Résultats de l’enquête :

Malgré ses conditions assez peu satisfaisantes, l’enquête fournit des indications intéressantes, un certain nombre de récurrences apparaissant lors de l’analyse.

* Des acteurs sociaux non ordinaires.

Les lecteurs de la presse multimédia présentent un certain nombre de caractéristiques communes qui les différencient de l’ensemble de la population.

Presque exclusivement de sexe masculin (seulement deux femmes parmi les répondants), ils ont la plupart du temps entre 15 et 45 ans, et citent très fréquemment l’informatique ou l’Internet parmi leurs loisirs.

Leurs professions et formations sont plus variables. Toutefois, les répondants ayant un niveau d’études supérieures sont surreprésentés, tout comme ceux exerçant des fonctions à dominante intellectuelle (parfois dans les métiers de l’informatique, mais pas de façon majoritaire) ou les étudiants.

Malgré cette relative hétérogénéité des cursus, les lecteurs interrogés ont en commun de se présenter comme possédant une bonne maîtrise de l’informatique (même si ce jugement sur soi-même peut-être source de surévaluation par volonté de valorisation, ou inversement de sous-évaluation par modestie), et de pratiquer l’Internet depuis 1 ou 2 ans, souvent au travail (ou dans l’établissement de formation) comme au domicile.

En ce qui concerne les fonctionnalités de l’Internet privilégiées, le Web et le courrier électronique arrivent largement en tête, comme souvent dans les études concernant les utilisations de l’Internet, mais en compagnie de la création de pages personnelles. Signalons enfin, mais il s’agit là d’un biais du à notre mode d’interrogation, que les listes de diffusion sont évidemment mentionnés par tous les répondants qui ont été contactés par cette voie.

Ainsi, les lecteurs de la presse multimédia sont non seulement, et comme on pouvait l’imaginer, des passionnés d’informatique et plus précisément de l’Internet, mais en plus des utilisateurs très spécifiques au sein de l’ensemble des pratiquants 215 . Ce qui souligne une nouvelle fois, ici en ce qui concerne le multimédia, les particularismes du lectorat de la presse spécialisée, souvent en décalage par rapport à l’ensemble des adeptes d’une activité liée à des nouvelles technologies 216 .

* Des clivages entre les lecteurs des magazines.

Les magazines les plus spontanément cités sont Netsurf, .net, et Hachette.net. Cela n’est pas vraiment étonnant puisqu’il s’agit des publications dominant le secteur de la presse multimédia au moment de notre enquête. Pour pallier à cet artefact du à la période d’observation, nous avons également demandé aux personnes interrogées si elles avaient déjà lu d’autres revues appartenant à notre corpus, et dans ce cas, Planète Internet a bénéficié d’une forte notoriété.

Mais au-delà de ce classement des revues les plus fréquemment lues, que les statistiques de diffusion permettent d’appréhender plus précisément, il était intéressant de repérer les types de lecteurs correspondant à chacune des publications. Et c’est ainsi que quatre grands groupes de magazines se détachent, assez conformément aux modèles de la presse multimédia mis en évidence par notre recherche :

Si Planète Internet est véritablement celui qui a le plus marqué les esprits, d’autres revues de ce type reviennent de manière éparse dans les réponses, notamment Internet Reporter ou Univers Interactif.

Ces magazines présentent la particularité d’être parfois inconnus de certains lecteurs, en général ceux dont la pratique est la plus récente. Ils sont en revanche encore très présents dans la mémoire de ceux qui inversement utilisent l’Internet depuis longtemps, et notamment ceux qui ont répondu via les listes de diffusion où l’ambiance libertaire des débuts semble subsister quelque peu.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces magazines n’ont pas laissé indifférent : leurs aspects idéologiques avaient séduit ceux qui aujourd’hui regrettent leur disparition, tandis qu’à l’inverse les autres n’ont jamais compris l’intérêt de telles prises de position qui leur semblaient inutiles pour une revue spécialisée dans les nouvelles technologies.

Hachette.net surtout, mais aussi Ariane, Internet - Le Guide du Web, Netscope, sont cités par des lecteurs qui cherchent à repérer les sites les plus dignes d’intérêt à leurs yeux, avant d’aller les découvrir. Une activité de visite du réseau qui paraît dans bien des cas constituer leur pratique unique de l’Internet. Il s’agit en général de lecteurs plus jeunes que les autres et présentant un intérêt moindre pour les aspects techniques.

Notons en ce qui concerne les autres publications de la phase de maturation, que les magazines professionnels sont revenus très rarement dans les réponses, à l’exception de quelques personnes travaillant dans le secteur et qui citaient presque toujours Internet Professionnel. Ceci est sans doute du, en ce qui concerne l’observation dans les kiosques à journaux, à la disparition de ces revues lors de notre période d’observation.

Ces deux magazines reviennent le plus fréquemment dans les réponses. Leurs lecteurs ont en commun une pratique de l’Internet et une maîtrise pratique et technique à la fois plus anciennes et plus élevées que celles du reste des lecteurs.

Toutefois, au sein de ce profil homogène, certaines modalités diffèrent légèrement, et de manière assez fidèle à l’image qu’en renvoient les publications. Les lecteurs de .net sont en général moins âgés que ceux de Netsurf, et il s’agit (presque logiquement) davantage d’étudiants que de personnes déjà installées dans la vie active. Surtout, une différence intéressante entre les lecteurs des deux magazines se situe au niveau de la création de pages personnelles : les lecteurs de .net sont bien plus nombreux que ceux de Netsurf à pratiquer cette activité, marquant l’écart entre les deux revues dans leur prédilection rédactionnelle pour cet aspect.

* Eléments concernant les pratiques de lecture des magazines et de consultation des extensions électroniques :

Un certain conservatisme est repérable à ce niveau, même si une fois encore, nous soulignons que notre enquête ne peut fournir que des indications.

Tout d’abord, les lecteurs ont dans l’ensemble toujours une préférence pour les rubriques pratiques ou la présentation de nouveaux produits, même si le référencement des sites Web les plus intéressants est également avancé par un certain nombre d’entre eux. Ainsi, les habitudes de la presse informatique semblent perdurer dans la recherche d’informations sur le multimédia. La lecture de revues informatiques est d’ailleurs fréquente chez les personnes interrogées, qui signalent également parfois le recours aux suppléments spéciaux des quotidiens nationaux (Libération, Le Monde) pour s’informer sur ce thème.

Au niveau des publications électroniques, la tendance est très semblable. Certes, la mise en relation hypertextuelle enrichit les articles imprimés ou rend plus pratiques les répertoires de sites Web aux yeux de certains. Mais plus globalement, ce sont toujours les CD-Roms qui sont les plus appréciés, principalement pour leurs capacités d’économie de temps de connexion dans l’acquisition de logiciels. Notons enfin à propos des publications existant uniquement sur le Web qu’elles sont apparemment consultées par une catégorie presque exclusive des lecteurs interrogés : ceux contactés par l’intermédiaire des listes de diffusion. Ces derniers, caractérisés par une pratique très pointue de l’Internet, utilisent également le réseau pour actualiser leur information dédiée au thème du multimédia, et en particulier des sites de presse étrangers, le plus souvent francophones.

Notes
215.

ils rentreraient ainsi assez majoritairement dans la catégorie des “ accros du Net ”, loin du “ grand public ordinaire ” tant attendu sur l’Internet, cf. BOULLIER Dominique, CHARLIER Catherine, 1997, op.cit., p. 164.

216.

un dossier de Communication CB News du 8 au 14 mars 1999, s’appuyant sur une étude IPSOS, met par exemple l’accent sur les difficultés rencontrés par les revues spécialisées souhaitant s’adresser au “ grand public ” de l’informatique.