Entretien avec Gilles FOUCHARD, rédacteur en chef de Internet - Le Guide du Web : 26/03/1998.

• En fait premier point, je vais vous interroger sur essentiellement vos activités au sein de Internet-Cyber Guide, vous pouvez me rappeler les ...
• Alors moi je peux vous dire un petit peu ce que j’ai lancé comme supports, mais il n’y en a que deux a priori qui vont vous intéresser et ce qui me paraît le plus intéressant c’était mon expérience et en terme de produit c’était Multimédia Solutions qui a été lancé en 1992 et qui était en France le premier support dédié aux multimédias commençant à parler de manière un peu légère, enfin un peu légère, à aborder les sujets de l’Internet en 1992/1993. Bon c’est un produit qui a été lancé par Edicorp qui depuis est un éditeur racheté par Pearson qui possède d’autres titres dont deux autres que j’ai également lancés qui sont donc PC et CD-Rom Magazine et des titres plus grand public. Multimédia Solutions pour moi c’était une belle aventure parce qu’on pouvait présenter ces nouvelles technologies multimédia un produit semi-professionnel et on s’adressait un petit peu aux entreprises pas vraiment encore au grand public même si on commençait à parler de PC multimédia, on parlait aussi de bornes interactives, de réseaux où les dix premiers numéros étaient plutôt des numéros destinés à des décideurs, à des développeurs, il y avait un petit côté professionnel et on risquait de donner aux produits ensuite probablement à tort un côté grand public.
• Mais ils étaient quand même vendus en kiosques au départ ?
• Ah oui tout à fait, tout de suite. C’est un produit qui s’est installé en kiosques avec une difficulté là c’est un peu de la technique presse de mise en place parce que “ multimédia ” en 1992 il n’y avait pas de rayon déjà et ça ne voulait pas dire grand chose dans l’esprit des kiosquiers et le produit a été très mal positionné en kiosques au départ et le premier mois ça ne s’est pas très bien vendu. Bon on avait une audience de diffusion entre dix mille et vingt mille à l’époque on pouvait faire plus et le produit a vraiment trouvé son lectorat le jour où très simplement on a mis une disquette dedans donc d’ailleurs on n’a pas innové avec MS, on aurait pu mettre un CD Rom, on l’a fait un peu plus tard pour des raisons de coût. On l’a associé à une disquette et là tout de suite il s’est retrouvé dans la presse informatique et les gens commençaient à le voir. Et ceux qui le lisaient l’ont peut être un peu perdu d’ailleurs parce qu’ils l’ont changé de rayon à ce moment là et ceux qui ne le connaissaient pas ont commencé à l’acheter donc le produit a un peu mieux marché et il a été arrêté pour des raisons techniques, des raisons juridiques au bout de trente trois numéros. Il aurait pu très bien se poursuivre et exister aujourd’hui, mais ça ce sont les aléas de la vie d’un magazine. Dans le même domaine j’ai donc lancé Internet-Le Guide du Web chez SEPCOM, donc un autre éditeur qui possède un magazine qui marche assez bien qui s’appelle PC MAG donc là un support Internet sachant que au vu des expériences des concurrents et d’autres groupes de presse que ce soit Hachette avec Branché qui a dû arrêter le titre au bout de trois mois, que ce soit Ziff-Davis qui est quand même un poids lourd dans la presse informatique qui n’a pas réussi à imposer un titre Internet et qui a échoué avec CyberScope que ça soit des tentatives aussi avortées chez Pressimage même si aujourd’hui ils ont l’air de tenir la route avec Netsurf, il y a eu d’autres titres qui se sont arrêtés que ça soit chez Edicorp-Pearson avec .Net qui était en fait une traduction au départ de .Net anglais et carrément un magazine franco-anglais au vu de tous ces concurrents et j’oubliais Grolier avec Planète Internet et puis Hachette .Net et l’on voit qu’on a une presse qui est assez faible et qui ne trouve pas son lectorat et ça correspond très certainement au fameux retard français en matière d’Internet. Il n’y a pas de secret quand il y a peu de gens utilisateurs d’Internet en France du coup il y a peu de lecteurs et comme il y a déjà beaucoup de magazines, ce sont des magazines qui ont du mal à vivre. Donc moi plutôt que de relancer un magazine d’actualité classique chez SEPCOM, j’ai voulu faire un guide d’internet, un produit thématique donc on a fait six numéros avec mon équipe qui étaient des compilations et des chroniques de sites faites par des journalistes. Donc un premier numéro sur les meilleurs sites francophones avec une compilation assez importante : on avait référencé deux mille sites. On a fait un numéro spécial qu’on avait appelé l’Atlas mondial des sites Internet et où on avait référencé cent cinquante pays avec tous leurs sites etc ... bon des produits très thématiques paraissant tous les deux mois et qui n’étaient pas du tout en concurrence avec les autres titres Internet. Bon il se trouve qu’après mon départ l’éditeur a arrêté ce titre et on n’en connaît pas la raison, je ne peux pas en parler et aujourd’hui il ne reste que les titres que l’on connaît, que vous connaissez sur le marché.
• Donc essentiellement les raisons qui vous ont poussé vous en tant que rédacteur en chef à l’initiative du projet ou le groupe de presse dont dépendait le titre, c’est essentiellement d’avoir vu qu’il y avait certains magazines chez les concurrents qui naissaient dans ce domaine où il y avait également ...
• Non pas du tout, moi j’ai toujours lancé des magazines ... toujours un petit peu en avance sur les marchés : PC Magazine a été lancé en 1994, un magazine destiné au grand public, un marché grand public pour l’achat de PC à la maison donc en 1994 c’était déjà trop tôt. Multimédia Solutions pour les entreprises en 1992 c’était trop tôt c’est à dire si on lançait Multimédia Solution aujourd’hui je pense que ça marcherait mieux qu’en 1992 et c’est un produit qui n’est pas obsolète, un projet qui n’est pas obsolète et quelqu’un pourrait le lancer d’ailleurs, on m’a suggéré de le faire, de le lancer sur Internet aujourd’hui ce n’est plus mon cheval de bataille mais je dirais qu’on a tendance en presse surtout les petits groupes, c’est le jeu des petits groupes de presse de prendre le devant sur les grands groupes qui sont toujours un peu frileux et de sortir des produits un petit peu en avance pour prendre ... s’installer sur un créneau qui n’est pas occupé et essayer de prendre une part de marché, c’est une stratégie classique en presse.
• Et au point de vue justement des éditeurs là comme SEPCOM etc ... vous aviez fait une enquête auparavant, une étude du lectorat potentiel ou alors ça a été lancé comme ça ?
• On fait des études ... alors il y a des magazines qui se lancent un petit peu au feeling, cela a été le cas de Home PC avec des résultats assez étonnants sur son premier numéro, il y a eu une curiosité qui a joué. Il y a eu quatre vingt dix mille lecteurs mais le magazine malgré tout n’a pas trouvé son lectorat et il s’est effondré au fil des mois, mais c’était un score très très fort compte tenu des moyens relativement faibles de l’éditeur à l’époque qui n’était pas encore acheté par Pearson, c’était un éditeur indépendant avec peu de moyens en promotion, affichage etc ... Donc une surprise au lancement de Home PC, une deuxième surprise dans sa baisse progressive qui tendait à laisser penser, mais là on sort un peu du cadre Internet, c’est plus de la micro-informatique que on tournait autour du même lectorat en fait. Dans la presse informatique les supports changent mais les lecteurs ne changent pas beaucoup et ceux qui achètent de la presse informatique ne sont pas forcément les nouveaux utilisateurs de la micro à la maison qui finalement n’en achètent pas beaucoup parce que c’est une presse qui les rebute ou parce qu’ils n’en éprouvent pas le besoin, ils préfèrent acheter des bouquins. Ils n’ont pas envie de devenir des spécialistes, ils ont envie de faire un certain nombre de choses et ce ne sont pas forcément des passionnés et la presse micro c’est une presse de passionnés pour des passionnés, moi c’est mon impression alors elle tourne parfois un peu en rond.
• Et en revanche qu’est ce qui vous a poussé à choisir un petit peu l’angle comme vous avez dit de guide, d’aide un petit peu à la navigation entre les différents sites etc ... ?
• Je crois qu’il me paraissait mais c’est justement pour sortir de ce cadre informatique, magazine informatique, magazine Internet des magazines qui pour moi étaient encore très techniques où on comparait des navigateurs où on présentait un certain nombre de sites de développement, des magazines ... finalement qui ne pouvaient pas trouver leur lectorat puisque les lecteurs étaient déjà lecteurs de magazines qui avaient des rubriques Internet comme PC MAG, SVM, l’Ordinateur individuel, donc il y avait une espèce de redondance donc il fallait se positionner différemment et essayer de capter un lectorat nouveau qui allait arriver sur Internet et dont le besoin n’est pas tellement de savoir si Front Page était un bon outil de développement ou si Netscsape était plus intéressant qu’Internet Explorer, le besoin c’était comment je recherche de l’information, quels types d’informations et de services sur Internet et je fais confiance à des journalistes pour aller utiliser ces sites. Finalement c’était un peu une revue de contenu quoi. On trouve des produits comme ça qui ont un très grand succès d’ailleurs aux USA ou en Angleterre, mais c’est à dire que sur ce terrain là on est quand même très très en retard. Je vois les Américains et les Anglais c’est directement lié au nombre de gens qu’on éclaire donc il fallait à mon avis lancer un produit plus axé sur les contenus en fait et moins sur la technologie Internet, donc expliquer aux gens “ voilà vous vous intéressez à la bande dessinée, voilà ce que l’on a trouvé sur la bande dessinée sur Internet, vous vous intéressez à la mode etc ... bon ”. Toute la difficulté c’est que un magazine Internet comme un magazine professionnel il est dans les rayons micro et ce sont des rayons qu’un certain nombre de personnes évite parce que c’est de la presse technique et même si le magazine en lui-même n’était pas technique, il aurait fallu faire de la promo dessus, le faire savoir. Donc c’est un magazine qui avait lui aussi une diffusion relativement modeste et qui oscillait entre vingt mille et trente mille selon les numéros, mais finalement pas si mauvaise que ça au regard des résultats des concurrents.
• Alors l’arrêt du magazine c’est dû à quoi ?
• Alors là je ne peux pas répondre puisque moi j’avais quitté le groupe en août et il a été arrêté il y a un ou deux mois et je n’en connais pas la raison ...
• Et au niveau de la structure de travail, vous étiez combien de permanents, est-ce que vous faisiez beaucoup appel aux pigistes etc ... ?
• Alors chez SEPCOM donc le dernier éditeur chez qui j’ai travaillé j’étais Directeur des rédactions et Rédacteur en chef dans les structures comme SEPCOM type P.M.E. on cumule un certain nombre de fonctions, donc j’assurais la rédaction en chef de plusieurs magazines, un magazine comme Mon PC Multimédia que j’ai essayé de reprendre, un magazine comme PC MAG Loisir que j’ai lancé qui était le pendant de PC MAG orienté jeux vidéo, un magazine qui paraissait tous les deux mois comme Internet-Le Guide du Web dont on a parlé dont j’étais également Rédacteur en chef donc je cumulais toutes les fonctions et en interne des équipes très légères et beaucoup de pigistes qui travaillaient pour moi ça toujours été le cas d’ailleurs car sur six ans de presse j’ai beaucoup travaillé avec des équipes externes en fait de pigistes et puis quelques bons piliers, des collègues fiables qu’on retrouvait d’ailleurs sur la plupart des titres que j’ai lancés.
• Ca représente combien de personnes ces personnes permanentes ?
• Les permanents ...
• Trois à quatre personnes ?
• Oui, c’est ça, des équipes très réduites. Sur Internet-Le Guide du Web les seuls permanents c’était moi et un autre qui était basé à Avignon. On a pu mettre d’ailleurs en place des méthodes de travail avec des gens éloignés en utilisant Internet d’ailleurs. Le télétravail marche très bien, c’est un outil que j’ai beaucoup utilisé en tous cas pendant cinq ou six ans.
• Et justement au niveau des gens qui collaboraient à vos revues ou vous-même, vous avez quoi comme parcours auparavant ? Est-ce que vous êtes des journalistes au départ qui travaillaient dans des médias dédiés à l’informatique ? Est-ce qu’il y a des gens qui ... ?
• Moi je suis arrivé, je suis arrivé à la presse par goût de la technologie multimédia en réalité parce que moi j’ai une formation d’ingénieur, je ne suis pas issu de formation littéraire ou journaliste. J’ai commencé à écrire dans la presse en faisant passer un certain nombre de messages et articles techniques il y a une bonne quinzaine d’années sur des sujets aussi variés que l’animation graphique sur Apple 2 ou les techniques d’intelligence artificielle à tout ce qui tient aux images de synthèse. Bon, on m’a demandé d’écrire des sujets qui m’intéressaient d’écrire et puis, petit à petit, on met un doigt, la main et un jour on finit par lancer vraiment un magazine.
• Vous avez beaucoup évolué par rapport à ça, alors justement puisque vous dites qu’il faut avant tout privilégier le contenu, que les gens ne recherchent pas forcément le côté technique.
• Oui, oui, tout à fait, absolument. Mais en 1985 la micro-informatique était vraiment destinée à des spécialistes donc à l’époque on faisait des magazines qui étaient des magazines de techniciens et d’ailleurs ce magazine là avait un grand succès, je n’en citerais qu’un c’est Micro System donc c’est un produit qui n’existe plus aujourd’hui. Il y avait des pages entières de listing, c’était un magazine qui était à la pointe, qui était au tout début de l’effervescence de la micro-informatique, on ne parlait pas encore d’Internet bien sûr mais ça existait déjà, on parlait de réseaux, de télématique et donc c’était un produit pointu fait par des ingénieurs ... et lu par des fanas de la technique et de la bidouille c’était clair. Les choses n’ont finalement pas tellement changé que ça dans le lectorat même si je dis qu’il faut qu’on arrive à faire des magazines plus accessibles bon il y a des tas de gens qui ont tenté le coup, mais il y a le lectorat en face, on ne le capte pas immédiatement, ce n’est pas aussi simple que ça.
• Donc sinon les collaborateurs qui étaient avec vous c’était pareil, c’était des gens qui venaient ...
• Le profil ? les deux. En fait j’ai travaillé vraiment avec des gens de profil très varié et c’est vrai qu’on retrouve des journalistes de métier, des gens qui étaient passés par la radio, certains par la télévision et beaucoup de gens qui venaient de la technique et de l’informatique, donc c’était très variable. En règle générale, un littéraire, un journaliste avaient une approche rédactionnelle qui était intéressante et parfois des lacunes techniques que le rédacteur en chef devait reprendre et l’ingénieur avait un profil technique assez intéressant et un article à reprendre également pour sa forme donc chaque personne avait sa manière de traiter les choses en fait. Donc là c’était très équilibré : des journalistes et des ingénieurs en règle générale. Dans le domaine du jeu vidéo par exemple que j’ai lancé PC MAG Loisir, un peu connexe, là on fait carrément appel à des jeunes de quinze et seize ans qui sont des furieux du jeu vidéo et une salle de rédaction d’un magazine de jeu vidéo c’est assez étonnant parce que l’on a vraiment l’impression que les gens ne travaillent pas là. Ils testent des jeux à longueur de journée et c’est un autre profil là encore.
• Et par rapport au lectorat cette fois, là aussi il y a des enquêtes, des études ou tout simplement des retours un peu plus informels ?
• Alors qu’est ce que l’on sait de nos lecteurs sur ... c’est très intéressant cette question parce que l’on sent quand les produits sont des produits forts au taux de courrier spontané, ça déjà c’est la première chose. Un magazine comme Multimédia Solutions a généré un taux de courrier spontané très élevé et un taux de contact auprès du rédacteur en chef très élevé et donc on sentait là qu’il y avait un produit qui répondait à une attente car beaucoup de gens se posaient des questions sur les technologies du multimédia, qu’est-ce qu’on pouvait en faire dans un contexte d’entreprises en général donc très gros retour et très grosse attente des lecteurs. Sur des produits comme Home PC par exemple, même avec une très forte diffusion beaucoup plus forte que Multimédia Solutions, il n’y avait pas de courrier de lecteurs spontané en fait ou très peu et enfin on n’est pas sur une cible, alors soit ce sont des gens qui venaient par curiosité, ils le faisaient certainement au début puisqu’ils ont disparu et qui se demandaient ce qu’était un nouveau magazine mais si on a compté des néophytes, des néophytes moins passionnés probablement et qui n’éprouvent pas forcément le besoin d’écrire aux rédactions, de demander des renseignements et le contact avec le lecteur est plus flou. On ne les connaît pas facilement et on fait des enquêtes régulièrement tous les six mois, certains éditeurs préfèrent en faire plus régulièrement.
• Les enquêtes elles sont réalisées en interne ou ?
• Oui, elles sont publiées dans le magazine et puis on les épluche après. On demande aux gens s’ils veulent réagir sur le contenu, sur la forme, sur leurs attentes etc ... ça nous donne des profils lecteurs. L’enquête lecteur ça a deux utilisations en fait c’est ... utile pour le rédacteur en chef et utile également pour la publicité. Il ne faut pas oublier qu’un magazine c’est un produit qui se vend deux fois, il est vendu une fois aux annonceurs et une fois aux lecteurs de manière différente donc c’est pour ça que c’est un produit passionnant, c’est un produit qu’on vend deux fois avec deux techniques de ventes différentes et il faut arriver à faire que les choses soient bien cohérentes.
• De ce point de vue du double marché, c’est quoi la répartition dans les recettes entre achats du journal et puis recettes des annonceurs publicitaires ?
• Sur mes expériences ça a été très variable. Un produit comme Multimédia Solutions avait des recettes publicitaires qui étaient un petit peu modestes mais finalement un lectorat modeste alors c’était de l’ordre de 50-50. Donc moi je suis arrivé en presse en 1992 à une époque où finalement la publicité quand même commençait à baisser et les magazines comme Soft et Micro étaient un fer de lance bon et n’existaient plus, il y avait une presse informatique qui était en transformation.
• Et pour Internet Cyber-Guide là justement c’était quoi le ratio ?
• Là le ratio était tout à fait désastreux pour la publicité parce que c’est un magazine qui n’a pas trouvé son annonceur publicitaire. Bon ça peut être la raison de l’arrêt que je n’ai pas signalé tout à l’heure parce que je ne faisais plus partie du groupe mais un annonceur ... classique préfère annoncer dans un magazine qui a une forte diffusion. Le ratio publicitaire avec le ratio lectorat, un magazine comme Internet-Le Guide du Web n’a pas trouvé ses annonceurs, c’est clair.
• Et est-ce que l’annonceur ne s’intéresse pas non plus aussi à la façon dont est traité le thème, j’entends par là par exemple si vous aviez fait une revue plus pratique des matériels, des produits etc ... ?
• Oui, tout à fait. Bon mais cette revue existait, mais moi mon objectif c’était de faire un produit différent de ça, de ne plus vendre des revues pratiques bon, .net est un produit disons plus pratique de ce point de vue là. Il y a une autre difficulté en fait, mais là c’est plus de la cuisine commerciale, c’est que les commerciaux sont quand même intéressés sur le résultat et c’est toujours plus facile de vendre une locomotive existante qu’un produit qui démarre, donc il y a toujours des effets pervers sur la vente et si l’équipe commerciale n’est pas motivée pour vendre un produit naissant, elle va aller au plus facile et ça c’est valable dans beaucoup de domaines. Donc ça peut expliquer les difficultés à lancer certains titres si on ne met pas la stratégie commerciale qui va avec et l’intéressement pour les commerciaux c’est important.
• Donc là ce sont les commerciaux du groupe de presse ou du magazine ?
• Oui, oui tout à fait. S’ils ont trois supports à proposer, s’ils sentent une hésitation de l’annonceur potentiel, ils vont essayer de lui vendre le support qui est le plus ancien, qui a la plus grosse diffusion et pas forcément essayer de faire une vente sur le support qui est nouveau, qui parle de l’Internet, et très spécialisé sur lequel il n’y a pas eu beaucoup de promotion encore.
• Et au niveau rédactionnel, au niveau de vos choix éditoriaux, il y a une vraie relation avec les gens du service publicitaire et du marketing ?
• Oui, oui tout à fait. Moi j’ai toujours travaillé, j’ai toujours présenté, la relation, elle est simple : un rédacteur normalement, une équipe de journalistes est autonome, connaît son marché et essaye de comprendre la demande du lecteur et trace une ligne éditoriale qui détermine un certain nombre de sujets. Une fois ce travail fait, moi tous les mois, je présentais le contenu du magazine en termes de sujets, de points forts etc ... en essayant de donner aux commerciaux les pistes pour que eux puissent aller vendre sur le terrain après. C’est quasiment un rôle d’éditeur mais ça permet au rédacteur en chef d’avoir une phase de contact avec les équipes commerciales et ça dépend de l’organisation, de la taille de l’entreprise et ça dépend beaucoup du profil du rédacteur en chef aussi. Moi je donnais le contenu du magazine, pas les articles bien sûr, mais les sujets, les thèmes forts et des indications pour les aider à promouvoir le produit.
• Est-ce qu’en retour aux parfois vous disaient “ privilégiez tel ou tel thème, ça nous serait plus facile d’aborder tel annonceur ” ?
• Oui tout à fait. Il y a un échange qui se fait là de manière informelle car nous sommes une entreprise avec des commerciaux qui reviennent du terrain et qui disent “ bon il y a des gens qui ne nous croient pas et qui préfèrent tel support et ils veulent faire l’essai ”.
• Et alors là ce n’est peut être pas le cas pour Internet mais pour les magazines informatiques où vous avez collaboré, est-ce que les entreprises ou les organismes qui sont les acteurs du domaine informatique ou Internet, vous avez quelle relation avec leurs services de presse, de communication ?
• On a des relations qui sont très très proches avec tous les acteurs du marché que ce soit des gens comme Microsoft, IBM ou jusqu’au plus petit distributeur ou éditeur de logiciels, on les sollicite eux, ils nous sollicitent puisqu’ils ont des services de presse, ils nous communiquent de l’information, on les rencontre régulièrement, on reçoit leurs produits. Donc on a des relations permanentes avec tous les acteurs du marché.
• Est-ce que c’est votre principale source d’informations ou est-ce que vous avez aussi recours aux agences de presse plus traditionnelles car j’imagine que pour un secteur naissant, ce n’est pas évident et puis aussi des reportages en eux-mêmes, des enquêtes ?
• En fonction des supports, un produit comme Multimédia Solutions est un produit qui avait beaucoup d’enquêtes, d’interviews, de reportages, beaucoup de terrain donc on allait chercher l’information. Un produit comme Home PC est un produit plus simple, plus classique qui tourne autour du PC, c’est un produit où l’information vient plus naturellement à nous par le biais des communications, des entreprises en fait, des conférences de presse, des communiqués de presse, etc ... Le travail avec des agences de presse est très faible ...
• Est-ce que à votre avis c’est un manque, c’est un déficit de la part par exemple de l’Agence France Presse de ne pas avoir axé l’information à ce niveau sur les thèmes de ... ?
• Ce n’est peut-être pas leur métier, il faudrait qu’il y ait une agence spécialisée dans la technologie de l’information, dans la technique on a des besoins très spécifiques donc ce n’est pas forcément le métier de l’AFP, c’est peut-être le métier d’une autre agence à créer en tous cas dans ce domaine là on a des relais, je dirais que les meilleures agences sont les bons journalistes de terrain que l’on connaît et on fait jouer ces gens là. Bon il y a une autre source d’informations qui est intéressante c’est Internet puisque là l’information va plus vite. On peut, si Microsoft France par exemple ne donne pas l’information suffisamment rapidement sur un produit pas parce qu’il la masque mais parce qu’ils ne l’ont pas encore, utiliser les outils de l’information qui sont disponibles sur Internet relayée par la presse américaine, par les agences plus spécialisées américaines parce que là on en trouve partout.
• D’accord, je crois que l’on a fait à peu près le tour de cette première partie. Maintenant je vous propose que l’on parle des extensions multimédia des magazines papier, des revues papier. Alors pour Internet Cyber Guide, il y avait un CD Rom souvent je crois ...
• Tout le temps.
• Avec le magazine papier. Est-ce que vous avez développé un site Web ou pas ?
• Pour moi Internet, faire un magazine Internet papier ça n’a aucun sens ... c’est une volonté de ma part d’avoir un produit multi-supports. On avait systématiquement un CD Rom développé en HTML, je crois que l’on était les premiers en presse à faire un CD Rom entièrement compatible avec l’Internet et à partir du moment où le CD Rom est développé en HTML avec les outils Internet, il est immédiatement porté sans aucun coût supplémentaire sur un site Internet, ce qui était le cas. Donc aujourd’hui, on a toujours accès sur Internet au contenu des six CD Roms qu’on a pu développer pour les six numéros de ce produit là. Quand le magazine sortait, d’ailleurs un des points forts du magazine ce n’était pas le magazine papier, c’était pour ceux qui avaient un PC, c’était le CD Rom dans lequel on retrouvait les chroniques des journalistes et avec la possibilité de découvrir pour ceux qui n’avaient pas Internet les espaces que j’avais appelé Internet sans modem et on pouvait, avec l’accord de certains éditeurs, télécharger des sites en partie sur le CD Rom et ça pouvait permettre à quelqu’un qui n’avait pas encore l’accès de découvrir le style Internet et le type d’informations et la manière de naviguer dans cette information et pour ceux qui avaient l’accès de cliquer sur tous les liens référencés donc un CD Rom un guide comme les deux mille meilleurs sites francophones. Sur le CD Rom, on retrouve les deux mille meilleurs sites francophones et d’un seul clic de souris on repart sur le site que l’on a choisi. Donc ce produit CD Rom est aussi disponible sur Internet, étant développé sur HTML c’est un produit triple.
• D’accord. A votre avis la fonction soit du CD Rom puisqu’il est en HTML soit du support Web, était d’aller directement finalement vers les acteurs dont vous parliez dans le rédactionnel.
• Tout à fait. Le rôle que devait jouer ce produit c’est un rôle intermédiaire entre un magazine sur Internet, un magazine numérique sur Internet qui donne des bonnes adresses et un moteur de recherches ou un annuaire thématique. C’est un produit qui est plus proche de l’annuaire thématique à une différence près qui est importante, c’est que les sites étaient chroniqués par des journalistes donc l’idée c’était quand même d’évaluer un petit peu comme un guide gastronomique, d’évaluer pas des restaurants mais des sites et de donner une note et d’expliquer un petit peu à nos lecteurs ou aux Internautes l’intérêt que l’on pouvait trouver dans ce site. Donc on a passé en revue pas loin de mille sites et ce qui n’était pas négligeable sur ce projet là avec systématiquement un texte de commentaires d’évaluation du journaliste et une note globale. C’était un travail de fourmi assez colossal, travail que fait également, le seul éditeur qui fait un peu la même chose en France et c’est Grolier avec Hachette.net, il le fait de manière plus mesurée puisqu’il, au lieu de produire deux mille sites par mois, il en produit que cent cinquante ou deux cents et il livre un produit plus accessible, un produit papier plus accessible à 9.50 F enfin c’est le chiffre que j’ai en tête sans CD Rom.
• Et vous gardiez quand même que ce soit dans le CD Rom ou sur le site Web un contenu rédactionnel en plus de l’orientation vers tel ou tel site ?
• Normalement non hormis une dizaine de pages d’actualité, ce n’était pas prévu dans le projet initial.
• Oui d’accord.
• Il se trouve que un magazine, un guide n’est pas considéré comme un vrai magazine en ce sens qu’il ne peut pas obtenir la commission paritaire et bénéficier de frais de routage réduit, d’un taux de TVA presse. Donc l’éditeur qui était pourtant d’accord avec le concept de guide a un petit peu fait marche arrière et a demandé à l’équipe d’adapter le produit pas tellement pour les lecteurs mais pour des raisons économiques pour rentrer dans la législation presse et obtenir la commission paritaire. Donc c’est classique, je sais que Hachette.net a le même problème car ils n’ont pas la commission paritaire à ma connaissance enfin car ils ne l’avaient pas quand j’étais rédacteur en chef d’Internet Guide ... eh bon c’est une législation qui est comme ça. Il y a plusieurs explications, il faut savoir qu’une adresse Internet est considérée au même titre qu’un numéro de téléphone, une adresse physique, quelque chose allant directement vers un espace et donc peut se réclamer comme de la publicité. La Commission Paritaire considère que toutes les pages qui contiennent des adresses Internet sont des pages de pub donc le magazine ne peut pas avoir la Commission Paritaire, c’est pas un vrai magazine. Pour obtenir la Commission Paritaire en magazine, il faut justifier d’un certain nombre de pages rédactionnelles, des pages vraiment rédactionnelles. Il nous est interdit par exemple de mettre une adresse, un numéro de téléphone dans un article. Cet article à ce moment là est considéré comme publicitaire et c’est pour ça que l’on retrouve, dans les magazines, les contacts utiles en fin de magazine regroupés dans une page, ce que fait la presse féminine par exemple. Mais l’adresse Internet c’est quelque chose d’un peu gênant parce que c’est considéré par la Commission Paritaire comme une adresse ... une adresse de rue et que finalement on fait de la publicité à un site, à une entreprise et que cette page est une page de pub et du coup ils ne trouvent pas de page rédactionnelle dans le magazine.
• De ce point de vue, on peut imaginer que si un jour le support Web a une certaine maturité et qu’on peut le considérer comme un média, les sites Web qui, nécessairement par les liens hypertextes renvoient à des sites n’obtiendraient jamais le label ... ?
• Moi je crois que ça va être ... il y a toute une problématique aujourd’hui sur le travail sur Internet parce que la législation aujourd’hui de la presse en France n’est pas adaptée pour ça. D’ailleurs aujourd’hui, je suis en train de monter un magazine sur le tourisme sur Internet donc il n’y aura pas de support papier, je défendrai mon cas auprès de la Commission de la carte de presse déjà mais je ne suis pas sûr d’obtenir ma carte de presse et pourtant j’ai fait un métier de journaliste, donc là on a une difficulté aujourd’hui, mais c’est sûrement provisoire.
• Et au niveau de la réalisation purement technique de CD Rom et des sites Web, c’est vous qui le faisiez en interne là encore ou si vous aviez ... ?
• Oui, tout à fait. Chez SEPCOM donc pour Internet-Le Guide du Web, qui est une société qui a une double activité en plus de l’activité presse traditionnelle, la deuxième activité est une activité de fournisseur d’accès Internet donc ... Donc SEPCOM est un petit fournisseur d’accès Internet, il y a également une structure qui offre de l’hébergement et du service autour de l’Internet donc par rapport à Internet on a les compétences au sein de cette entreprise. Pour ce qui était du CD Rom malgré tout, je sous-traitais à des ingénieurs journalistes compétents.
• D’accord.
• Voilà, mais pas à des sociétés de service qui n’auraient pas pu le faire dans les délais qui sont les nôtres en presse et avec des budgets relativement raisonnables.
• Et au niveau de la mise en page des graphismes etc ..., vous le faisiez vous-mêmes les gens du journal ou si vous aviez encore recours ...
• Non c’était la personne qui était chargée de centraliser les informations pour le CD Rom et de préparer la gravure du CD Rom qui était suffisamment polyvalente pour faire de la mise en page, c’est pas tout à fait la mise en page, on avait mis au point un logiciel de mise en page automatisé en HTML qui nous donnait des résultats tout à fait propres en tous cas à l’écran. La rigueur de mise en page, les contraintes de mise en page à l’écran ne sont pas les mêmes et elles sont, par certains aspects, moins fortes bon. Une page d’écran sur Internet, elle n’a pas de taille alors que les pages papier nous obligent à former un article de manière précise, sur Internet on n’a pas toutes ces contraintes, donc on peut faire de la mise en page facile, rapide et de bonne qualité.
• Pour revenir à ce que l’on disait tout à l’heure sur les liens hypertextes par exemple sur le site Web quand vous faites un lien vers un site comme Netscape, Microsoft, peu importe, est-ce que vous pensez que le journal s’arrêtait sur le site du média en lui-même ou est-ce que via le lien il apportait une certaine caution, une certaine légitimité au site sur lequel il renvoyait ?
• Il faut voir qu’à l’époque on ne pensait pas faire un magazine Internet. On avait juste fait une opération je dirais de multi-supports pour montrer qu’on pouvait dupliquer des contenus très rapidement sur les trois supports, mais il n’y avait pas de démarche malheureusement puisqu’on n’avait pas les moyens pour ça, pour monter un vrai magazine sur Internet. Le fait de porter le contenu d’un CD Rom vers Internet ne veut pas dire que l’on avait fait quelque chose de bien c’était simplement pas coûteux et pour moi il n’y avait pas une valeur ajoutée extraordinaire entre le CD Rom et la présence sur Internet et je dirais même qu’aujourd’hui je continue à utiliser les CD Rom parce que ça m’évite de me connecter inutilement et c’était pour moi le produit fort. Sur Internet, on a dupliqué ce contenu là mais on n’avait pas d’approche magazine et donc on ne s’est pas posé ce genre de questions en tout cas.
• D’accord.
• Mais par contre elle est totalement pertinente si on fait un magazine sur Internet “ Ou commence le magazine ? Ou s’arrête le magazine ? ”, je crois qu’il y a de nouvelles méthodes de travail à trouver si on veut fidéliser des lecteurs, des Internautes sur un concept de magazines en lignes, il faut savoir les retenir dans un espace parce que, ce qui fait le succès d’un produit, c’est son temps d’utilisation, ce qui fait le succès d’un magazine on considère qu’un magazine va être acheté une deuxième fois, si l’utilisateur a passé quatre heures de lecture, on est quasiment sûr qu’il va nous racheter une deuxième fois. S’il nous a lu en une ½ heure, ça veut dire qu’il n’a pas été accroché par les articles et il ne va pas revenir en kiosque sur le magazine. Sur Internet, ces réflexions sont les mêmes, si un utilisateur reste quatre heures sur un site, on sait qu’il reviendra. S’il est passé en coup de vent en trois clics de souris, il s’est retrouvé sur un autre site et qu’il n’est pas revenu c’est un lecteur perdu définitivement en tous cas. Je crois que pour ceux qui voudraient faire du magazine sur Internet, les réflexes de la presse traditionnelle restent intéressants à connaître et je crois qu’aujourd’hui d’ailleurs on ne fait pas de bons médias et de bons services Internet en dehors de la presse sans bien connaître les médias ou est-ce qu’on est obligé, même moi je suis en train de développer des services sur le tourisme si on ne sait pas capter les gens et les retenir comme on sait le faire en presse, si on ne sait pas fidéliser sur un concept on n’a rien fait. Ce n’est pas parce que on va être bien référencé dans les moteurs de recherches que l’on a gagné. D’abord est-ce que les gens qui vont se connecter sont les gens qu’on attend, il y a tout un travail à faire autour des médias Internet qui est similaire à celui qu’on fait en presse traditionnelle. La seule différence c’est qu’on peut zapper d’une adresse à l’autre et bon qu’on achète trois magazines et qu’on regarde la télé en même temps ce n’est rien d’autre que de zapper.
• Donc actuellement vous faites quoi exactement aujourd’hui ?
• Aujourd’hui j’ai une activité d’édition donc numérique. Il n’y a pas de support papier, ce ne sont pas des magazines à part entière même s’il y a des parties qui sont des parties magazines avec de l’actualité, des reportages, des dossiers. Ce sont surtout des services dans le domaine du tourisme et je m’appuie sur une des forces de la France qui est quand même la première destination touristique au monde. On a un patrimoine qui est assez riche donc on n’est pas en avance sur Internet, mais on est le premier en tourisme donc, partant de cette hypothèse en tout cas, je m’adresse à des Internautes étrangers en tout cas et je propose des services touristiques sur un écran.
• D’accord. Et vous pensez que ... le fait d’avoir travaillé dans la presse sur l’Internet vous a aidé à nouer des relations avec des gens de ce milieu pour ensuite engager ce projet ou si c’est vous-même qui l’avez ... ?
• Alors moi je pense que c’est ... J’ai une double activité, une activité d’éditeur pour le service touristique et une activité de conseil réalisation services pour les entreprises en France. Dans le cadre de cette deuxième activité, je pense que la connaissance des médias est indispensable, je vais juste prendre une petite anecdote, Elf a fait en fin d’année dernière un site sur le pétrole à vocation pédagogique qui s’appelle l’Odyssée et ils se sont rendus compte d’une chose, d’une première chose c’est qu’une fois que le site était terminé, il ne vivait pas et donc le responsable communication qui était enthousiaste au début, au bout d’un moment il s’est dit “ Eh bien mon site c’est toujours la même chose, j’ai mis un livre sur Internet est-ce que c’est ça qu’il fallait faire ”, il a alors fait appel à moi pour monter une partie dynamique du magazine et faire vivre le site et apporter de l’information régulièrement tous les mois et je crois que c’est nécessaire dans beaucoup de projets et donc on a besoin de gens qui viennent des médias pour parler sur Internet et la deuxième chose c’est qu’une fois que le site a commencé à bouger, à évoluer, ils se sont rendus compte que la fréquentation était faible parce qu’ils avaient négligé en tout cas l’aspect référencement, promotion, communication pour ce produit. Donc je crois que l’on retrouve sur Internet toute la problématique d’un magazine en kiosque. Il faut ... un produit peut-être très bon, vous pouvez mettre un très bon magazine en kiosques avec un contenu parfait mais si la couverture est mal faite c’est fichu, si le tirage est mal réparti, si vous avez fait un magazine qui est plus urbain et si vous l’avez trop réparti et disséminé dans les kiosques vous allez avoir beaucoup de déchets. Si son titre n’est pas très clair, il ne va pas être positionné au bon endroit et il y a des gens qui auraient été intéressés par ça, ils ne vont pas le voir et en fait, tous les problèmes que l’on a sur terre on les retrouve dans la Cyber presse, il n’y a pas de soucis c’est exactement la même chose et je crois qu’aujourd’hui et moi c’est ma stratégie de service en tout cas c’est de récupérer un certain nombre de gens qui sont déjà sur Internet et qui n’ont pas d’audience, qui ne demandent rien, ils ont fait des sites et puis voilà. Ce ne sont pas des sites qu’il faut faire, ce qu’il faut faire ce sont des services, ce n’est pas tout à fait la même chose.
• Justement par rapport à l’aspect qu’on évoquait qui est celui finalement d’apporter une notoriété à des gens qui sont présents sur l’Internet mais que finalement personne ne connaît, est-ce que vous pensez que là il n’y a pas quand même une certaine transformation, même minime, de l’activité du journalisme ou de la presse ou de l’information en général. Ce serait finalement de se limiter de plus en plus à un rôle qui serait d’orientation à l’intérieur d’une espèce de masse d’informations de plus en plus grande et finalement le journaliste serait un médiateur qui permettrait à son lecteur ou à l’Internaute de naviguer entre ces différentes sources, le journaliste ferait une analyse finalement préalable ...
• Alors je ne me suis pas posé la question de cette manière là parce que moi je m’étais dit que je ne faisais plus tout à fait du journalisme, donc je n’avais pas de réflexion par rapport à ça et je lançais plutôt des services et en plus je m’adressais à une clientèle qui était internationale donc la démarche était un peu différente. Moi je pense que en fait malgré tout au sein du service touristique que je lance, il y a une partie magazine et cette partie magazine elle va être faite par des journalistes de terrain donc elle sera faite de la même manière qu’un magazine traditionnel. C’est simplement l’accès, la manière de montrer l’information, de la mettre en forme qui change mais le métier de base reste le même.
• D’accord.
• Non pour moi il n’y a pas ... il n’y a pas une grande transformation du métier. La seule difficulté c’est que l’on ne peut pas officiellement se prétendre journaliste sur Internet puisque ce n’est pas en France reconnu comme tel donc les seuls médias qui sont reconnus sont la presse, la radio et la télévision. Bon on ne comprend pas bien puisque je crois que la télématique l’est aussi donc on attend un peu pour l’Internet pour voir ce qui va se passer.
• Je pose cette question parce que en fait, parce que j’ai fait une espèce de pré-analyse justement de ce secteur là et j’ai remarqué quelque chose mais il faudra le vérifier, c’est que finalement sur les éditions papier, les magazines, on va privilégier l’aspect synthèse, les dossiers, les articles de réflexion, les analyses etc ... et finalement on laisse à l’édition Internet le soin pour les lecteurs d’aller vers des informations plus pointues, plus précises sur les sites ...
• Je crois que Internet ... si le métier de base ne change pas il y a au moins un avantage, c’est la rapidité des transmissions de l’information. Bon pour faire un magazine, on a une contrainte, des contraintes qui sont très fortes, il y a l’imprimerie, il y a l’encartage des CD Rom en général, il y a les acheminements par les NMPP si on additionne tout ça cela représente quelques jours entre le moment où on a la dernière information brûlante et le moment où elle peut être lue en kiosque, il va se passer pour un mensuel quatre à cinq jours ce qui peut être important si on a une information très forte et en plus si on a quelque chose à dire le lendemain, il faut attendre un mois pour le dire donc ce sera encore plus dur. Sur Internet, c’est l’instantanéité du média qui fait que ça va être plus intéressant pour celui qui est connecté d’obtenir des informations sur le sujet qui l’intéresse parce qu’il aura une information vraiment à jour, donc là il y a une transformation pour l’utilisateur.
• D’accord. Et toujours dans cet aspect un petit peu complémentarité quelque part entre édition papier et édition Internet on a coutume de dire que souvent le magazine, la revue papier assure une espèce de lien social entre ses lecteurs ... Est-ce que vous pensez que tout ce qui a paru avec l’Internet du type Forums, Newsgroups etc ... tende soit à diminuer l’aspect lien social du papier ou au contraire à l’amplifier sur le réseau ?
• La question qu’on se pose justement, mais moi je ne parle pas de lien social mais parce que les populations à part fanzines là on peut parler de population bien cernée, je dirais la population d’un magazine informatique c’est une population quand même assez hétérogène si ce n’est que il n’y a pas beaucoup de femmes. Donc je ne sais pas s’il y a vraiment un lien social entre un jeune de quinze ans qui achète PC MAG pour savoir quel est le dernier jeu vidéo à la mode et le patron d’une P.M.E. de cinquante ans qui cherche un logiciel de bureautique ou pour tout simplement se tenir informé. Je ne parlerais pas de lien social mais d’attrait pour des gens, pour un produit parce que là on a vraiment des populations très très disparates. Moi je crois que sur Internet on peut recréer des ... par contre ce qui est vrai dans ce que vous dites c’est qu’il y a une adhésion, on ne peut pas parler de lien social, mais il y a une adhésion d’une population sur un produit car il y a des gens qui se reconnaissant dans ce produit, qui peuvent effectivement en parler entre eux ça c’est clair mais donc ça veut bien dire que le produit répond à une demande bien particulière, il est identifié de manière forte, ça veut dire que l’éditeur, le rédacteur en chef, les journalistes, tout le monde a bien fait son boulot et que c’est un produit fort. Bon c’est ce qui manque aujourd’hui sur Internet, c’est pour ça qu’il y a tout à faire, qu’il y a du boulot pour tout le monde. A priori, il va falloir, ce ne sont pas les sites qu’il faut développer mais des produits forts donc il va falloir créer des produits avec, qui soient des produits d’informations avec une vraie ligne éditoriale, il faut que sur la première page d’accueil on puisse comprendre le titre et de savoir à qui il s’adresse pour passer à autre chose si ça ne nous concerne pas. Aujourd’hui, malheureusement dans les sites Internet qui se sont développés à la va-vite parce que l’équation économique n’est pas bien réglée et donc on ne dépense pas beaucoup d’énergie et d’argent pour ça beaucoup de choses qui sont ou qui relèvent de l’amateurisme le plus total. Ce sont des services qui ne vont pas trouver leur cible c’est évident et curieusement aujourd’hui ceux qui arrivent à s’imposer et c’est leur stratégie ce sont les grands opérateurs d’accès que ça soit Wanadoo associé avec MSN maintenant, America On Line associé avec CompuServe, Grolier d’un autre côté, Havas etc ... tout ça c’est un peu compliqué mais ce sont ces gens là qui représentent des vitrines importantes qui sont en fait des grands kiosques qui vont permettre de promouvoir un certain nombre de contenus. Maintenant tous les gens qui sont sur des sites qu’on va dire indépendants qui ne sont pas forcément visibles chez les grands opérateurs s’ils veulent réussir ils ont intérêt à avoir des stratégies médias fortes et savoir à qui ils s’adressent et mettre tout en oeuvre pour récupérer les nouveaux lecteurs, les nouveaux clients, les bons Internautes.
• Mais on n’a pas développé un petit peu ce qui existait pour le courrier des lecteurs sur le support papier, c’est à dire une espèce de discussion entre les lecteurs du magazine et qu’ils auraient pu animer tout simplement.
• Tout à fait. Je crois qu’il y a plein de bonnes idées auxquelles les gens ont quand même pensé, la difficulté pour les éditeurs de presse c’est de passer d’un modèle économique à un autre et avec un magazine on sait qui paye, combien etc ... et sur l’Internet l’éditeur se pose la question de savoir comment il va rentabiliser les développements qu’il peut faire donc il est prêt à ouvrir des espaces ... tout le monde a compris qu’Internet est un formidable outil de communication et que les lecteurs pouvaient communiquer avec les journalistes, que les lecteurs pouvaient communiquer entre eux, qu’on pouvait parler des événements, des interviews en direct etc ...
• C’est quelque chose qui était effectif chez vous la communication lecteur avec le rédacteur ou pas du tout ?
• Pas du tout, parce que ça représente un coût de développement et si en face on n’a pas les ressources on ne le fera pas, on attendra pour ça. Les services télématiques ont pu se développer rapidement parce que l’équation économique était forte et on savait exactement comment ça marchait, c’était simple. Une fois que le service était ouvert, dès que l’on se connectait, on payait, il y avait un reversement derrière à celui qui avait lancé le contenu. Aujourd’hui, un éditeur il se demande bien pourquoi il va mettre des contenus sur Internet, si ça ne lui rapporte pas un centime. Donc il ne va pas faire beaucoup d’effort pour ça parce que il ne fait pas d’effort pour penser différemment et essayer d’imaginer une autre logique économique et d’autres sources de profits puisqu’il s’agit de rentabiliser les services qu’on met en ligne. Donc il y a différentes méthodes pour ça et on peut imaginer, ça existe, ça fonctionne et si l’information est très pointue par exemple de l’information financière beaucoup de gens seraient prêts à se connecter sur des réseaux Internet payants et payés à la minute, il n’y a pas de raison de ne pas payer sur Internet et de payer sur le Minitel. C’est le truc qui me trouble le plus actuellement, c’est que il y a une espèce de culture dans l’Internet gratuit, d’ailleurs la presse s’en fait l’écho avec des dossiers qui sont très intéressants avec “ tout ce que vous pouvez trouver gratuitement sur Internet ”, mais je pense que c’est une phase transitoire car l’information elle a un coût, les services ont un coût, et il faut dans ce domaine régler l’équation économique et il y a bien des gens qui payent et des gens qui encaissent quelque part et c’est ce travail là qui n’a pas été vraiment fait encore. En fait pour l’instant les éditeurs, pas tous les éditeurs, mais la plupart des éditeurs font des tentatives pour s’initier au média en fait dans un premier temps. Il n’y a pas encore de volonté de gagner de l’argent, d’autres vont un peu plus loin, il y a des services de l’information qui sont payants. Je crois que l’A.F.P. a un service minimum accessible sur Internet mais si on veut aller plus loin et recevoir en direct la totalité des dépêches A.F.P. sur des sujets qui nous intéressent c’est un service payant.
• J’ai fait le tour des questions que je voulais vous poser, alors peut-être y a-t-il des choses que vous vouliez ajouter ?
• Non, non, on est parti dans plusieurs directions ... j’ai eu l’occasion de dire ce que j’avais envie de dire sur certains manques juridiques, je n’ai pas l’impression qu’Internet soit reconnu comme un média de presse aujourd’hui. En tout cas, il y a des difficultés qui se posent parfois dans certains journaux et il y a un problème. Aux Dernières Nouvelles d’Alsace où on a demandé aux équipes de travailler pour Internet et là ce sont eux qui n’ont pas voulu pour différentes raisons. Je crois qu’il y a un certain nombre de choses à régler pourtant a priori les réglementations existantes peuvent s’appliquer sur ce média là. Donc moi je pense que le média Internet est un média qui peut faire peur à certains et qui apparaît comme étant très différent donc il y a un certain nombre de réflexes que les gens de médias ont et qui sont complètement reproductibles sur Internet et c’est pour ça que moi je me lance à 100 % sur ce média là, d’abord parce que il y a une raison intéressante c’est qu’aujourd’hui lancer une activité de presse classique ça coûte très cher, a priori, mais c’est peut-être un leurre, lancer une activité d’informations et de services sur Internet c’est plus accessible, mais il ne faut quand même pas oublier tout l’aspect animation, promotion, et toute l’équation économique ...