Entretien avec Stéphane VIOSSAT, rédacteur à Netsurf, ancien rédacteur en chef adjoint d’Univers Interactif : 26/03/1998.
- Pourquoi à un moment donné, des groupes de presse ou des équipes qui travaillent pour eux ont choisi de se centrer sur le thème de l’Internet et du multimédia ?
- Dans le cas d’Univers Interactif, ce n’était pas le but à la base, on ne parlait pas d’Internet, ce n’était pas le sujet du magazine. Le sujet du magazine c’était plus ... Il a été imaginé comme un pendant français de Wired avec beaucoup de particularisme. C’était à une époque où les initiateurs du projet qu’était Giudicelli, le patron de Pressimage s’est dit que c’était le moment, c’était bon pour le marché français de faire un magazine de culture informatique et non pas de technique, donc un magazine de culture informatique. Donc ce n’était pas Internet qui était le sujet de Interactif mais il s’avère que à ce moment là si on l’a fait aussi tôt en fait ce magazine c’est qu’on voulait car il y avait un problème de positionnement et on voulait être les pionniers sur ce marché là en se disant qu’il y avait vraiment un avenir à ce type de presse. Il y a un avenir à ce type de presse, mais c’est vrai que c’est encore un peu tôt. Il faut attendre que les gens, avant qu’ils ne s’intéressent à l’aspect culturel ou de quelque chose comme ça, il faut qu’ils soient déjà au courant de son existence, au point de vue pratique. Bon donc, et nous l’équipe qui avons fait Univers Interactif on l’a bien vu, les gens étaient intéressés. A ce moment là ça a été de l’explosion, le plein boum de l’Internet. Quand Interactif a commencé ça ressemblait encore à ce qu’on racontait sur le début de l’Internet, qu’il y a eu une guerre, machin. Quand on voulait voir quelque chose sur le Web, on allait au C.E.R.N. qui expliquait ce que c’était.
- A ce point là ?
- Non, pas vraiment. On écrivait c’est génial le Web, c’est de l’hyper-lien etc ... C’était pas multimédia à fond mais c’est pendant qu’on démarrait qu’il y a eu un boum gigantesque forcément parce que tout bougeait dans l’informatique. On a saisi le mouvement, c’était notre monde, notre sensibilité et l’on parlait de beaucoup d’autres choses que d’Internet.
- Oui justement, ça me surprend un peu que vous disiez en fait que vous êtes arrivés un peu trop tôt par rapport à tout ce qui est cyberculture. Je pensais que ce magazine reflétait justement une espèce de reprise des discours qu’il y avait à l’époque sur la société de l’information etc ... alors que justement il n’y avait vraiment pas encore la pratique.
- Non, non, enfin non il y avait, il y avait comme il y a toujours dans Le Point, Le Nouvel Obs et compagnie pour faire air du temps certains dossiers sur l’Internet, n’importe quoi, mais enfin on en parlait c’est vrai mais ce n’était pas un sujet. Pour nous, cela semblait être un vrai sujet. La preuve en est qu’on était précurseurs, on s’est planté, c’est qu’au final les gens n’étaient prêts. Il n’y avait pas finalement un marché suffisant pour un magazine culturel sur l’Internet et l’informatique. On était un peu trop en avant, c’est sûr. Si on n’a pas continué, c’est qu’on n’avait pas une demande assez importante du lectorat.
- Justement à ce niveau là, quand vous choisissez de faire ce magazine, vous dites que c’est au niveau de Pressimage etc ... Est-ce que c’était un peu comme cela, au “ feeling ”, suivant l’air du temps ...
- Oui, c’est sûr.
- Il n’y a pas eu un petit peu de pression du service marketing etc ... ?
- Non, aucun, non. C’est toujours lié quand tu as une idée à moins de faire quelque chose pour le plaisir de l’art. Tu essaies toujours quand même pour que ton projet puisse continuer, fonctionner, enfin, il faut que ce soit porteur malgré tout. L’idée c’était quand même, on voyait aux USA ou ailleurs queWired c’était un truc qui marchait fort et que, commercialement, il y avait des débouchés possibles. C’est normal que dans l’idée des initiateurs, on va pas se dire faisons un truc sur un marché qui n’existe pas, où personne ne va acheter. Forcément si tu trouves quelque chose, si tu trouves une bonne idée, même si intellectuellement elle est intéressante, c’est aussi que tu sais que tu vas réussir à vendre.
- On a l’impression que l’aspect, l’idée, projet séduisant etc ... l’emportait quelque part sur les considérations du marché, marketing etc ...
- Oui, oui, enfin. Encore une fois je modèrerais ça. C’est à dire qu’on était vachement enthousiasmé de faire quelque chose comme ça et ensuite on savait que c’était un truc porteur, mais tout est lié. S’il n’y avait eu que l’idée géniale sans derrière la possibilité de faire du fric qui va permettre de continuer, on ne l’aurait pas fait de toute façon. Mais c’est sûr que l’idée était vachement importante à la base, on était tous enthousiasmés par ça, c’est normal, mais il faut toujours un enthousiasme pour monter un projet.
- Vous qui avez connu plusieurs évolutions, finalement, depuis le début de ce secteur de presse, quelle analyse vous en feriez, quelles sont les grandes tendances ? A la limite, qu’est ce qui te surprends par rapport à ce que tu aurais pu en imaginer au départ etc ... ?
- Il n’y a pas grand chose qui me surprend en fait. Ca évolue un peu comme ça été prévu. L’Internet c’était quelque chose ... Ca a été décrit comme quelque chose de complètement anarchique, la voie à toutes les libertés, à tous les excès. Puis, petit à petit, ça s’est au fur et à mesure calmé, puis institutionnalisé, c’est une voie qui était assez prévisible. Ce qui m’étonne, c’est qu’à la rigueur ...
- Est ce que c’est peut être une interprétation de ma part, mais quand je lis un exemplaire d’Interactif par exemple, on a l’impression qu’il régnait quand même une espèce d’ambiance techno-libertaire des débuts de l’Internet etc ...
- Ouais. On essayait quand même toujours d’être assez critique.Enfin, on a autant tapé dessus qu’on a encensé. C’est ça qu’est intéressant, très intéressant sur Internet, c’est d’avoir plein de polémiques aussi bien en mal qu’en bien. Il y a plein de choses super, il y a des choses mauvaises aussi. A priori, nous on a assez bien décrit dans Interactif l’évolution future, on la sentait assez bien.Un nouveau média, complet qui s’enrichie, qui évolue au fur et à mesure que les gens apprennent à l’utiliser en fait, c’est un nouveau langage. C’est vrai que ... mais ce qui m’étonne c’est que la transition se fait vachement bien, on suit assez bien. Il n’y a pas d’immenses ruptures où tout d’un coup les gens ne comprennent plus ce qui que passe, ça se passe assez bien, c’est assez fluide comme évolution.
- Dans Univers Interactif, il y avait aussi une spécificité semble-t-il au niveau de la mise en page, des graphismes, etc ...
- C’était mode. Oui, mais tout ça c’est dans l’esprit des gens qui le faisaient. On a été accusés de chercher à faire trop mode. On ne cherchait pas, on n’était pas un magazine de Nerds dans le sens. Moi qui définissais le cyber si tu veux comme tout ce qui est, c’est un nom mode pour définir l’informatique : point. Je ne vois pas d’autre définition, on parlait du Cyber, on parlait de l’informatique de façon culturelle et mode parce que le public était vachement jeune assez poussé vers les cultures. On n’était pas du tout technicien, les gens qui ont écrit dans Interactif étaient plus des gens qui venaient de Nova, d’Actuel, c’était lié aussi à la personnalité du rédacteur en chef, Ariel Wizman, qui lui venait de Nova et d’Actuel, forcément la mouvance, la mouvance graphique était celle du moment, on était aussi intéressés par ce genre. On a fait volontairement dans un magazine informatique, il y avait des pages mode parce que ça allait avec ... parce que ...
- Justement, je reviens un petit peu sur ce que l’on a dit tout à l’heure au niveau de qui décide des choix éditoriaux carrément de la mise en page, du magazine ? Vous dites que cela tient à la fois de la personnalité, des gens qui le font, qu’il y a aussi des éléments de marketing etc ... Pour cet aspect de la mise en page et des graphiques ou tout simplement des choix éditoriaux C’était quoi qui prédominait ? C’était encore la grande mayonnaise de tout ça ?
- C’est à dire, vous voulez savoir comment cela se passait exactement ? On avait ...
- Parce que enfin, je vous pose toutes ces questions car j’ai l’impression que par rapport à l’ensemble des magazines multimédia, Interactif ça dénotait un peu.
- Oui, ça fusait pas mal. Il y a eu beaucoup de trucs assez étonnants. Enfin, on faisait très peu d’articles de commandes. On ne demandait pas à quelqu’un de ... On n’avait pas de pigistes à à qui on demandait de faire un article, c’était assez rare. Le truc, on s’était entouré de gens qu’on aimait. Ce qu’on demandait tout le temps c’est qu’ils nous proposent des idées, ce qui était important, c’était les idées, d’avoir tout le temps des idées en permanence, quelque chose à dire sur quelque chose. Donc en fait, on avait des propositions qui débarquaient tout le temps, tout le temps. Nous dès qu’il y avait un sujet qui nous bottait, on le faisait. On n’était pas, cela me semble quelque chose de normal car on n’était pas lié par la technique. On n’était pas un magazine qui avait pour but d’être didactique. Les choix en rédactionnel c’était dès qu’il y avait un sujet qui nous étonnait nous-mêmes, on fonçait dessus, c’était essentiellement ...
- Mais on sait très bien qu’aujourd’hui dans la presse informatique ou multimédia etc ... Les choix éditoriaux se font par commandes mais également par rapport aux services presse qu’ont les entreprises, par rapport avec la direction marketing, des groupes de presse, etc ...
- Ouais, il ne faut pas non plus ... enfin.
- C’est caricaturé.
- Oui c’est caricaturé, oui c’est vrai en plus, vous savez ça se passe toujours ... Vous n’avez jamais un cycle de commandes par le service marketing parce que déjà ça hérisse les rédacteurs en chef, on n’aime pas ça. Quand on l’accepte ... je ne peux même pas dire parce que je n’ai pas de souvenir d’avoir accepté un truc. Si tu acceptes un article, il y a des trucs obligés à un moment souvent ...Si vous l’acceptez souvent, c’est parce que vous avez choisi de le faire. Quel exemple je pourrais te fournir ? Tu as Microsoft qui te sors Windows 95, tu es un magazine informatique, tu ne vas pas faire l’impasse sur la sortie de Windows 95, on est d’accord ? A côté de ça, Microsoft décide de passer de la publicité. Le service marketing intervient : ça serait bien que vous parliez de Windows 95. Qu’est ce que tu peux dire ? Mais oui, on en parle de toute façon, c’est pas parce que le service marketing a eu une page de publicité que tu as fait ton article, c’est parce que de toute façon l’événement est lui-même suffisant pour ... Donc en fait, le suivi, la force du marketing dans les choix rédactionnels ne sont pas si forts que ça, tu vois ce que je veux dire, si tu fais un article sur quelque chose parce que de toute façon ... Moi, en tout cas, dans mon histoire personnelle, je ne me suis jamais retrouvé face à un chantage, un chantage à la pub, ça ne m’est jamais arrivé.
- Vous disiez que les collaborateurs d’Univers Interactif ce n’était pas des gens qui avaient une formation informatique à la base. Et vous-même ?
- Moi, je venais de Pressimage, j’étais avant rédacteur en chef d’un magazine, un truc super spécialisé sur les ordinateurs Atari. Le reste des gens sont des gens qu’on a testés, qu’on a trouvé bons, c’est le truc habituel, l’arrivée petit à petit d’une équipe, mais il n’y avait pas de techniciens. Ils étaient tous forcément, s’ils écrivaient tous là dedans c’est qu’ils étaient intéressés par les sujets. Je peux vous citer les principaux collaborateurs : il y avait Francis Mizio qui écrivait beaucoup, il est à Libé-multimédia, au départ c’est un écrivain de polars, il y avait Pascal Forméry ? qui a écrit plein de trucs aussi, il est Directeur, il a une société de création multimédia. Maintenant ils font des sites Web, ils font des CD + des trucs comme ça donc vachement impliqués là dedans. Il y avait Bonnefoy qui était traducteur, qui était branché informatique à fond. Ce sont des gens qui ont une histoire personnelle avec l’informatique et touchés plus ou moins par le sujet. Encore que nous avons eu aussi des candides absolus ce qui est assez amusant, des gens qui n’étaient absolument pas techniciens donc le regard était complètement ... le regard était juste un regard de société, un regard critique sans avoir aucune notion technique.
- Donc vous-même avant d’être journaliste à Pressimage, vous avez suivi quelle formation etc ... ? quel parcours ?
- Une formation de journaliste, les journalistes sont souvent des gens qui n’ont pas réussi à être autre chose ... enfin c’est comme un critique de cinéma ... c’est des mauvais cinéastes. Donc, j’ai un parcours qui n’a rien à voir, j’ai fait du droit, j’ai fait une école de cinéma et j’ai atterri là parce que je pigeais pour eux, j’étais assez proche du magazine et je suis arrivé là après quoi.
- Univers Interactif avait un site Web, un CD-Rom ?
- Non, il n’y a pas eu de siteWeb. Il y avait un CD Rom, on était le premier magazine à fournir un CD Rom + + + c’est à dire un CD Mac/PC/audio. Donc on avait de la musique et des programmes vraiment bien je trouve. C’est assez dur à produire, on a été un peu trop braqué sur la qualité, c’est peut être aussi ce qui nous a tué, on aurait du peut être plus démagogique. On a essayé de faire de la qualité, par moment, je ne sais pas, je n’ai pas d’idée hyper précise maintenant.
- C’était quoi au niveau de la diffusion ?
- Je n’ai plus les chiffres en tête. On a du, à la fin c’était terrible, on a du chuter pas mal, on devait tirer à 40 000 je crois, la diffusion je ne sais plus.
- Oui, donc pour le CD Rom, il y avait du contenu ? C’était complètement différent de ce qui existait sur le support papier ?
- Oui complètement, on faisait des séquences multimédia. Il y avait des rubriques du journal qui étaient ensuite sur le CD Rom, des trucs bizarres : il ne fallait pas s’attendre à ouvrir le CD Rom comme une base de données d’informations, c’était plus un support artistique qu’autre chose.
- Donc, justement puisqu’il n’y avait pas vraiment de techniciens dans l’entreprise, qui s’occupait de la conception du CD Rom ?
- C’était ... Pour le CD Rom il y a eu deux personnes qui s’en sont occupées, elles s’occupaient de faire la programmation et il y avait le graphiste, directeur artistique d’Interactif qui s’occupait du CD Rom, mais l’on a assez vite arrêté en fait parce que c’était extrêmement lourd. Comme on voulait justement quelque chose d’assez bon et qu’on avait pas l’argent pour avoir les gens ou une équipe qui bosse sur en même temps le CD Rom et en même temps le magazine, c’était assez dur, ça prenait pas mal de temps, techniquement c’était dur, c’était vachement dur. Plus plein d’embrouilles, de petits trucs qui faisaient que c’était très dur quand tu n’as pas le fric à mettre. On avait les tracks audio sur le CD ce qui était quand même intéressant. Lorsque tu mets des tracks audio sur un CD, tu dois payer des droits de reproductions mécaniques. Ca n’est même pas la Sacem, tu ne payes pas les auteurs, mais donc tu payes les droits de reproductions mécaniques. Il y a des pistes audio sur ton CD, tu payes direct je ne sais combien de centimes par CD produit, donc quand tu tires à 40 000, tu payes 40 000 fois X centimes. Et c’est pas mal, cela doit être 60 centimes environ l’unité, c’est assez cher, tu payes déjà ça rien que parce que tu as pressé ton CD même s’il n’est pas acheté. Ensuite, les gens te donnent les droits de leur musique, mais pas de bol, ils sont inscrits à la Sacem, tu dois quand même payer la Sacem même si les gens renoncent à leurs droits en ta faveur. Si tu ne le sais pas à la base, tu te retrouves avec des frais immenses d’un coup qui te tombent sur le dos, exemple : le mois dernier vous avez fait un CD donc vous nous devez trois cent mille francs, donc avec ce genre de truc là, on commence à être un peu frileux ... à s’engager sur un CD Rom.
- Dans quelle optique vous faisiez ce CD Rom, vous aviez une approche réfléchie comme tu disais ?
- Non, c’était le support ... : non c’était ... c’était une logique absolue. C’était, on était en train de raconter qu’il y a quand même quelque chose dans l’informatique, que c’est pas simplement.
- C’était la démonstration ?
- Ouais. Qu’il y a du sens, de l’intérêt dans le domaine de l’informatique. Que le langage multimédia est un langage qui n’est pas forcément qui utilisé convenablement est un vrai langage particulier qui peut s’apparenter à l’art, qui peut avoir du sens ...
- Et alors vous n’avez jamais pensé à un site Web ?
- Si, mais plein de choses sur ... Bon, là, il y a plus de problèmes, sur le site Web, il y a plus de problèmes, de ... , de ... droits et de marketing. A l’époque déjà si on faisait un site Web c’était essentiellement du texte avec des images en fond etc ... de jolies images. Dans Interactif : problème. Les gens avec qui on travaillait pour l’image, on avait nos graphistes pour nous, mais on avait beaucoup de photographes qui intervenaient. Quand ils donnaient une photo, quand ils faisaient pour Interactif une photo, on ne pouvait pas non plus après mettre sur Internet une reproduction de la photo de bonne qualité, soit vous mettez avec une mauvaise qualité. Nous on a l’impression à ce moment là qu’on est un peu ... ce n’est pas génial quoi. Vous aimeriez bien le mettre avec une bonne qualité, vous donnez une image à tout le monde et vous pouvez le faire s’il vous appartient, s’il appartient à quelqu’un qui en plus est assez renommé, il n’a pas peut être envie de faire ça. Même chose pour les droits d’auteurs pour les papiers, parce que le problème c’est : est-ce que maintenant on va donner les textes qui ont été écrits car ils ont une vraie valeur. Donc c’est l’éternel problème du Web. Est ce que le Web, l’Internet, est ce qu’il faut le donner, le faire payer, est ce qu’il faut faire comme Le Monde, faire payer l’article à la demande, est ce qu’il faut donner au contraire les articles déjà parus etc ... Donc on ne savait pas, on n’a pas eu de réponse à donner à ce problème là dans le temps qui nous était imparti. Après on n’a pas eu, on n’a pas eu l’occasion ... Vous voyez ce n’était pas évident à mettre en place en disant exactement qu’est ce qu’on veut, qu’est ce qu’on peut, qu’est ce qu’on veut faire ... avec un site Web.
- Ca vous a quand même traversé l’esprit enfin d’envisager la chose sérieusement ?
- Ah oui bien sûr sauf que ça aurait été une surcharge de boulot, on n’était pas très nombreux.
- C’était quoi la part permanent/pigistes à l’époque ?
- Permanents à la grande époque quand il y a eu le plus de gens il y a une, deux, trois, quatre, cinq, six permanents dont un qui n’était jamais là. Six permanents ça veut dire : deux directeurs artistiques, un journaliste, un rédacteur, un rédacteur adjoint, un rédacteur en chef, une secrétaire de rédac’, ce n’est pas immense. Pour des structures comme nous c’est peut être normal, mais quand tu vois la presse informatique, faut se rapprocher plus de la façon d’être, par contre si vous allez à Globe et vous regardez combien il y a de gens qui bossaient pour Globe ce n’est pas la même chose, donc on faisait un boulot qui s’apparentait plus à ce que font les magazines de société avec une équipe qui était pas en conséquence. On était enthousiasmé par ça et après est ce que en sachant que tu n’as pas le temps de le faire tout le temps est ce que c’est intéressant de mettre en place un site Web : non. Aussi une des spécificités de l’écriture, une des spécificités du Web c’est qu’il faut que ça change. C’est sans cesse en mouvement quoi.
- Vous avez d’autres choses à ajouter par rapport à cette expérience avec Univers Interactif ?
- C’est vrai que c’était marrant, c’était l’enfer, mais c’était marrant que ..., c’est quand même un sentiment d’un peu d’échec pour nous, pour moi ça oui j’étais à la base de ..., donc c’est quand même un échec que l’on n’ait pas réussi à faire marcher. On est resté un peu sans savoir pourquoi on s’est planté, on n’a jamais vraiment d’idée là dessus, un manque de visibilité générale. Les gens ne savaient pas qu’il existait je pense, déjà quand vous allez en kiosque les gens ne vous connaissent pas et les propriétaires du kiosque ne savaient pas où mettre le magazine : presse informatique ? Nous mêmes, nous les avons aidés en leur donnant d’abord des indications “ attention c’est un journal informatique ” chaque fois qu’on voyait que ça ne marchait pas forcément. Donc c’est vrai que ce n’était pas évident. Ca marchera un magazine comme cela, il y a un avenir de toute façon. Il y a toujours eu une vocation de la presse d’être curieuse, c’est une grande qualité d’Interactif c’est qu’on était vraiment curieux et comme si vous êtes curieux forcément vous vous intéressez à l’informatique, c’est là que ça bouge vraiment beaucoup. Ca va tellement vite que forcément ça titille la curiosité je pense qu’il y aura des magazines qui auront les mêmes ... mêmes ... Enfin là le problème c’est que les gens n’étaient pas équipés à partir du moment où tu maîtrises l’outil informatique c’est de savoir que ...
- Cette dimension pratique n’aurait-elle tout de même pas été en décalage avec votre vision à vous qui était quand même de réfléchir sur les aspects artistiques, etc ... ?
- Non, non, non pas forcément. Tu vois le grand public ça veut aussi dire la masse, ça veut dire aussi un conglomérat d’individualités, un aviateur sera branché sur Internet de façon courante sans que ça pose un problème. Ca va devenir une habitude, c’est long mais en fait ça va extrêmement vite mais ça se compte en année quand même. Donc d’ici quelque temps, il y aura certainement la place pour une partie de ces gens qui sont équipés, qui ne seront absolument pas intéressés par des problèmes comme configurer le lecteur du CD Rom, quelle chaîne d’initialisation envoyer à votre Modem pour que ça soit mieux, qui préféreront avoir des angles de réflexion.
- Justement, je voulais revenir à une question que j’ai oubliée : vos rapports avec votre lectorat, vous saviez qui étaient vos lecteurs ?
- C’est un peu dur, on a essayé, on a fait une enquête qui n’a pas été trop probante. On n’a pas eu suffisamment de réponses pour avoir une bonne idée : c’était essentiellement des jeunes, c’est assez dur à cataloguer parce que justement nous on devait avoir raison un peu, c’est pas une niche. C’est aussi le problème de ce type de magazine qui n’a pas eu une attaque dure, on n’avait pas comme cible une catégorie socioprofessionnelle, justement les idées sous-jacentes de notre activité montrent qu’il est de plus en plus dur de classer les gens par catégorie professionnelle parce qu’il y a plein de repères qui ne veulent plus rien dire. Par exemple, maintenant ce qui est classé pour un P.D.G. c’est de s’acheter une 2 CV et le beauf moyen va s’acheter la Porsche, comment classer ces gens là après ? Si tu essayes de classer les gens suivant leur profession, tu vas te planter complètement, donc il n’y a pas de classement établi mais là c’était un peu la même chose, on n’arrivait pas à cataloguer les gens. Ils étaient jeunes, graphistes, beaucoup graphistes musiciens alors ils appréciaient ..., une bonne partie appréciait la techno, ils avaient ce genre de points communs mais pourtant, tu vois, on n’était pas tous dans la rédaction des fans de la techno.
- Et vous quand vous faisiez un article ou quand vous choisissiez une cible pour tel ou tel thème, vous aviez quelle image de vos lecteurs, de leurs attentes avec vous ?
- Là, la curiosité en fait, la curiosité lançait des idées.
- Vous n’aviez pas une image prédéfinie, qui va vous lire, qu’est ce qu’il attend ?
- Non, non, on attendait un lecteur intelligent, on prenait pas le lecteur pour un débile, on n’a pas essayé d’aller vers la simplicité. On essayait de le faire parler, nous on le considérait comme un lecteur pas lourd. Après c’est au lecteur de juger si on avait raison ou pas. Je ne sais pas, on n’allait pas dans la simplicité car on ne voulait pas se foutre du lecteur, c’est tout, on s’adaptait. Si vous voulez, on n’a pas fait d’appel du pied, on n’a pas été vite. C’est pour cela que je disais tout à l’heure qu’on aurait pu être plus démago, on ne l’a pas été tellement.
- Ce serait une différence que vous feriez avec Netsurf où vous travaillez actuellement.
- C’est à dire ?
- Cet aspect recherche de “ cible ”, etc ... ?
- Non mais ça c’est un métier, c’est un truc assez ciblé, tu sais ce que cherche le lecteur, il cherche une information sur Internet. Il cherche à comprendre comment les choses marchent, ce qui existe, donc là on essaye effectivement de combler les attentes des lecteurs. Ce qui était effectivement moins le cas avec Interactif. Vous avez raison, à Interactif, ça n’était pas tellement ça le truc, on ne comblait pas les attentes du lecteur, on essayait d’anticiper sur, on essayait de l’animer pour s’intéresser au truc qui nous semblait intéressant, on n’essayait pas de répondre à sa demande.
- Alors que les dirigeants du groupe de presse, c’était les mêmes ?
- Oui.
- C’était Pressimage. Comment expliquer le fait que par exemple vous n’avez pas adopté la même vision de travail pour Univers Interactif et pour Netsurf ?
- C’est clair, Netsurf c’est un truc pratique et on l’a créé. Il n’y a pas eu de problèmes à la création de Netsurf, Netsurf le premier est sorti en tant que hors série de Interactif, au début c’était le numéro un, c’est l’équipe de travail d’Univers Interactif qui l’a fait. Avec, avec C. Dubuit qui est venu s’occuper spécifiquement de Netsurf mais autrement les gars de Interactif et moi j’ai participé activement à la création de Netsurf. Donc, il n’y avait pas de problèmes, on savait qu’on faisait Netsurf, on ne posait pas ... on faisait un truc pratique de façon suivie, on n’essayait pas de poser des questions, de lancer des polémiques ou de faire des trucs branchés ou essayer de faire des trucs machins ...
- Qu’est ce qui explique la différence entre Netsurf et Interactif alors qu’ils sont nés du même groupe de presse ?
- Bien, que Netsurf ressemble plus à la famille traditionnelle des magazines informatiques, c’est un marché plus simple à conquérir, une machine plus naturelle alors qu’Interactif on a essayé de se créer un marché qui n’existe pas et de voir finalement est ce qu’il y a des gens qui s’intéressent à ça. Il n’y avait pas de problème de coexistence entre les deux magazines, c’est un peu logique.