Entretien avec Florence ROY et Philippe BLANCHARD, rédaction en chef collégiale (avec Francis DESCHAMPS ) de Digipresse, collaborateurs d’Internet Reporter : 27/03/1998.

• La deuxième version d’Internet Reporter, l’aspect graphique si vous voulez c’est un petit peu ... pas une copie, une reprise de ce que l’on peut trouver sur le Web ou sur une interface multimédia ?
• FR - On n’a sûrement pas regardé du tout ce qu’il avait sur le Web. On a créé un canard à l’image de la façon dont nous on utilise les nouvelles technologies.
• D’accord.
• FR - C’est l’image et c’est l’esprit et c’est l’illustration de la façon dont on prend en mains la nouvelle technologie. Pour nous technique et pratique sont indispensables pour les journalistes de la télévision et de l’information à travers le monde c’est clair. Mais on a une grande conscience du fait qu’il faut rassurer les gens en leur proposant une approche ludique, agréable, chatoyante, esthétique qui va peut-être justement faire découvrir ces nouvelles technologies sous un nouvel aspect c’est à dire c’est l’antidote de PC-MAG, de INFO-MAG, enfin je ne sais plus les titres.
• D’accord.
• FR - On n’est pas des informaticiens, on est ...
• Et vous pensiez par ce biais approcher des lecteurs qui seraient peut-être à la limite réticents à la technique, à la technologie ...
• FR - Oui, en fait élargir, ce qui avait été déjà d’ailleurs un petit peu la voie naturelle sans trop de réflexions. On veut tout bêtement parler des nouvelles technologies comme de l’humain, du quotidien et les retrouver du coup dans notre vie de tous les jours et tous les papiers étaient traités sous cet angle là et il ne fallait surtout pas être technico-technicien. Pour nous, la technologie c’est comme la télé ou des stylos ou la table n’importe quel objet qui fait peur à personne qui est pratique.
• D’accord. Et je sais que Internet Reporter était au départ une déclinaison ou une rubrique de CD Média et vous travaillez déjà dans CD Média ?
• FR - CD Média non. On a travaillé depuis l’origine dans Internet Reporter. Philippe qui a beaucoup bossé en fait sur tout ce qui est reportage de terrain ce qui est toujours une approche de l’humanisation, ensuite on a poursuivi en fait la version 2 de Internet Reporter puisqu’il a été racheté et que le nouvel éditeur nous a consulté pour nous prendre en mains de A à Z et on avait une totale liberté autant dans le fond que dans la forme. On n’a jamais pu malheureusement ... Le projet était beaucoup plus ambitieux que la seule partie papier puisque l’on voulait également pouvoir redonner, retraduire une partie du canard sur le Web et pourquoi pas sur d’autres médias et chacun de nos journalistes ...
• Oui, mais donc à l’époque le premier Web ou l’ébauche de Web d’Internet Reporter il avait quelle finalité, c’était simplement pour être présent sur le Web ?
• FR - C’était une page simple qui disait “ Abonnez-vous ” avec un mail dans lequel on cliquait.
• Ca se limitait à ça ?
• FR - Oui, oui, ça n’a jamais été un site à vocation éditoriale.
• Et pourquoi ?
• FR - Parce que simplement je pense que c’était une question de financement parce que l’on crée un média que ce soit sur papier, sur le Web ou sur tout autre support, ça nécessite de payer des gens pour.
• Donc, en fait, vous quand on vous a appelé pour Internet Reporter version 2 vous étiez déjà à Digipresse ?
• FR - On avait déjà ... oui en fait, on avait déjà constitué Digipresse. On était déjà structuré et on avait trouvé plusieurs personnes.
• Et à ce moment-là, pourquoi en même temps à la limite, il ne vous a pas demandé de non seulement de collaborer au magazine papier et mais en même temps de faire une version Web ...
• FR - Parce qu’il n’avait pas les budgets alloués pour le faire.
• D’accord, toujours pareil.
• FR - Il connaissait l’équipe qui aurait pu, mais il n’avait pas le budget. Nous lui avons fait plusieurs propositions et, à chaque fois, il était fort intéressé mais ça n’a pas été plus loin et c’est tout le problème du budget sur le Web ...
• Alors que vous, si aujourd’hui ce n’est pas indiscret, vous avez trouvé une certaine rentabilité pour votre activité ou ...
• FR - Heu ... oui qui est effectivement très liée à la presse mais sous tous ses aspects c’est à dire presse-papiers, Web et audiovisuel et pas uniquement spécialisée enfin on, on maîtrise tout à fait ces technologies, mais on travaille sur plusieurs supports et, ce qui nous intéresse, c’est le croisement de ces supports.
• Et c’est quoi la complémentarité selon vous pour le Web par rapport à un magazine papier, qu’est-ce que ça apporte en plus ?
• FR - Là en l’occurrence, c’est un regard un petit peu coulisse sur une activité qui était évoquée par la personne interviewée mais qui ne peut pas détailler. C’était l’occasion de mettre beaucoup d’images, beaucoup de textes, une vraie ambiance qui, en plus, cassait complètement avec l’approche qu’on peut avoir d’une nouvelle technologie .
• Et vous-même, vous personnellement, l’équipe de Digipresse, vous avez quoi comme formation, comme compétences c’est plutôt journalisme, technologie, informatique, graphisme ...
• FR - Non, non c’est journalisme, plutôt journaliste.Pour ma part, j’ai fait beaucoup d’audiovisuel, beaucoup en télévision et j’ai appris à utiliser toutes les technologies en télévision et j’étais très sensible au graphisme, à la photo, à l’approche de l’image. Pour moi, c’est indispensable même dans les papiers que j’écris.
• Et hormis le fait comme Florence de dire “ le multimédia ça permet à la fois de mêler des textes, sons, images, etc ... ” c’est quoi en plus pour un journaliste, qu’est ce que ça amène en plus ?
• PB - Je sais ce que ça amène : de la souplesse. On est dans un système, en France, de presse très traditionnelle et je dirais assez lourde, assez marquée par des personnalités, des intérêts économiques. Elle a été victime de la publicité, elle n’a pas évolué vraiment et toutes les tentatives de modernisation se sont soldées par des échecs car financièrement c’était trop lourd à supporter. Avec Digipresse se sont retrouvés assez facilement des gens intéressés par les nouvelles technologies et parce qu’on n’était plus dans un schéma classique, on n’est plus dans des structures journalistiques classiques, il n’y a plus des mentalités classiques, par exemple dans Digipresse, il n’y a pas un Rédacteur en chef de cinquante ans et qui dit “ On fait ça depuis vingt cinq ans et on fait comme ça et comme ça ”.
• FR - On maîtrise son média.
• D’accord, mais il y a quand même une structure interne encore Rédacteur en chef, Rédacteur ou même si c’est plus collaboratif etc ...
• PB - Oui c’est plus collaboratif mais effectivement il y a quand même des problèmes et de nous-mêmes, on s’organise comme ça, par exemple, quand on a bossé sur le Salon du Livre, et bien on avait organisé notre propre rédaction, il y avait une fille qui était Rédactrice en chef qui était la plus gradée au niveau littérature, donc elle était responsable de ce qui sortait, en fait et effectivement là-dessus, c’était organisé comme ça. Il fallait, c’est comme la somme des intérêts particuliers doit être égale à l’intérêt général, c’est exactement la même chose. On ne peut pas prendre dix journalistes qui travaillent de façon autonome et qui balancent des choses sur le Net, ils ont forcément besoin d’avoir un chef d’orchestre.
• Et au niveau de la structure économique, c’est quoi pour Digipresse ? On a coutume de dire que, par exemple, pour les revues papier, les journaux etc ... qu’ils s’adressent à un double marché : à la fois les lecteurs et puis à des annonceurs et vous vous fonctionnez comment ?
• PB - Pareil. Aujourd’hui, il y a un grand débat parce que les journaux ..., parce que les médias doivent faire payer l’information qu’ils vendent. Alors sur Internet, on n’a pas de schéma établi, on n’a pas de règle d’or. Moi, je crois que de toute façon, les deux formes coexisteront et pas forcément l’une de l’autre, il pourrait y avoir des serveurs de contenu qui fileront des choses gratuites et des choses d’un autre niveau payant et peut-être des développements plus compliqués et encore plus chers.
• Et y a un débat qui est assez récurent au niveau du journalisme en ligne, c’est la question des liens hypertextes. Quand vous faites un lien, alors je ne sais pas si c’est le cas vers un site complètement extérieur à votre journal, par ce lien hypertexte, est-ce que pour vous c’est encore la suite du journal ce lien où s’arrête le journal quelque part ?
• PB - Sur Internet, il y a un truc qui s’appelle la charte graphique qui est vachement important qui conditionne, qui emballe un site complètement. On va respecter les graphismes volontairement pour dire là vous êtes dans la zone de Un Tel.
• FR - D’accord.
• PB - On vous dit là c’est ce que c’est Un Tel, c’est un autre problème de savoir si on est fiable, peu fiable, c’est aux gens de se faire une idée. Si on fait un lien hypertexte donc déjà il y a plein de possibilités, on peut le faire dans une autre fenêtre, c’est super convivial d’ouvrir une autre fenêtre pour bien montrer qu’on n’est pas au même endroit et que la charte n’est pas uniforme et là déjà on résout une partie du problème. Ensuite, même dans le plan du texte, on peut dire la voilà, on pointe sur tel site qui raconte ceci et là vous verrez cela et là aussi il y a une sacrée plus-value, le lien il n’est jamais neutre. Il n’y a pas de sources d’informations, pas de sources officielles qui soient totalement objectives. Ce problème là il est récurrent aux journalistes, cela veut dire que, pour nous, toute source institutionnelle elle est forcément une source de communication. A commencer par le Gouvernement qui va donner les chiffres du chômage, il y a toujours des modes de calculs qui sont favorables pour eux. Donc ce problème là il existe tout le temps, il n’est pas nouveau, ce n’est pas le Web qui...
• FR - De toute façon, le lien hypertexte c’est parce que le Web c’est la nouvelle façon d’envisager aussi la promotion...
• PB - C’est un accélérateur d’infos, la neutralité elle résulte de la somme de pour et de contre qu’on peut mettre dans la balance. Si on met un petit peu de pour et un petit peu de contre dans la balance et et que ça s’annule, on peut dire qu’on a la même neutralité, bon a priori ...
• En fait, vous vous considérez comme une agence de presse électronique ou ?
• FR - Oui, en fait pas électronique puisqu’on travaille aussi sur le papier. On est fournisseur de contenu, à tous les médias voilà.
• Votre but ça n’a jamais été de créer un magazine ou un journal ?
• FR - Bien si on aimerait bien. Ce n’est pas un but en soi parce que l’entreprise au départ c’est de fournir des contenus aux médias et de faire bosser un maximum de journalistes qui s’intéressent aux nouvelles technologies et aux expérimentations donc soit qui s’intéressent au papier et au Web, soit pourquoi pas papier avec la télé. Ceci c’est un esprit de défrichage.
• Oui et je veux dire par là est-ce que votre parcours auparavant quoi votre expérience ... au sein de média traditionnel, c’est un gage de confiance pour eux ?
• FR - Non parce qu’on en parle jamais, il ne demande pas. De toute façon, un journaliste ne déclare jamais son C.V. ni quoi que ce soit, c’est à dire soit il a un papier, soit il n’en a pas et soit il sait bien écrire et soit il a de bonnes infos et donc c’est ça son C.V. donc ce qui est bien quand tu es journaliste, on ne te demande pas d’où tu viens. Donc, c’est après, il faut faire ses preuves sur le terrain quoi moi ça fait trois ans, il y a des trucs de base comme faire un bon papier, trouver des bons sujets, les rendre à temps et puis ne pas créer de problèmes au journal après en mettant des infos fausses ou non vérifiées ou être trop léger sur certains trucs.
• Et au niveau de cette écriture un petit peu multimédia, vous, vous privilégiez quoi, par exemple, vous vous dites par exemple, il ne faut pas trop mettre de choses à la fois, je veux dire par exemple pas à la fois du texte, des images, du son en même temps ?
• FR - Cela dépend des sujets, il y a des sujets qui se prêtent très bien à être valorisés par beaucoup d’images et par des textes parce que ce sont des situations qui s’expriment mieux en images et d’autres par le son, d’autres par le texte ce qui est génial et même de la vidéo. Donc, c’est ce qui est génial c’est justement c’est que tu peux choisir, tu peux t’amuser avec ça, tu peux jongler avec ça.
• Et quand vous faites un reportage par exemple, vous allez filmer, vous allez enregistrer en vidéo, ça se passe comment ?
• FR - Oui, la plupart du temps, on utilise soit la caméra, soit les appareils photos numériques de manière à avoir plusieurs sources d’informations pour pouvoir les mélanger après sur le Web et d’ailleurs sur la presse papier.
• Oui, la façon d’articuler quand vous faites un reportage la vidéo, texte et son par exemple, ça c’est quelque chose que vous avez appris sur le tas ou ... ?
• FR - Oui ça, c’est, c’est en fait l’idée c’est qu’on a formé un maximum de journalistes à appréhender ce média selon aussi leurs compétences et leurs envies, c’est à dire quelqu’un qui est arrivé et qui était photographe s’est parfois mis à écrire. Quelqu’un qui était au départ cadreur vidéo s’est parfois mis à écrire ou à faire que du son, longtemps ça été comme ça des terrains d’expérimentation, d’essais et puis finalement d’épanouissement personnel à travers ce média là. Maintenant, selon le sujet traité, selon les images et les éléments rapportés et selon les sensibilités de la personne qui fera le papier et bien, on favorisera le texte, l’image, le son ou on mettra à égales distances les trois niveaux. Je dirais que ça, justement ce que disait Philippe tout à l’heure est important, on a l’impression de défricher, de créer un média, ça veut dire aussi que l’on est libre, que l’on est maître à bord et ça c’est vraiment important et c’est quelque chose moi que je n’ai pas du tout ressenti dans les autres canards pour lesquels j’ai bossé. En écoutant France Infos par exemple...
• C’est calibré ...
• FR - C’est du calibrage, du ton de voix, du ... enfin c’est insupportable.
• Par rapport à des considérations économiques ou financières, est-ce que vous avez un service publicité ou marketing interne etc ... ?
• FR - Non, on a un commercial avec lequel on travaille pour divers événements et de très bons contacts avec différentes marques pour effectivement être polarisés sur les événements, mais de toute façon, on a eu longtemps une régie publicitaire qui nous a rapporté peu donc à terme, on envisage une nouvelle collaboration avec une régie sérieuse.
• Et actuellement dans la partie comptable dans vos recettes, c’est quoi la part de publicité ?
• FR - Il n’y a pas, on ne travaille pratiquement pas avec les rentrées publicitaires, je dirais pas du tout même.
• C’est quoi les revenus ?
• FR - C’est essentiellement notre activité de fournisseur de contenus.
• Et pour l’instant vous n’avez pas ... au niveau paiement à l’acte, il n’y a rien du tout ?
• FR - On a généré je ne sais pas ... dix mille francs il y a deux ans. Donc heu ... c’est assez ... encore une fois, on n’a pas l’esprit rentabilité avant tout, par exemple, moi j’ai fait le portrait de la soeur qui va former les autres soeurs à de nouvelles technologies, c’est un sujet en or que tous les médias m’auraient pris. Avant, j’ai fait un sujet sur une famille Web avec cinq ordinateurs en réseau, avec quatre gamins encore un fois un sujet en or ...
• Et vous, quand vous voyez ces sujets vous les faites parce que... ?
• FR - Oui, j’aime bien, ça m’amuse, ça me fait rire, ça m’a amusé de faire ces deux-là. C’est déjà parce que j’ai envie de rencontrer les gens et parce que je trouve que le sujet est intéressant, mais ceci dit j’ai la chance de pouvoir me faire plaisir. Je me suis donnée cette chance là parce que justement on fait plein de choses différentes et que on peut se permettre de se faire plaisir, c’est super important mais ce que je voulais dire sur ça c’est que la soeur c’était un super sujet et que je n’ai pas réexploité et que j’aurais pu revendre encore à d’autres journaux et, en fait, ce qui s’est passé, c’est que elle a été, après la diffusion sur L’Express, elle a été contactée par TF1, Radio Canada et six autres médias différents, TF1, France 2 pour refaire les sujets eux-mêmes et non pas nous demander à nous agence de presse ...
• Et alors, dans ces cas là, c’est quoi votre réaction ?
• FR - Moi, ma réaction c’est premièrement le respect de la personne interviewée donc si elle ne veut pas que je communique son contact parce qu’elle ne veut pas être surmédiatisée et bien je ne le donne pas. Donc, je consulte la personne, je lui demande son avis et ensuite soit je rappelle le média parce que j’ai le temps de le faire, parce que pendant ce temps, il ne me paye pas. Je veux dire, c’est un service gratuit que je leur offre alors qu’ils pourraient me demander de faire le boulot, soit je leur dis “ Ecoutez, je ne vais pas vous donner le contact d’une personne que j’ai mis un mois et demi à trouver quoi, parce qu’il y a ça aussi mais après ce sont des recettes je dirais de bon comportement et de respect les uns et les autres dans le journalisme. Et les gens évidemment, on vous respecte, on aime bien ce que vous faites mais on ne vous fera pas bosser. Enfin, tout ça, ce sont des jeux d’approche pas forcément faciles.
• Ca ne doit pas être facile pour vous quand vous avez ce genre de demande ?
• FR - Et bien ça m’énerve parce qu’ils ne font pas le boulot de recherches et ils ne font que téléphoner et que ce soit TF1 ou ci ou ça, il faut leur répondre.
• Mais justement quand vous parlez de TF1, des médias en général nous disent : eh bien nous le sujet sur les bonnes soeurs qui fond du Web, ça nous intéresse etc ... quand vous refusez est-ce que ce n’est pas le risque de se fâcher avec un client potentiel ?
• FR - Non, parce que de toute façon d’entrée de jeu, il ne le sera pas. Il n’a pas la démarche de dire : “ je veux sous-traiter ”, il se dit : “ je vais le faire en interne ”, donc à partir de toute façon donc non on ne va pas ! Moi, je ne suis pas toujours en train de me dire : “ eh bien tiens ça doit être un client potentiel donc il faut que je me la ferme et que je sois très discret, que je sois stratégique. A un moment donné, on a choisi ce boulot là, on est content, on en est fier, on a envie de donner une belle image ...
• Et vous vous êtes donnée les moyens pour faire à votre façon ?
• FR - C’est vrai que là en l’occurrence la soeur c’est un pigiste Radio Canada qui l’a fait et qui l’a proposé au Monde et le mec c’est lui qui s’est enfilé la pige alors que moi justement aussi c’est pas de le refaire quinze fois quoi, les gens qu’on interview ce n’est pas un kilo de viande qu’on va découper, redécouper ... à loisir et d’une, ça les médiatise, ça les dérange peut-être et deux, parce que cette soeur là, j’ai mis trois mois avant qu’elle accepte l’interview alors que le type il ne l’a revue qu’une fois et après il a réalisé son interview en versions différentes, donc ça c’est de l’épicerie quoi.
• Et pendant que j’y pense, vous par exemple, vous faites des reportages un petit peu sur tous les supports à la fois, vidéo, son, texte, image, est-ce que par exemple quand vous bossez pour une télé, vous pouvez leur proposer uniquement de la vidéo ou ...
• FR - Oui, on a travaillé sur le Web de Elle, on travaillait uniquement en vidéo, on a fait tous leurs défilés de mode, on a couvert en vidéo leurs défilés de mode parce que c’étaient des compétences qu’ils n’avaient pas et bien gardé de dire qu’ils n’avaient pas voilà.
• Au niveau de l’écriture, de la mise en page, c’est quoi la spécificité du Web ... là, ce n’est pas vous qui avez fait le reportage, mais j’imagine que vous adhérez plus ou moins ...
• FR - C’est pouvoir en fait rythmer l’information et lui donner une approche à chaque fois complètement personnalisée, moi c’est comme ça que je l’envisage. Toute la spécificité du Web c’est ça, c’est une liberté de ton, de présentation, de lieu, de rythme en fait pour moi mettre un lien quelque part, c’est rythmer la lecture. Chaque reportage que l’on a mis en ligne a sa personnalité donc voilà, par exemple.
• Parce que quand vous décidez de mettre un reportage sur le Web et c’est ce que j’ai un petit peu de mal à comprendre, c’est que vous ne l’avez pas vendu à un prestataire ?
• FR - Non, l’objectif c’est pas forcément, on le met sur le Web parce que on ne l’a pas vendu, non, l’objectif, on se fait plaisir donc on fait ça pour se faire plaisir et une économie super il n’y en a pas, tant pis on le fait. On le fait ou alors justement tant pis bon, on ne le fait pas.
• Mais quand vous le mettez sur le Web, il y a des bandeaux ?
• FR - Non. C’est une formule économique qui peut marcher, mais c’est très très difficile à tenir.
• Donc en fait, vos revenus viennent exclusivement des reportages que vous vendez à vos prestataires ?
• FR - Oui, voilà.
• Et quand vous mettez sur le Web, c’est délibérément gratuit ?
• FR - Déjà c’est gratuit.
• Au mieux, c’est une vitrine ?
• FR - Oui, c’est une vitrine si on veut, bien sûr tout à fait, ça peut donner une idée des compétences journalistiques de Digipresse c’est clair, mais c’est surtout un plaisir, c’est un peu de générosité quoi. Celui-ci il est vraiment, vraiment tout images, il y a ...
• Cette mise en forme justement particulière, vous en discutez entre vous ou c’est un petit peu chacun fait les choses à sa façon ?
• FR - Non chacun en fait, on a une charte graphique de Digipresse globale, mais à l’intérieur de cette charte graphique, les gens sont un peu libres de faire ce qu’ils veulent donc.
• Et justement au niveau de votre équipe de rédacteurs, vous fonctionnez comment, vous faites appel à des pigistes ?
• FR - Il y a huit permanents et sinon effectivement on est entouré d’un pôle de quarante à cinquante pigistes.
• C’est énorme.
• FR - Donc, on a à peu près formé la moitié.
• Et dans les permanents, c’est quoi la répartition entre graphistes, rédacteurs, maquettistes ?
• FR - Il y a dans les huit permanents, deux personnes qui ne sont pas rédacteurs donc qui ne sont donc pas au départ formés pour écrire, mais sinon tout le reste même notre commercial qui est un super calé en développement, on est tous complètement imbibés par un bout ou un autre des nouvelles technologies soit parce que l’on a envie de diffuser de l’information, soit parce que l’on aime le support technique et donc Philippe et moi qui avons la boîte plus le côté développement commercial pur, stratégie, réflexion sur le média et trouver des idées, trouver aussi des clients parce qu’il faut des marchés à droite et à gauche, trouver des sujets, rencontrer des nouveaux collaborateurs et puis gérer les gens, gérer la boîte, s’occuper de la gestion financière. Il y a une productrice, il y a un développeur, un commercial, un infographiste, une assistance au développement et à la communication et puis, en ce moment, plusieurs rédacteurs qui sont là en tant que stagiaires et un rédacteur qui est salarié à partir du mois prochain en mi-temps.
• Et vous, au delà de votre activité journalistique, vous proposez des services genre conception de site Web ou des choses comme ça ?
• FR - Bien oui, en fait naturellement on en est venu à faire ça, mais c’est plus parce que les gens nous l’ont demandé que parce que nous, nous l’avons provoqué en l’occurrence. Moi je voulais faire des reportages rigolos, en fait ce sont toujours des envies d’amusement, quoi je voulais aller à Dysneyland Paris et faire des reportages un peu rigolos, un peu transversaux.
• Je vous laisse parler maintenant un peu plus librement de votre activité, du journalisme en ligne en général parce que moi, en tant qu’observateur extérieur, il y a des choses que ...
• FR - Eh bien je dirais qu’on attend que ça se mette en place. Le sentiment général c’est qu’on en a encore pour trois ans, donc on sait que c’est un milieu difficile ...
• Trois ans pour ?
• FR - Trois ans pour arriver enfin à vivre de la presse en ligne.
• C’est une maturité quoi ?
• FR - Voilà parce que le marché existe, qu’il y ait effectivement des vraies régies publicitaires, des vraies campagnes de pub avec des vrais budgets débloqués par les boîtes pour pouvoir effectivement permettre un financement indirect du métier de rédacteur qui fasse leur boulot sur le multimédia.
• Et à ce moment, vous abandonneriez votre aspect plutôt agence de presse pour prestataire média ?
• FR - Non.
• Non pour devenir ...
• FR - Non le projet tient la route même dans trois ans et encore plus dans trois ans parce que le Web sera un vrai média. Ca ne fera que étendre nos activités à ce nouveau média là, mais ça n’empêchera pas ... L’idée c’est vraiment de maintenir en fait l’activité “ un peu classique ” et celle des nouvelles technologies et de nourrir l’un par l’autre et l’autre par l’un et de croiser les médias quoi donc on a l’avantage quoi le concept est bon. D’ailleurs il est repris à droite, à gauche. Pour nous voilà c’est ça, l’objectif c’est de continuer, de continuer à maintenir le cap, d’être novateur puis s’amuser quoi et puis voilà on espère surtout, à un moment donné pour se faire plaisir et aller carrément à l’étranger et carrément faire du direct du Kosovo ou ... et apporter une nouvelle voie, une nouvelle façon d’envisager l’actualité, finalement faire un peu la gué-guerre à l’AFP ou quoi, mais non pas en terme de volume avec six cents ou mille personnes qui bossent pour nous mais plus en terme de donner une nouvelle approche de l’actualité.