Entretien avec Olivier MAGNAN, rédacteur en chef de .net : 25/03/1998.
- Ce qui m’intéresse de savoir dans un premier temps, c’est pourquoi votre groupe de presse ou vous directement avez vous choisi de vous intéresser à l’Internet et au multimédia ?
- C’est un choix d’entreprise de toute façon et il a eu une origine bien nette si j’ose dire, en tout cas une opportunité. Vous êtes ici chez Edicorp qui est une filiale d’un énorme groupe anglais qui s’appelle Pearson et très exactement nous sommes, nous appartenons à la filiale New Entertainment de Pearson Angleterre bon. Au sein de cette filiale apparaissent deux groupes : le premier est anglais, il se nomme Future Publishing qui publie quarante, quarante cinq revues sur des sujets extrêmement variés et Edicorp en France. Nous avons donc des relations privilégiées avec l’Angleterre qui se traduisent par un accès aisé à sa gamme de titres moyennant ce qu’on appelle des licences, donc moyennant finances nous pouvons puiser, nous ne nous en privons pas dans ce catalogue de thématiques et parmi celles-ci, il y a près de deux ans maintenant, figure .net qui était donc à l’époque le titre numéro un de la presse anglaise consacrée à Internet et les dirigeants d’alors ont souhaité lancer avec un peu d’audace à l’époque en France son équivalent .net puisque vous savez que dans une adresse Internet, il existe beaucoup de points voilà. Voilà comment ça c’est décidé sur le plan éditorial, sur le plan stratégique à l’époque et à ce moment là j’appartenais, je venais de rentrer dans ce groupe et je m’occupais d’un autre titre et ...
- Lequel s’il vous plaît ?
- Home PC.
- On est toujours dans le secteur de l’informatique ?
- Absolument oui oui, grand public une vision de vulgarisateur et pour des raisons diverses et variées, il s’est trouvé qu’on ma demandé de reprendre la rédaction en chef de .net et c’est comme ça que je suis arrivé sur ce créneau précis.
- Est ce que vous avez eu tout de suite avec vous une équipe en place ?
- Bien sûr.
- Pour faire un contenu propre ou est ce que c’était au départ une transposition du magazine anglais ?
- Bonne question. Alors au tout départ bien sûr, le titre a vécu avec une véritable équipe autonome avec une rédactrice en chef qui était la première à acclimater le contenu de .net mais il est certain que sur les trois, quatre premiers numéros, .net français bénéficiait largement d’un certain nombre de thématiques inspirées et traduites de l’anglais, mais inspirées parce que je peux vous assurer qu’il n’est pas possible de prendre un article, une enquête dans le .net anglais et de le transcrire tel quel tout simplement parce que les produits ne sont pas les mêmes que la logique de vulgarisation n’est pas la même. Alors après mon arrivée à la rédaction chef de .net, là on a pris une inflexion autre qui était que nous sommes de plus en plus éloignés de notre cousin britannique pour coller aux attentes, aux exigences d’un public français qui commençait à se faire de plus en plus présent. Donc aujourd’hui, s’il nous arrive de reprendre quelques iconographies, quelques illustrations, voir quelques thématiques, elles sont toujours complètement adaptées et 100 % reformulées pour le public français.
- Justement, vous en avez déjà parlé un peu l’aspect vulgarisation etc ..., mais quel est l’aspect précisément éditorial que vous recherchez, vous par rapport aux thèmes du multimédia et de l’Internet ?
- Je ne comprends pas bien votre question.
- Votre positionnement par exemple par rapport aux autres magazines qui existent déjà sur le multimédia, l’Internet ?
- Ah alors en France c’est clair le paysage s’est beaucoup transformé et va se transformer à nouveau. Il existait lorsque nous avons lancé .,net trois revues principales et une quatrième, aujourd’hui le paysage a déjà été complètement transformé puisque il existe aujourd’hui en France pour le grand public deux titres : .net et le titre d’un concurrent qui s’appelle Netsurf point final. Planète Internet s’est arrêté et ne reparaîtra pas, Internet Reporter s’est arrêté, il ne reparaîtra pas. Donc en revanche, je suis certain que, dans les mois à venir, d’autres groupes de presse lanceront des titres Internet. Alors qu’est ce qui a fait que .net existe et surtout qu’il soit le leader parce que je vous le donne quand même au passage, peut être une question que vous allez me poser, .net s’est imposé comme le numéro un très vite. Aujourd’hui enfin ...
- En terme de diffusion ? de vente ?
- En terme de diffusion et de vente. Alors aujourd’hui elle est supérieure à quarante mille exemplaires par mois sans parler des abonnés et de la diffusion à l’étranger. Pendant longtemps notre concurrent immédiat était à 50 % de notre diffusion hein Netsurf, il semble qu’il ait repris un peu de poil de la bête mais l’écart demeure important. Alors qu’est ce qui fait notre spécificité, est ce que j’oserais dire notre succès ? tout simplement, notre analyse a abouti à cette idée maîtresse que le public français actuellement se tourne vers Internet pour des raisons professionnelles sans doute et avant tout à titre individuel et personnel. C’est donc une démarche plaisir, ce que je nomme une démarche plaisir ou une démarche passion comme on veut et la presse qui sert une démarche plaisir ou une démarche passion c’est forcément une presse qui se voudra éminemment pratique. Ce que les français veulent aujourd’hui en 1998 c’est comment ça marche ? comment dois-je faire pour avoir ma liaison Internet ? que dois-je faire pour l’avoir au moindre coût ? et quel contenu puis je y trouver ? A partir du moment où vous répondez à ces quatre questions clés, vous répondez à un besoin fantastique et pourquoi avons nous marqué le pas sur le concurrent ? parce que grâce à Dieu ou à d’autres puissances tutellaires, nos concurrents n’ont pas compris que c’étaient ces questions éminemment pratiques, claires, simples et précises que se posaient les acheteurs. On a eu par exemple un concurrent qui s’appelait Planète Internet qui était fort bien fait par des journalistes de haut niveau, le seul souci c’est qu’on aurait pu trouver leurs articles dans le Point, le Nouvel Observateur, c’étaient des considérations philosophiques sur le contenu.
- Ils surplombaient un petit peu le ...
- Ils survolaient complètement le schéma, ils en faisaient une analyse de contenu. En revanche Netsurf qui je dirais c’est un peu humain, ils vous diront peut être autre chose qui s’est beaucoup inspiré de nos contenus en voyant notre succès d’ailleurs, il n’y a pas de mystère lorsque vous avez un groupe qui s’envole devant vous, vous vous dites mais qu’est ce qu’ils font ? et vous le regardez. Alors Netsurf s’est recalé et recadré par rapport à nous et aussitôt a engrangé des succès et est devenu plus pratique qu’il n’était auparavant.
- Mais j’ai eu le souvenir que justement au début, dans les premiers numéros de .net vous ne privilégiez pas autant l’aspect technique, c’était le cas ?
- Absolument. Oui, oui c’était le cas. Les premiers numéros, qui malgré tout, avaient des rubriques pratiques déjà nettement annoncées privilégiaient des angles éditorialistes qui intriguaient le lecteur, qui l’amusaient, mais qui n’étaient pas en prise directe avec ses préoccupations. Je me souviens de titre comme “ Cent une chose à faire avant de mourir ” ou quelque chose comme ça ... Donc oui il y a eu évolution parce que dans ce cadre là un éditeur mène toujours des analyses, mène en permanence des analyses pour comprendre ce qu’il doit faire pour cadrer avec les attentes.
- Mais justement au niveau de ce cadrage, vous utilisez des moyens marketing ou est ce que c’est simplement des retours que vous avez de la part des lecteurs ?
- Ce sont des analyses marketing modestes si vous voulez mais qui sont toujours de deux styles : le premier c’est l’enquête lecteur que tous nos titres pratiquent.
- Ca se fait au niveau du groupe Edicorp ?
- Absolument.
- Sur l’ensemble de vos magazines ?
- Oui pour chacun des magazines, nous intégrons des questionnaires à nos revues, précis, calibrés, qui nous permettent d’avoir un retour extrêmement précieux sur l’attente et le sentiment qu’ont les lecteurs, ça c’est le premier moyen. Le deuxième moyen c’est grâce d’ailleurs à la spécificité Internet le courrier que je reçois tous les jours parfois par centaines.
- Electronique ?
- bien sûr, je n’ai pratiquement pas de courrier papier et qui rend compte des réactions des lecteurs et ça pour nous c’est très, très puissant comme outil de mesure.
- Au niveau maintenant de l’extension sur le support multimédia, je sais que vous diffusez souvent un CD Rom ?
- Pas souvent, systématiquement.
- ... avec le magazine mais en revanche je crois que, au niveau de l’Internet, vous n’avez pas de véritable ...
- Vous soulevez un point délicat, il arrive que dans les entreprises il n’y a pas toujours adéquation de vues, alors très clairement, sans aller plus loin dans le débat, il y a deux points de vue qui s’opposent aujourd’hui : celui de la Direction Générale qui a le réflexe d’ailleurs logique et en quelque sorte rationnel d’un entrepreneur qui estime qu’à un investissement doit correspondre à des retours à un investissement. Or aujourd’hui en France et ailleurs un peu partout dans le monde créer un site Internet c’est ne pas générer de revenus voilà. Donc ça c’est un point de vue rationnel de Direction Générale.
- Pas de revenus directs vous disiez tout à l’heure.
- Voilà, exactement. Et puis il y a le point de vue de la rédaction que j’incarne et qui dit : c’est un investissement imparable que nous devrions faire même sans retour sur investissement parce qu’il participe de l’image, de la notoriété et de la préparation d’un vrai retour sur investissements voilà. Donc ce sont deux points de vue qui s’expriment en l’occurrence celui de la Direction Générale qui est quand même, jusqu’à preuve du contraire, décideur en dernière analyse et détentrice des fonds d’investissements n’a pas désiré créer un site Internet.
- Et vous à priori vous seriez favorable ?
- Je suis à 100 % favorable et j’estime même que c’est une nécessité marketing interne. On devrait déjà l’avoir.
- Qu’est ce que ça apporterait s’il existait ?
- Nous en tant que revue spécialisée, en tant que arbitre des élégances, si vous voulez, dans un domaine aussi pointu qu’Internet, je vois mal comment le support papier ne peut pas montrer l’exemple. A longueur de mois et d’années, nous proposons des sites, nous les critiquons, nous les sous-pesons, nous expliquons comment bâtir des sites, il serait donc tout à fait logique dans une perspective éditoriale d’avoir un prolongement sous la forme d’un site Internet, c’est d’autant plus important que de plus en plus notre type de presse se propose sous forme de “ package ”, vous avez cité les CD Rom ... Je suis certain que dans un proche avenir et même pour d’autres formes de presse, on ne pourra pas échapper à l’ensemble papier, CD Rom, site Internet et je ne suis même pas certain que dans ce “ package ” le papier soit le vecteur le plus important. Donc c’est pour ça et c’est ce que nous apporterait en termes d’images et de compléments d’offres le site Internet et d’autant plus que la concurrence ne va pas se priver d’en développer.
- Et quelle serait la spécificité, enfin là on fait des hypothèses car ça n’existe pas, mais selon vous quelles seraient les spécificités dans le site Internet par rapport à l’édition papier ?
- Jouer la complémentarité, jouer la complémentarité c’est ce que fait le CD Rom à l’heure actuelle puisque chaque fois que nous développons une thématique nous nous efforçons d’offrir des sharewares, des logiciels qui soient cadrés avec la thématique.
- En revanche, il n’y a pas de contenu à proprement parler sur les CD Rom ?
- C’est déjà du contenu, c’est ce qu’on appelle du contenu. Sur le plan éditorial non il n’y a pas de contenu.
- De rédactionnel ?
- De rédactionnel à part un éditorial, non il n’y a rien que du produit, du produit. Alors effectivement, le site serait un site qui offrirait la possibilité du contenu et de contenus complémentaires parce que vous savez que nous, comme tout organisme de presse, comme toute revue, comme tout magazine, nous sommes étrangement limités par la place. Hein nous avons quatre vingt cinq pages, parfois on souffre de ce manque de place. Le site serait déjà une occasion exceptionnelle d’en offrir plus à des lecteurs qui veulent aller plus loin, à partir de là on peut tout imaginer comme l’a fait Bayard Presse avec son site dérivé, de sa revue consacrée aux étudiants ou lycéens, rappelez moi son nom : Phosphore. Bon Phosphore propose des archives donc ça aussi c’est très important en termes de sites car les gens aiment bien retrouver des articles parus sans avoir à se procurer les papiers. On peut leur offrir une luxuriance d’images et de captures d’écrans que nous ne pouvons pas leur offrir sur le papier et rien n’empêche à l’image de ce qu’a fait Phosphore de leur proposer une partie gratuite où l’on va trouver des archives, des compléments d’informations et une partie qui pourquoi pas payante qui va amorcer le futur retour sur investissements qui, un jour, aura lieu sous forme d’informations beaucoup plus pointues, de sources, de liens et peut être même de films vidéos pour lesquels le lecteur pourrait décider d’acheter une partie de ces contenus, mais tout est ouvert et ce sont des pistes.
- Au niveau de la fabrication du CD Rom, est ce que vous le faites en interne ou est ce que vous avez ... ?
- Non Edicorp est à ce jour le plus gros client de ces entreprises spécialisées qui gravent du CD Rom. Ca se chiffre par millions parce que à partir du moment où vous avez au minimum un CD Rom par titre, vous tirez évidemment le même nombre de CD Rom et le même nombre de magazines. Si vous avez des tirages de l’ordre de 110 000/120 000, vous avez 110 000/120 000 CD que multiplie le nombre de titres même si tous ne tirent pas à 110-120 000 mais enfin .net pour obtenir 40 000 diffusions doit au moins tirer à 90 000 la plupart du temps plus que du double, on est quand même dans ces hauteurs là que multiplient aujourd’hui on va dire douze titres et bientôt quinze à quoi s’ajoutent des hors-séries et des opérations qu’on appelle tri-CD qui offrent d’emblée trois CD sur un support. Donc vous imaginez le nombre de millions de CD que ça implique. Alors tout ça part chez des graveurs spécialisés en France et en Angleterre.
- Sinon au niveau de la mise en forme de l’aspect graphique du CD Rom, c’est vous qui le faites ?
- Non, non, une équipe de production commune à tous les groupes a été mise en place avec des graphistes, avec des spécialistes du son, avec des techniciens qui dialoguent avec nous avec la rédaction pour savoir ce que nous préparons.
- Elle dépend d’Edicorp aussi ?
- Elle est complètement intégrée à Edicorp avec un rédacteur en chef à sa tête toujours en recherche d’ailleurs de recrutement parce que c’est ... évidemment on doit suivre l’évolution de la demande et ce sont ces personnes techniciens qui vont chercher les contenus, qui vont chercher les sharewares, qui font la mise en page des CD et qui essayent d’en assurer la qualité, qui essayent parce que sur la quantité c’est vraiment pas simple.
- Justement à ce propos des gens qui participent aux magazines que vous produisez, est ce que ce sont des gens qui ont un certain bagage technique ou au contraire ce sont des gens purement journalistes au départ ?
- Vous parlez de la rédaction ?
- Oui de la rédaction.
- Oui alors c’est une bonne question. Traditionnellement, j’ai connu pas mal de formes de presse si vous voulez y compris de la presse non informatique, d’informations générales.
- Vous même vous êtes de formation ... ?
- Littéraire, juridique, journalistique, pas du tout technicien et c’est une qualité enfin je veux dire c’est un atout plus qu’une qualité, je vous explique pourquoi : moi j’ai roulé ma bosse dans toutes les formes de presse possibles et lorsque je me suis intéressé à l’informatique ça fait quelques années, je me suis rendu compte que j’avais à faire à des journalistes qui avaient pour origine des études techniques, c’étaient soit des ingénieurs, soit des informaticiens. Ces personnes avaient ce bagage technique et apprenaient le métier de journaliste mais pas l’inverse bon. Au fil du temps, je me suis forgé une opinion parce que c’est quand même le rédacteur en chef qui relie les papiers, qui les met en scène et qui est responsable de leur bonne tenue et j’en suis venu à la conclusion que ça n’était pas une si bonne formule que ça. Et aujourd’hui encore en France, les groupes de presse dits informatiques font généralement appel à des techniciens qui apprennent le journalisme sur le tas et je suis persuadé qu’il faudrait plutôt des journalistes qui sachent dialoguer avec des techniciens et des spécialistes qui, eux-mêmes, peuvent acquérir un bon bagage technique et traduisent leur savoir faire avec leur savoir faire journalistique, donc il faudrait inverser la tendance. Dans ma rédaction aujourd’hui chez .net, je n’ai pas recruté tout le monde, il me manque beaucoup de profil de technicien, mais petit à petit, j’ai constitué un noyau à parts égales entre le spécialiste expert dont il faut souvent reprendre et récrire la copie et le journaliste devenu expert par la force des choses et qui sait mettre en scène une information à l’origine technique.
- Au niveau de la structure de l’équipe .net vous êtes combien ?
- .net c’est un rédacteur en chef et c’est un secrétaire de rédaction, c’est un maquettiste, c’est un chef de rubriques et on va dire entre cinq à huit collaborateurs réguliers et bientôt un deuxième chef de rubriques recruté en interne.
- Est-ce que vous pensez que l’Internet amène des concurrents à la presse papier ? Vous collaborez avec des gens comme Microsoft, des entreprises informatiques et dont vous parlez de leurs produits etc ... et le fait qu’ils aient eux mêmes des sites Web sur lesquels on puisse faire la promotion de leurs produits ou en parler tout simplement, est ce que vous les ressentez comme une concurrence ?
- Non, ce qui est très clair c’est que nous en sommes en France ou ailleurs, un peu plus en France qu’ailleurs, nous en sommes à la préhistoire d’Internet. Dans quelques années, dans quelques dizaines d’années, l’historien d’Internet se penchera sur notre malheureuse époque et ça le fera sourire, bon. Nous en sommes à la préhistoire ça veut dire que en ce moment tout se cherche et ce qui est très clair, c’est qu’aujourd’hui les magazines papiers consacrés à Internet a toute sa place, toute sa raison d’être et va se développer encore quelques années, pourquoi, tout simplement parce que les Internautes ceux qui surfent sur le réseau n’ont pas tous les moyens pour trouver toute l’information qu’ils cherchent sur le réseau directement. C’est de plus en plus le cas puisqu’ils peuvent trouver la plupart des importants journaux en ligne, mais ils ont absolument besoin d’une sorte de mode d’emploi, d’une forme de mode d’emploi notamment du côté des néophytes et des débutants qui leur offre la possibilité d’enrichir, d’optimiser leur voyage à travers Internet, mais cette opportunité qui est offerte à la presse papier ne sera pas éternelle. Il est clair que, un jour proche ou lointain mais plutôt lointain dans mon esprit parce que le papier a encore de beaux jours devant lui, l’Internaute se passera de plus en plus de cette forme de presse complémentaire, mais on n’est pas là, on n’en est pas là parce que pendant des années encore quiconque surfe sur le réseau a besoin, à tête reposée, dans son lit, dans le métro, d’une information complémentaire technique et pratique et réflexive d’ailleurs qui lui permettra d’améliorer, d’optimiser son surf et ça n’est pas à travers son surf lui-même qu’il pourra trouver facilement les moyens de l’optimiser.
- Donc ça c’était plutôt pour la partie information, pour la partie communication j’allais dire, on dit généralement que par exemple le journal papier, un magazine, un quotidien assure une sorte de lien social entre ses lecteurs où ils se retrouvent, où ils peuvent avoir un référent commun, est ce que vous ne pensez pas que sur ce point de vue là aussi Internet, avec tout ce qui existe au niveau des forums, aurait tendance à concurrencer cette fonction, par exemple le courrier des lecteurs tout simplement ou des choses comme ça ?
- Vous situez les choses en termes de concurrence et je ne pense pas que ...
- Peut être en terme de complémentarité ?
- Je le situe en terme de complémentarité. Etre à bord d’Internet n’est pas comparable à la lecture d’un magazine d’un journal. On est dans une autre situation, on est dans un autre état d’esprit et on a une autre sensation ... sensuelle de par ses cinq sens. Lorsque vous êtes face à un écran, vous ne lisez pas de la même façon que lorsque vous lisez du papier parce que vous êtes devant un clavier, vous n’avez pas les mêmes sensations manuelles que le toucher quand vous tournez les pages, ce sont donc des sensations sensuellement, intellectuellement et moralement différentes. Et pour l’instant, en tout cas, le lien social dont vous parlez, il peut s’établir tout aussi bien à travers cette communauté de lecteurs, au travers de journaux papier, que cette communauté d’Internautes à travers des médias électroniques, mais véritablement l’état d’esprit est différent et vous n’êtes pas pour l’instant en tout cas, vous n’êtes pas un lecteur, un internaute dans le métro ou dans le train ou dans l’avion, vous le deviendrez mais on n’est pas là et la fonction du papier garde encore toute sa place.
- Là aussi, j’avais des questions si vous aviez eu un site Internet un peu plus développé, mais on peut y revenir puisque vous en rêvez ...
- C’est sûr, je l’ai en tête ...
- Est ce que vous pensez que sur un site Internet finalement, moi c’est l’analyse que je fais sur ce que j’ai vu c’est qu’on évolue vers une simple fonction de mise en relation c’est à dire que finalement ça servirait à un petit peu à insérer dans le rédactionnel qui existait déjà sur le papier des liens hypertextes vers les sites des institutions dont ils parlent, que ce soient des entreprises, des organismes publics, n’importe lesquels ...
- Oui, oui.
- Est ce que vous pensez que là ce n’est pas un petit peu une réduction du rôle du journal, des journalistes en général ?
- Je dirais plutôt que dans un premier temps il sera logique et naturel de trouver des sites doublons par rapport aux papiers avec les quelques avantages électroniques que procurent le lient et tout ce que signifie un contenu électronique mais il est vrai que nous en sommes encore une fois, je reviens à mon image de la préhistoire, nous en sommes encore à l’âge “ un ” de l’évolution des contenus et que c’est vrai que la première tendance c’est de dire je fais un contenu Internet sur mon site Web soit un vague complément et en tous cas une redite du papier. Moi j’ai une autre vision des choses, c’est ce qu’on disait tout à l’heure c’est à dire à chacun sa fonction, à chacun son métier. Autant je suis persuadé que le papier restera important parce que en situation et matériellement différent d’un contenu d’un site Web, autant le site Web devra acquérir sa raison d’être et sa spécificité si bien qu’au lieu, dans mon esprit, au lieu d’être le doublon du papier, bien sûr il en épousera les caractéristiques, bien sûr il offrira des liens de compléments avec l’écrit, bien sûr il offrira des archives qui ressembleront étrangement avec ce qu’aura été publié sur le papier, mais au delà de tout ça d’ores et déjà, il nous faut réfléchir à un contenu qui soit propre au Web et un contenu propre au Web alors là l’imagination est au pouvoir. Une des choses que je voudrais faire et que je pourrais déjà faire sur le CD Rom mais qui prendrait toute sa valeur avec un Internet dans toute sa puissance ce serait par exemple de montrer aux lecteurs l’interview que je vais réaliser sur le papier. Je vais lui consacrer une demi-page, trois questions reformulées et puis, pour la première fois de sa vie ou presque, le lecteur d’un magazine va pouvoir entrer dans l’intimité du métier de journaliste, voir la personne qui l’interviewe, voir que ça a duré plus longtemps, comprendre que les questions qui sont posées ne sont pas exactement celles qui ont été retranscrites, s’apercevoir que la réponse de l’interlocuteur ne sera pas reprise avec les mots que l’écrit imprimé va privilégier et il va s’apercevoir de tout un univers qu’il ne soupçonnait pas et la façon dont deux médias peuvent, sur le même sujet avec le même interlocuteur, avoir des interprétations complètement différentes et le mieux de tout ça c’est qu’au final, avec un tout petit peu d’attentions et d’analyses, il s’apercevra qu’on arrive au même résultat avec des moyens différents et ça c’est passionnant. Au delà le site Web ne l’oublions pas, le site Web d’un magazine devra aussi goûter à tout ce qui est commerce en ligne, devra proposer des services, devra proposer des produits et là on entre dans une toute autre dimension que le simple doublon par rapport aux magazines papier.
- Justement de ce point de vue là par rapport à la publicité, on sait que le secteur de la presse magazine en général et de l’informatique en particulier est souvent très proche dans ses contenus rédactionnels de ses annonceurs, est ce que le site Internet justement par ces liens hypertextes n’a pas encore renforcé cette imbrication ?
- Est ce que vous voulez dire par là que le rédactionnel est vendu aux annonceurs ?
- Non, mais bon on a souvenir de certains magazines du type ..., par exemple sur l’Internet je me souviens très bien d’un des premiers qui est paru qui s’appelait je crois on-line Micro ou quelque chose comme ça, c’était quasiment un dépliant publicitaire ... mais bon c’est caricatural, mais je sais très bien que les magazines qui sont faits par des professionnels ...
- Ouais, il y a plusieurs degrés dans la réponse que je vous fais. Le premier c’est que il est vrai et ça n’est pas en l’honneur de la presse française en général, je ne parle pas de la presse informatique en particulier, il est vrai que les caractéristiques de la presse française contrairement au reste de la presse européenne, américaine ou étrangère, c’est que une presse spécialisée hein je ne parle pas de la presse généraliste, mais la presse spécialisée est trop proche des annonceurs qui la font vivre.
- Par exemple, chez vos collègues britanniques, ce n’est pas le cas ?
- Ah non ce n’est pas le cas. Non, non, il y a une véritable barrière en quelque sorte frontière morale entre la rédaction et l’annonceur. Je me dépêche d’ajouter immédiatement qu’en tant que rédacteur en chef qui a pas mal bourlingué, c’est une condition que j’exige à chaque fois que j’agisse dans un groupe de presse qui ait, qu’il n’y a pas de collusion entre la rédaction et la publicité et, la plupart du temps, je tombe sur des gens intelligents notamment du côté des chefs de publicité qui comprennent que la crédibilité du support est un atout commercial à terme, vous voyez ce que je veux dire. Si l’annonceur comprend qu’il lui suffit de dire un mot au chef de publicité pour avoir du rédactionnel positif dans le support, le chef de publicité lui-même perd en crédibilité, le support perd en crédibilité et au final c’est une très mauvaise affaire. Donc .net comme beaucoup d’autres revues reste libre de son opinion et de ses critiques, à preuve tout à fait récemment notre passage en revue des fournisseurs d’accès à travers lesquels nous n’avons pas hésité à dénoncer les carences de l’un deux, important, qui a développé une grosse campagne de publicité dans .net et qui, après avoir fait pression très exactement sur les commerciaux du titre, a fini par renoncer à ses pressions et à confirmer sa campagne de publicité alors que nous avions véritablement dénoncé sans ombrage ses dysfonctionnements bien, alors ça c’est un point important. Maintenant deuxième type de réponse: nous sommes tous embarqués sur le même navire c’est à dire que un magazine quelqu’il soit est un produit de marketing. Je vous disais tout à l’heure que notre objectif était de vendre plus parce que j’estime que c’est naturel qu’une revue qui se lance et qui dirais “ moi alors là je me moque éperdument du nombre de ventes, mon critère ce n’est pas ça ” peut très bien exister et peut très bien trouver son lectorat, mais très logiquement un produit presse est un produit comme un autre et doit être diffusé au plus large et faire gagner le plus d’argent possible à son entreprise, ça c’est clair. A partir de ce moment là, j’estime que nous sommes embarqués sur le même bateau, les publicitaires qui nous rapportent du chiffre et nous rédactions qui assurons la plus grande diffusion possible et cette plus grande diffusion possible permet aux publicitaires de vendre au mieux le support donc c’est un cercle vertueux si vous voulez sans qu’il y ait collusion entre les deux. Crédibilité de la revue et c’est dans ce sens que ça marche et bien à partir de ce moment là une espèce d’anticollusion que je vous citais tout à l’heure aboutit à un dialogue fructueux entre les services purement commerciaux et le rédacteur en chef, je dis plus le rédacteur en chef que la rédaction qui ne s’en préoccupe pas, mais j’ai des échanges avec les chefs de publicité qui m’apportent de l’information et à qui j’apporte de l’information et, à ce titre là, j’estime que la machine tourne bien, que chacun est bien chez soi, que les vaches sont bien gardées.
- D’accord, alors pour le site Internet qu’advient-il de cela ?
- Alors le site Internet doit obéir à la même logique. Sur un site Internet, vous savez très bien que se développe une forme de publicité grâce à ce qu’on appelle des bannières hein sur lesquelles l’Internaute clique ou non, choisit ou non d’ouvrir sa page de publicité et ça c’est encore meilleur par rapport à la presse papier puisque lorsque vous feuilletez les pages et que vous lisez un article, vous êtes plus ou moins condamné si ça ne vous plaît pas à voir la page d’annonces, à lire le nom de l’annonceur, voire à lire sa page parce que on a beau critiquer la publicité dans les magazines, les gens en font une source d’informations, ils savent très bien que c’est de la publicité mais ils y trouvent des prix, des adresses, ils y trouvent des produits donc c’est aussi une source d’informations à ce moment là. Et bien sûr un site Web ce qui est merveilleux c’est que les publiphobes ... n’ont à subir, n’ont à souffrir que de la présence d’une bannière publicitaire qu’ils sont tout à fait libres de ne pas ouvrir, alors je trouve ça fantastique. Et à partir de ce moment là, la disconnexion entre publicité et contenu est parfaite, quant à privilégier des annonceurs à travers des liens, ce n’est pas du tout ma vision des choses, si j’incite mes lecteurs à aller voir le site Microsoft, ce que je fais déjà sur le papier, c’est parce qu’ils y trouveront des informations qui leur seront utiles et enfin je conclus que d’une façon générale aujourd’hui en 1998 c’était vrai, il y a déjà un petit moment, la plupart des produits qui soient logiciels ou matériels qui nous intéressent sont de bons produits, autrement dit je ne vends pas mon âme au diable en en parlant parce que le phénomène du loup dans la bergerie, le phénomène du produit mais véritablement arnaque dans nos milieux n’existe pratiquement pas et, de toute façon, la sélection naturelle jouerait à fond dans ce domaine parce qu’il y a une telle offre que un produit médiocre voir mauvais ne subsisterait pas sur ce marché très concurrentiel.
- Le courrier électronique favorise-t-il la relation entre le rédacteur et le lecteur ?
- Du nom de ma vieille expérience en raison de mon âge, je peux vous dire une chose : j’ai rencontré, d’une façon absolument époustouflante et surprenante pour moi, des rédacteurs en chef et des journalistes qui refusaient et qui rompaient même le contact avec les lecteurs, ça c’est le premier cas de figure. Deuxième cas de figure : des rédacteurs en chef et des journalistes qui s’estimaient tirés de la cuisse de Jupiter et pour qui le lecteur est véritablement un pauvre hère à qui on veut bien donner de l’information. Et au milieu de tout ça et j’espère que c’est quand même la majorité, les rédacteurs en chef et les journalistes pour qui le lecteur est une chose sacrée. Alors moi je vous donne simplement mon point de vue à ce propos, il m’arrive souvent et je le fais par provocation d’appeler les lecteurs des clients pour la raison que je soulevais tout à l’heure, un magazine est un produit marketing comme un autre, nous avons donc en face de nous des clients qui nous font l’honneur de nous acheter et de nous lire, qui nous font l’honneur de nous faire vivre mine de rien et je ne parle pas des annonceurs qui eux aussi y ont un intérêt parce que s’ils continuent de nous acheter, c’est qu’ils y trouvent une justification, mais pour moi et je considère que ce doit être une règle absolue déontologique pour un journaliste : le lecteur est un client et éminemment respectable. J’aime beaucoup le contact avec le lecteur, je le recherche, il m’arrive de recevoir des messages de gens qui n’osent à peine à s’adresser au rédacteur en chef et lorsqu’ils ont une réponse de moi parce qu’ils l’ont systématiquement, c’est une de mes règles. Il n’y a pas un courrier qui reste sans réponse et le plus vite possible et c’est une partie non négligeable de gestion de mon temps, je leur réponds non seulement en essayant de leur apporter une réponse, mais aussi en les remerciant et souvent j’ai des retours “ le rédacteur en chef m’a répondu : je ne m’y attendais pas etc ... ” et je suis obligé de leur dire “ attendez, n’inversez pas les rôles ”. “ N’inversez pas les rôles ” c’est vous la personne importante ce n’est pas moi. Et c’est fou ce que en France en tous cas, parce que c’est différent des autres pays, le journaliste a une aura de plus en plus contestée, de plus en plus critiquée parce qu’il a fait des conneries et puisque le lecteur est de plus en plus critique, mais il garde une aura que je ne comprends pas, que je ne comprends vraiment pas.
- Donc vous au sein de votre rédaction, vous encouragez tout à fait cet échange-là ?
- Au sein de la rédaction non seulement j’encourage mais je peux vous dire que j’ai exigé gentiment que de la part de tous mes collaborateurs, qu’ils répondent à tous les courriers et le mieux possible et ça n’a pas toujours été facile. J’ai dû quelques fois mettre les pieds dans le plat et, d’une façon générale maintenant, tout le monde a joué le jeu et lorsqu’ils reçoivent un courrier de lecteur ils considèrent que c’est très important de donner une réponse.
- Je suppose que ça demande quand même un certain temps ?
- Cela demande du temps. Ca demande du temps et c’est comme si vous arrivez chez un commerçant et que vous, vous dites “ attendez je n’ai pas que ça à faire, j’en ai trois à servir et eux ils m’achètent si vous voulez regarder, vous regardez mais vous ne me faites pas perdre mon temps ”. Vous vous imaginez un accueil pareil dans un magasin, c’est exactement pareil pour un magazine et ça prend du temps je peux vous l’assurer et il m’arrive souvent de répondre à mes lecteurs pendant le week-end et tard le soir et je trouve cela normal.
- La presse consacrée au multimédia et plus spécifiquement à l’Internet est apparue en 1994/1995 avec au fur et à mesure une multiplication des magazines et aujourd’hui ça a tendance à se rétrécir, mais vous dites que certains grands groupes pensent à ...
- Ca va rebondir, alors pour servir votre réflexion c’est quelque chose que je surveille de près, je suis persuadé que aujourd’hui il existe, vous le dites très bien à travers votre thèse, en France et d’ailleurs dans d’autres pays, on a vu apparaître la spécificité d’une presse dite informatique justement technique qui faite par des techniciens donc on ne s’est pas mélangé avec la presse dite généraliste ou la presse dite de loisir bien, à tort ou à raison, il existe une presse informatique. Cette presse informatique s’est logiquement emparée d’Internet, mais de mon point de vue, ce n’est pas logique parce que Internet qui a la dimension technique propre à la micro-informatique d’accord, a surtout la dimension intellectuelle de ses contenus et de ses ... secteurs pratiques comme le commerce en ligne ou des choses comme ça bon. Ca n’a rien d’informatique : pourquoi aujourd’hui garderait-on les titres Internet dans des groupes de presse spécialisée informatique ? On le fait simplement parce que c’est vaguement technique, parce que il faut encore un micro pour faire tourner la bécane, pour faire tourner le système mais c’est tout. Lorsque d’ici peu de temps les constructeurs nous auront offert des connexions Internet qui seront aussi simples que la télévision, vous connaissez l’existence des consoles, des interfaces TV, des Web TV, voire des NC Computer.
- C’est un peu l’arlésienne en ce moment !!!
- Oui mais ça va venir lorsque le Français moyen pourra presser une touche et être connecté à Internet, qu’est ce que vous voulez qu’il fasse de la technique donc très logiquement nous filons tout droit vers une presse spécialisée Internet qui échappera aux groupes spécialisés informatique et à mon avis, dans peu de temps, vous aurez une floraison de titres Internet dans la presse généraliste ou la presse à centres d’intérêts spécialisés, n’importe qui que ce soit le groupe comme EMAP, des groupes comme Hachette Fillipachi pourquoi pas. Ils font Sciences et Avenir, ils font Challenge pourquoi pas un titre Internet.
- Au niveau proprement rédactionnel justement, vous évitez les sujets trop techniques ?
- Autre chose alors très importante, je me suis beaucoup intéressé à la presse dite informatique parce que je suis passionné par la vulgarisation et toute ma démarche journalistique consiste à partir d’un contenu technique et à l’offrir en pâture au grand public le plus large soit il en appliquant les méthodes journalistiques. Autrement dit ce que vous écrivez ça doit être agréable à lire. Tout à l’heure, je vous disais que Internet c’est une presse plaisir, il faut que le public s’y retrouve, que le lecteur s’y retrouve. Un lecteur qui aura eu du plaisir à lire un article autant qu’il en aura eu à comprendre ce qu’on lui dit c’est un lecteur fidèle, vous fidélisez. Vous verrez que dans .net ou dans les autres revues dont je me suis occupé d’ailleurs, ce qui est important c’est l’accroche, la titraille qui a une valeur marketing, c’est comme lorsque vous vantez vos produits sur un “ package ” le chapeau, le papier. Tout est conçu pour une relance permanente de la tension et de l’intérêt. Phrases courtes, style journalistique dépouillé, travail sur la ponctuation, l’exclamation, l’exclamatif, l’interrogatif etc ... et sur le plaisir qu’aura le lecteur à lire un papier bien fait et ça c’est très important, c’est une grosse, grosse partie de mon travail et je peux vous assurer là que ...
- C’est ce que vous disiez tout à l’heure par rapport aux journalistes qui sont issus de la technique etc ...
- Exactement, exactement, moi mes collègues ce ne sont pas des journalistes de base, de formation, ils n’ont jamais travaillé dans un quotidien, dans une presse généraliste et j’ai cet atout sur eux que de travailler l’écriture encore une fois c’est très immodeste mais ça marche.
- Ils réagissent bien à ces conseils ?
- Qui ?
- Les rédacteurs justement qui ne sont pas forcément journalistes de formation ?
- Les miens ... heu ... ne restent qu’avec moi que ceux qui y compris ça ... parce que ceux qui commencent à me dire “ je ne veux pas qu’on touche à mon papier ” et bien c’est fini. On ne peut pas travailler ensemble donc j’ai une grosse, grosse dose de re-writing comme on dit dans le métier et, petit à petit, ma grande joie c’est de voir qu’au bout d’un moment un journaliste technicien finit par se dire “ je vais améliorer mon écriture ” et petit à petit par osmose ça se fait et je ne peux pas le décréter et je ne peux pas leur dire, il faut que tu écrives comme ça. Alors ça, ça c’est un axe de votre étude qui pourrait être intéressant, c’est la pauvreté de l’écriture des magazines spécialisés que ce soit Internet ou informatique. Ah bon sang je suis toujours frappé par ça la façon dont ils osent balancer des grandes phrases, des trucs que, alors ça va que les gens ont une véritable appétence parce que il faut qu’ils comprennent, qu’ils trouvent le meilleur produit etc ... et je peux vous assurer que si on faisait une étude précise approfondie de la lecture de la presse informatique les barberait et si vous aviez le plaisir de l’écriture comme Le Point, le Nouvel Obs, Le Monde a un véritable accord de vulgarisation là c’est gagné.
- Quels sont les retours que vous avez par rapport aux lecteurs ?
- Bon. Essentiellement des courriers e.mail et quelquefois des tables rondes que j’organise, mais malheureusement faute de temps de moins en moins c’est un principe auquel je suis attaché.
- Table ronde propre à votre magazine.
- Table ronde propre au magazine. Je réunis des lecteurs qu’on est allé chercher dans nos listes d’abonnés et je leur propose de venir prendre le petit déjeuner quelque part et l’on discute sur une thématique ou sur une autre, ça c’est malheureusement très rare. Deuxième type de rencontre exceptionnelle c’est quand je vois quelqu’un lire .net dans la rue ou dans le métro, ça c’est sûr que je vais l’aborder. Et alors je vous disais surtout le courrier électronique alors là aussi passons sur le côté autosatisfaction, 90 % des messages sont des messages de satisfaction, après ce sont des questions techniques “ je n’ai pas compris telle chose est ce que vous pourriez me dire telle chose etc ... ” et le reste c’est vrai 2 % ce sont des emmerdeurs ou des engueulades. Je vous donne un exemple très précis, il n’y a pas longtemps j’ai mis les pieds dans le plat en dénonçant les sites qui étaient orthographiquement désastreux parce que ça c’est un vrai problème. Vous disiez tout à l’heure, vous disiez site et magazine, la concurrence. Déjà un magazine digne de ce nom, un journal digne de ce nom, il est fait par des professionnels avec des secrétaires de rédaction, il y a des gens qui font en sorte que ...
- Mais pour vous tout ce qui est pages personnelles, e-zine et compagnie c’est ...
- Mais j’aime beaucoup mais heu ...
- Ce n’est pas du journalisme selon vous.
- Mais non ce n’est pas du journalisme, pas du tout et surtout lorsqu’il y a trois fautes au mètre carré. Le mieux que j’ai trouvé dans l’histoire là que j’ai dénoncé d’une façon virulente ce sont des professeurs de technique qui ont créé un site destiné à aider les élèves en difficulté et à la section orthographe, il y avait trois fautes par ligne, alors là vraiment non c’est trop. Donc j’ai institué dans les hit-parades et dans les sites d’adresses “ tenue orthographique ” et un qualificatif : “ excellent ”, “ moyen ”, “ détestable’ ou quelque chose comme ça. J’ai été très surpris une flopée de réactions et alors là 60/40 : 60 % vous avez bien fait mais on vous a à l’oeil si vous avez une coquille dans votre canard on ne vous la laissera pas passer, 40 % non mais vous n’allez pas devenir aussi chiant que l’Académie ça c’est texto. Et bien parmi les réactions même parmi ceux qui approuvaient mon initiative, il y en a qui disaient “ attendez ” vous le faites systématiquement sur tous les sites et ça devient très lourdaud. En fonction de ça, j’ai changé mon fusil d’épaule et avec une suggestion de mon secrétaire de rédaction, j’ai dit “ bon maintenant on ne va dénoncer que les sites qui sont bourrés de fautes ”, les autres ... on allège cette partie qui était très critiquée tout en gardant notre point de vue de départ et j’ai fait un édito dans notre dernier numéro sur la tenue orthographique des sites qui est une véritable catastrophe et c’est vraiment affreux. Je suis père de famille et si mon môme qui est en 1ère L il passe du temps sur des sites bourrés de fautes et qu’il les reproduit, je suis désolé parce que ça me concerne. Alors certains ne font même pas passer le correcteur orthographique, c’est le minimum mais non même pas, voilà ce que j’avais sur le coeur à ce propos.