prendre, on va embaucher des journalistes spécialement pour le site Web et ils vont animer pour un truc tous les jours puisqu’ils vont voir un truc important, c’est qu’un site Web il faut qu’il vive, donc si c’est pour avoir un site Web mensuel, c’est vrai que ça n’a pas grand intérêt. Moi je prends un magazine comme Netsurf par exemple, ils ont fait le choix de prendre un CD Rom c’est vrai que moi ça me semble plus cohérent dans la mesure où un site Web en fait, je pense que le problème pour Netsurf, je n’en ai pas discuté avec Dubuit, c’est une pure spéculation là, à mon avis le problème pour Netsurf c’est dire “ Nous ce qu’on veut, on va faire, on donne à nos lecteurs chaque mois un certain nombre de bonnes adresses à aller visiter ”. Si on les donne uniquement sur un support papier après pour le lecteur c’est chiant, il faut retaper l’adresse, souvent ce sont des pages personnelles avec des adresses hyper compliquées et c’est vraiment galère. Donc il faut leur donner le moyen de partir directement d’un certain support et de cliquer dessus, il faut avoir un lien hypertexte à un moment ou à un autre. Là moi, si je me place dans la position du lecteur, je viens sur le site de Netsurf, moi j’y venais régulièrement au début c’est à dire que je venais tous les quatre ou cinq jours voir les nouvelles adresses etc ... au bout d’un moment, j’aurais fait le tour de toutes les adresses qui m’intéressaient et je me serais rendu compte que le site n’a été mis à jour qu’une fois par mois parce que au bout de la deuxième semaine je me disais “ Il faut que j’attende la deuxième semaine, ils me font C... Netsurf ils pourraient mettre à jour plus souvent ”, mauvaise image, un site Web qui n’est pas mis à jour ça a une mauvaise image donc il vaut mieux ne rien faire qu’avoir une mauvaise image.
  • Il vaut mieux se concentrer sur le CD-Rom dans ces conditions ...
  • Voilà, un CD-Rom c’est statique. Le CD-Rom c’est génial d’une part effectivement, on peut mettre plein de produits dessus des logiciels dernière version, ça évite de télécharger et ensuite on peut mettre justement des guides de sites, on n’a qu’à cliquer et si on est connecté en même temps, on part sur Internet, on a l’alibi, le CD-Rom une fois par mois, il est statique etc ... c’est pas une mauvaise image de marque, c’est normal il arrive avec le magazine donc de ce point de vue là c’est génial, c’est le super compromis même si c’est dommage qu’un site Web, enfin qu’un magazine Internet n’ait pas de site Web mais bon ... Ceci pour dire que les grands groupes qui ont le budget, ils doivent mettre un journaliste à plein temps pour faire des actualisations quotidiennes, vous prenez des groupes comme IDG, 01 Réseaux ou Le Monde Informatique sont mis à jour, Le Monde Informatique en tout cas est mis à jour tous les jours sur Internet. Il se trouve que IDG est un grand groupe et il faut savoir qu’il vit quasiment uniquement de la publicité, ils vivent très peu des ventes. Ils abonnent des gens gratuitement parce que les gens qui sont abonnés sont des lecteurs qui vont recevoir les messages des annonceurs donc leur stratégie sur le Web c’est accès gratuit, ça augmente notre lectorat et après on vend de la pub. Le résultat sur le site Web, il y a le contenu intégral de l’édition qui sort à chaque fois que l’édition sort et en plus il y a un quotidien électronique qui donne toutes les nouvelles de la journée dans Le Monde Informatique, c’est assez énorme. Bon ils ont les moyens, ils ont mis des gens à plein temps dessus et si ça n’est pas rentable aujourd’hui à mon avis ça se fera dans un an ou deux, mais parce que au niveau des directions informatiques, je me mets à la place du Directeur informatique qui a envie de se tenir au courant, c’est clair je me connecte tous les matins sur la même liste, c’est certain il n’y a pas photo voilà ça c’est la première solution si on a des tunes et on y va. La seconde solution, on n’a pas de tunes qu’est-ce qu’on fait ? soit ... soit on attend et c’est ce qui se passe aujourd’hui, soit on essaye de développer un petit contenu complémentaire, on essaye de réallouer des compétences qu’on a en interne, il faut savoir que développer un site Web ça ne coûte franchement pas cher surtout quand on est dans le milieu de la presse où on a déjà des maquettistes, des spécialistes du graphisme, etc ... Donc faire la maquette, le graphisme d’un site Web c’est quand même pas terrible, terrible ... après bon trouver un hébergement c’est pareil, pour un hébergement ça se négocie toujours en échange de pub par exemple, ça ne coûte rien et après on prend les journalistes qu’on a en interne, on dit à chacun “ bon voilà, toi tu vas passer une heure tous les jours, tu fais sur une page une liste de bonnes adresses et chaque jour tu donnes une liste de bonnes adresses ”, ce n’est pas la mer à boire. Donc, moi je trouve que la plupart des groupes devraient réfléchir à ça quand même, la plupart des sites de presse, c’est pas super ambitieux mais ça apporte déjà un service, ça permet de se montrer sur le Web.
  • J’ai déjà observé le secteur, en fait on remarque une certaine évolution entre une tendance dans les magazines papier à privilégier entre dossiers, articles de synthèse, thèmes de réflexion etc ... et plus de recul sur le support papier avec pour conséquence de voir le Web devenir un simple instrument de médiation quoi si vous voulez vers les sites, vers les sources de l’information.
  • Il y a plusieurs choses par rapport à ça. Il y a deux choses qu’il faut voir par rapport à ça, la première c’est que vous avez un gros dossier, un gros dossier c’est beaucoup plus rentable que faire un petit papier. Moi à CD-Rama, à CD-Rama, il m’est arrivé de fourguer des articles de dix pages, on n’en a rien à foutre, dix pages comme on est payé au feuillet donc à la quantité bon, voilà dix pages c’est hallucinant vous ne trouvez jamais ça dans la presse. C’est vrai qu’avec CD-Rama on peut tout se permettre, mais pourquoi parce que de toute façon à partir du moment où j’ai fait toutes mes grosses recherches sur un sujet que je le rentre sous un format d’article de quatre pages ou d’un article de dix pages, en terme de recherches c’est pareil. Donc à partir du moment où le plus gros du boulot c’est le temps de recherche, le temps passé sur un article, c’est vrai, autant faire l’article le plus gros possible pour rentabiliser le temps de recherche passé dessus. Donc c’est pour ça qu’il y a souvent, il faut souvent des dossiers bon c’est vrai que les dossiers c’est bien pour le journaliste qui l’a fait, c’est rentable même y compris pour un magazine comme Netsurf si un journaliste de Netsurf à plein temps va passer trois jours sur un sujet, il vaut mieux qu’après ce sujet prenne dix pages parce qu’il n’aura pas le temps de faire après trente six petits articles à côté, il n’aura plus le temps, il a déjà gaspillé la moitié d’une semaine donc c’est aussi plus rentable pour Netsurf donc ça c’est la première chose par rapport aux dossiers, c’est un peu le mauvais côté des choses, c’est le côté strict, côté gestion. L’autre côté, c’est que de toute façon c’est effectivement une tendance, les gens aiment bien les dossiers, les dossiers c’est vrai que ça permet d’approcher un sujet de fond en comble, d’avoir d’une part c’est vrai de prendre du recul, les gens aussi c’est une tendance générale dans la presse, c’est de prendre du recul sur les choses. Il y a eu à un moment dans les années 1980 où la presse avait tendance, on balance de l’information, on balance etc ... c’était les premiers temps l’arrivée de Canal +, l’arrivée du câble etc ..., les médias ça été une profusion de médias qui arrivent et ensuite il y a eu Internet, pareil Internet il y a des sites Web partout qui partent dans tous les sens, c’est le boxon on ne sait plus ce qui est bon à prendre, ce qui est mauvais à prendre. Au bout d’un moment, on arrête tout, moi ce que je veux ce n’est pas avoir de l’information, comme dit Joël De Rosnay : “ Trop d’infos tue l’info ”. Au bout d’un moment, l’info elle n’a plus aucune valeur parce qu’elle arrive de tous les côtés, dans tous les sens. Au bout d’un moment, il faut que les journalistes savent dire stop, on arrête tout, on prend du recul, on se casse, nous on est là, on a une position privilégiée, c’est qu’on est en plein coeur de marché, on voit tout donc il faut qu’on trouve vis à vis du lecteur c’est de faire le tri de l’information, de prendre du recul, de l’analyser et de faire dire ce qu’on pense. Donc là c’est vrai que l’on rentre dans un côté ..., le journaliste a une mission qui est d’être objectif, c’est à dire de retranscrire l’information telle qu’elle est, sans la déformer, mais au bout d’un moment il a aussi pour mission de devenir subjectif et de dire ce qu’il pense de cette information, d’avoir en fait un rôle de leader d’opinions.
  • Quand vous disiez tout à l’heure les gens aiment bien les dossiers ...
  • Ouais.
  • Ce sont qui les gens ?
  • Les lecteurs. Attention, attention, pour moi le lecteur a deux types d’attente ... D’une manière générale, le lecteur ce qu’il veut c’est une information qui soit synthétique et facile à lire, c’est ce que je disais tout à l’heure c’est que pour moi un bon magazine doit pouvoir se lire en diagonale donc avoir plein de petits points ... que ce soit un magazine dans son intégralité, un magazine qui serait fait de dossiers ça ne m’intéresse pas parce que, parce que j’ai envie de lire le truc rapidement, je n’ai pas envie de mettre un commentaire sur chacun des thèmes et d’autre part la plupart de ces dossiers ne m’intéressera plus. En revanche, quand je prends un magazine comme Netsurf, s’il y a un gros dossier dans mon Netsurf, moi j’aime parce que finalement en un mois de lecture, le lecteur il aura le temps de lire son magazine en diagonale, donc d’avoir l’essentiel de l’information et il va avoir le temps de s’attarder sur un sujet en particulier qui l’intéressera donc là c’est l’intérêt du dossier et l’intérêt du dossier c’est de rentrer dans le coeur du sujet , donc de pouvoir aller plus loin et c’est vrai qu’il y a par exemple sur un domaine comme Internet qui est très nouveau si on parle de la publicité sur Internet, la publicité sur Internet ça mérite un dossier parce que c’est un monde nouveau donc il faut savoir qui sont les acteurs ? quelles sont les centrales d’achats ? Quel est leur rôle ? Le CFP qu’est-ce qui fout ? Les annonceurs qui sont-ils ? etc ... Il y a plein de choses à voir, plein de multi-points à droite, à gauche etc ... donc c’est un dossier, on recommence tout. Par contre, je ne sais pas la fusion entre MSN et “ Machin ”, il n’y a pas à faire un dossier là-dessus, il y a un article. Il faut toujours faire la part des choses, il y a des thèmes des sujets globaux dans lesquels il faut, il faut, on a besoin d’un dossier pour faire le tri de l’information et arriver à ..., c’est vrai, imaginez que dans un canard vous trouvez un article sur qui sont les annonceurs ? dans le canard vous trouvez un article sur quoi sont les centrales d’achats, dans un troisième canard vous trouvez un canard sur ou je ne sais pas quel est le rôle du media-planner ? Enfin les objectifs du marketing par rapport à la pub sur Internet ? Et bien, il sera impossible de mettre en rapport les trois choses alors que ces trois choses finalement elles sont toutes liées les unes aux autres et c’est l’intérêt d’un dossier et l’intérêt d’un dossier vous parlez d’un truc, vous parlez d’un autre truc, d’un autre truc et dans la quatrième partie vous synthétisez et vous dites comment ça marche tous ensemble. Donc c’est à ce niveau là qu’on a besoin de dossier pour éclaircir des nouveaux domaines, des nouveaux sujets etc ... Par contre, c’est vrai qu’il y a aussi besoin d’une information très synthétique et droit au but.
  • Alors pour rester dans le domaine de l’édition Web, est-ce que vous pensez que sur un site d’un magazine, quand il fait une série de liens hypertexte vers d’autres sites, d’autres sources, est-ce que vous croyez que c’est un prolongement du journal ou est-ce que cela s’arrête au niveau du site ? Est-ce que la légitimité du journal quelque part n’est pas trop déléguée au site vers lequel il renvoie ?
  • Pour moi la mission, la mission d’un média sur Internet entre autres ... média entre autres c’est effectivement de ... de ... de jouer le rôle d’interface et de guide donc c’est vrai que pour moi c’est une complémentarité, c’est une continuité qui est indéniable, ça c’est clair et net. Maintenant quant à savoir si il y a une légitimité qui est conférée ... à je ne sais pas trop quoi, je ne sais pas trop, oui je pense que ... Je prends par exemple un partenariat qu’on a monté avec Le Monde, C-Foot et Le Monde heu... le principe est très simple, quand vous allez sur la page d’accueil du Monde, il y a une rubrique Sport et dans la rubrique Sport, il y a trois trucs : les dossiers Coupe du Monde, il y a accès aux Dépêches sport de l’AFP et il y a l’accès à C Foot, il y a toute l’activité du football en continu avec C Foot et après quand on clique sur cette rubrique, on arrive sur une page qui est composée avec une barre de menu sur la gauche qui est propre au Monde mais qui reprend toutes nos rubriques et puis il y a nos pages qui s’affichent à droite avec une barre de menus qui permet d’accéder aux différentes rubriques du site etc ... Pourquoi Le Monde a fait ça heu ... évidemment pour apporter un service supplémentaire à ses lecteurs qui est d’avoir une information extrêmement actualisée sur le foot et également pour se donner une nouvelle image un peu plus sportive donc à avoir une sorte de légitimité de quotidien grand public. Le Monde c’est vrai avait toujours eu une image de quotidien trop intellectuel, de quotidien pour philosophe, c’est assez déplaisant et Le Monde ce qu’ils veulent c’est élargir leur panel de lectorat de s’ouvrir un peu à tout le monde, de quitter cette image austère etc ... Donc à partir de là, eux ils ont développé un partenariat avec nous pour offrir du service à leurs lecteurs pour avoir une légitimité plus grand public, une image plus grand public et c’est vrai qu’à ce niveau là ce n’est pas faux. Maintenant, si je me place dans l’optique de C Foot uniquement, nous, notre légitimité, nous ce qu’on veut, notre objectif c’est d’être, c’est d’être l’interface, d’être ... l’interface n°1, l’interface obligée des amateurs de foot sur Internet donc c’est vrai que nous sommes en train, c’est vrai que notre priorité ça a toujours été de faire de l’actualité, c’est vrai c’est ce qui marche le plus, nous notre but, ce que l’on est en train de mettre en place, on a commencé tout doucement, c’est de développer des rubriques de liens heu ... surtout on est en train de le mettre en place pour la Coupe du Monde actuellement parce que nous ce que nous voulons également, c’est également offrir un service à valeur ajoutée en leur proposant tous les sites intéressants sur le football heu ... pourquoi, parce que nous, nous voulons devenir le carrefour des amateurs de foot sur Internet c’est à dire que quelqu’un qui a envie d’avoir, de trouver un site sur son joueur préféré, qu’il vienne d’abord sur C Foot.
  • Vous y avez peut être pensé pour CD-Rama certainement encore plus pour C Foot est-ce que lorsque vous envoyez vers un site, est-ce que vous vous assurez de sa bonne ... ?
  • Déjà ce qu’il faut voir c’est que nous, nous sommes sur un marché très spécial qu’est le foot donc je dirais que dans le foot on est à l’abri de tout ça. Les sites à ragots dans le foot il n’y en a quasiment pas et ce qu’il faut savoir également, c’est que un site Web de toute façon, un site Web dépend de la personne qui l’a fait par exemple, quand vous renvoyez, quand vous allez visiter un site Web d’un supporter de l’O.M., vous allez lire “ Des P.S.G. e ... à toutes les pages ”, bon voilà vous savez que c’est un site d’un supporter de l’O.M. basta c’est tout donc il faut savoir où l’on va, le foot c’est quand même très spécial.
  • Par exemple pour ce qui concerne l’Internet, imaginez que CD-Rama réalise un dossier sur Internet Explorer, si vous renvoyez sur le site de Microsoft est-ce que vous pensez que le lecteur Internaute dans ce cas là en cliquant simplement, il va passer de votre média ou il pense qu’il a une approche objective sur les sites comme vous le disiez tout à l’heure, en allant directement vers ce site, il aura accès à une information, une information très orientée, promotionnelle ?
  • Ouais mais c’est normal. C’est normal, c’est la règle du jeu, moi je pense que justement ma mission c’est de le faire, c’est de mettre un lien vers le site de Microsoft. A partir du moment où je commence à parler de Microsoft, il faut que je mette un lien vers Microsoft, pourquoi ? pour deux raisons : la première, c’est pour d’abord compléter l’information c’est à dire que heu ... si je parle effectivement d’Explorer il est normal que je mettre un lien vers la page où on peut télécharger Explorer, il faut après que mon lecteur puisse aller tester le logiciel, c’est normal et la seconde raison c’est pour je dirais à la fois cautionner et, en même temps, à la fois cautionner l’information que j’ai donnée c’est à dire montrer “ voilà le site c’est ça vous pouvez aller voir ” et en même temps permettre aux lecteurs de se poser des questions par rapport à mon avis, moi me remettre en question. Donc donner au lecteur la possibilité d’aller voir par lui-même, de tester et de me contredire.
  • Justement à ce niveau là, est-ce que vous avez eu recours fréquemment au courrier électronique pour échanger avec les lecteurs ou c’est quelque chose qui vous semble être en dehors de votre activité ... ?
  • Non, au niveau de CD-Rama relativement peu pour deux raisons. La première c’est que nous on avait un peu je dirais presque une image professorale donc c’est vrai que lorsqu’on faisait un article sur la conception de site Web finalement le type il prenait le truc comme acquis à tort ou à raison et il prenait le truc comme acquis et il ne lui serait pas venu à l’idée de m’envoyer un e-mail pour discuter. Une ou deux fois, il m’est arrivé d’avoir des petits e-mails de telle ou telle boîte qui me disaient “ Oui mais vous avez parlé de tel produit, mais vous savez que nous, nous avons notre produit qui y ressemble vachement ”. Par contre où je reçois des e-mails c’est au niveau de C Foot parce-que nous au niveau de C Foot nous avons fait des commentaires de matchs de foot et il n’y a rien de plus passionné qu’un supporter de foot donc quand on dit que “ L’O.L. s’est planté, que le Président Aulas s’est planté ” nous n’avons pas dit ça !!! Donc là c’est vrai que nous recevons régulièrement des courriers, le courrier le plus bizarre, l’e-mail le plus bizarre que j’ai reçu c’était au début de C Foot en plus c’était au mois de juillet et c’était un type qui me reprochait d’avoir écrit un article sur la loi Evin et des problèmes par rapport à la loi Evin et un qui était sponsor de la Coupe du Monde et qui ne pourrait pas s’afficher sur les stades à cause de la loi Evin etc ... et j’avais fait un article là-dessus et il y avait un type apparemment un peu taré qui m’avait envoyé un e-mail en m’insultant, en me traitant de politicard, en m’accusant de me cacher derrière ces alibis sportifs pour faire de la politique, donc des trucs délirants.
  • Est-ce que vous pensez que le courrier électronique facilite les échanges entre lecteur et rédacteur ou est-ce que c’est toujours comme avec le courrier normal ?
  • Ouais, non, moi je pense que si, si ça facilite beaucoup parce que sur C Foot vous avez une page, une rubrique dans laquelle vous avez toutes les pub de C Foot et par exemple Le Monde vous êtes en train de lire un article sur ... la défaite du P.S.G. face à l’O.M. et bien après vous avez le nom du rédacteur juste en bas de l’article, nous n’avons pas mis de lien sur ce nom justement parce que nous ne voulons pas, parce que si vous voulez le problème si vous leur mâchez tout le travail, pour le coup nous recevons des tonnes de e-mails, par contre sur la barre de menu qui est sur la gauche vous avez un accès direct à une rubrique où nous pourrions être contactés donc ce n’est pas compliqué, vous cliquez là-dessus.
  • Donc il y a une démarche.
  • Il y a une démarche, il faut avoir ... il ne faut pas que ça soit trop facile, que j’envoie un e-mail d’insultes et puis basta. Il faut au moins avoir quelque chose à dire et grosso modo ça se passe très bien, quoi nous n’avons jamais eu de gros débordements et nous avons une rubrique “ courrier des lecteurs ” et à partir du moment où un e-mail même est critiqué, bien argumenté, etc..., et je dirais que ça fait partie du dialogue et c’est presque un avantage pour nous parce que dans beaucoup de cas heu ... moi je vois par exemple en début d’année le Directeur de la publication et moi nous sommes parisiens d’origine, donc nous sommes tous les deux supporters du P.S.G., mais quand nous écrivons dans C Foot nous sommes objectifs, nous prenons du recul et puis nous ne sommes plus supporters du P.S.G. et quand au début d’année, le P.S.G. a beaucoup merdé, nous avons fait quelques éditos assez sanglants qui nous ont valu, nous avons même été contactés par la Direction de la communication du P.S.G. pour nous engueuler quoi et à cette époque là nous avons reçu pas mal d’e-mails de lecteurs qui étaient super déçus et qui étaient supporters du P.S.G. et qui nous disaient “ Ouais, on ne vous lira plus, c’est un scandale, etc ... ” et nous nous étions ravis d’avoir reçu cela parce que après nous leur expliquions “ Ecoute moi, je comprends très bien ton point de vue d’autant plus que moi je suis comme toi, je suis supporter du P.S.G. simplement voilà il y a ça, il y a ça, est-ce que tu trouves que c’est normal que Denisot lâche Leonardo pour soixante millions etc ... ” et ça permet de discuter et finalement à la fin nous nous sommes quittés en bons copains et les mecs sont toujours lecteurs de C Foot et finalement ils sont ravis et ils ont pris du recul par rapport à tout ça et finalement ça nous permet de ne pas perdre notre lectorat quand il n’est pas content, de lui permettre de s’exprimer, de dire qu’il n’est pas content et après on s’explique et il revient.
  • J’ai fait un peu le tour de ce que je voulais vous demander, si vous voulez ajouter d’autres choses par rapport à CD-Rama ?
  • Bon, je ne sais pas, si il y a une remarque qui vient à l’esprit c’est l’extrême volatilité du marché de la presse multimédia surtout dans le grand public et je suis impressionné par le peu de viabilité des magazines. En 1996 et 1997 donc fin 1996 surtout à la grande époque de CD-Rama, nous avions deux concurrents à l’époque qui étaient multimédia, pas des canards qui étaient orientés multimédia, quand je dis concurrent, je dis concurrent dans les kiosques, dans l’image des gens parce que finalement nous n’étions pas des concurrents sur le contenu et ça c’est un autre problème malheureusement et ce n’est pas toujours évident et nous ne sommes pas toujours vendus par rapport à notre contenu. Donc je ne sais pas mais j’ai l’impression que c’est un marché et en tous cas ce qui est clair c’est que tous les titres qui ont misé à fond et en s’entêtant sur le CD Rom sont morts aujourd’hui, il n’y a plus de titres qui font du CD Rom et c’est normal, ce qui illustre bien la tendance qui n’est pas de dire que le CD Rom est mort loin de là, mais c’est ce que je disais tout à l’heure quoi, mais le CD Rom ne va pas s’orienter vers un marché de niches alors qu’Internet c’est de l’universalité. Je pense que l’avenir il est vraiment du côté de l’Internet mais même sur le marché de l’Internet heu ... bon Internet Reporter est mort et vient de connaître une seconde vie mais avec un positionnement qui est quand même très décalé, Planète Internet ne paraît plus depuis trois mois, depuis Noël en fait donc voilà c’est révélateur, finalement sur ces marchés il faut être soit le premier Netsurf je crois en termes de ventes, sur Internet je crois que c’est le premier.
    Donc voilà, pour l’instant c’est un marché super fragile, un marché qui se cherche en fait, qui cherche à avoir ... mais bon c’est normal parce que finalement Internet est encore peu développé, donc finalement la demande est faible quantitativement. Donc à partir du moment où tu as un ou deux canards, bon c’est bon c’est pas comme pour des canards comme Management, Entreprise, Challenge etc ... qui eux ont pour cible toutes les entreprises françaises, tous les cadres français donc des millions de gens c’est pas pareil. .net, Netsurf tout ça ils ont une cible potentielle de deux cent mille à trois cent mille personnes et à partir du moment si vous prenez tous les mecs qui s’intéressent à Internet en entreprises, ils ne lisent pas Netsurf, ils lisent Internet Professionnel qui est beaucoup plus orienté informatique, ils lisent le Monde Informatique etc ...