INTRODUCTION

La Chine du début du siècle évoque pour beaucoup de Français la Chine mythique de Pearl Buck ou des superproductions hollywoodiennes. C'est la Chine qui oscille entre "Vent d'est, Vent d'ouest" 1 , pays inquiétant qui entraîne dans son tourbillon les diplomates occidentaux des "55 jours de Pékin" et les marins de "la canonnière du Yang-Tsé" 2 .

C’est cette période de l'histoire de la Chine qui est la mieux connue en Europe, ou plutôt la plus souvent représentée ou décrite. La constante qui en ressort est l'image d'un pays en pleine décomposition, en perpétuelle anarchie, en proie à tous les déchirements. Tout ceci forge l'idée que le pays est impossible à comprendre, et surtout, totalement hostile à la présence des Européens. Or, malgré cette hostilité, ces "diables au long nez" sont constamment présents et, parmi eux, les missionnaires occupent une place privilégiée. En effet, dans ce monde en crise, les missionnaires sont bien présents et peuvent à tout moment devenir des héros, souvent bien malgré eux. Le cinéma ne s'y est pas trompé et la soutane peut devenir occasionnellement la tenue du héros, dans un film comme "la main gauche du seigneur" 3 .

Ce sont ces hommes, à qui la Chine donne une existence hors du commun, en les transformant parfois en héros fugitifs, qui seront au centre de notre étude. Claude Prudhomme porte une grande responsabilité dans le choix de ce sujet, et je ne peux que lui savoir gré. Alors que j'étais à la recherche d'un sujet de D.E.A., c'est lui qui m'orienta vers les archives photographiques des Oeuvres Missionnaires Pontificales. La collection concernant l'Afrique noire constituait un prolongement logique à mon travail de maîtrise. Elle s'avérait en plus d'une grande richesse. Mais, parallèlement, je découvrais la collection chinoise qui se révélait tout aussi intéressante. Dans un premier temps, nous avons envisagé une étude comparée des deux collections 4 mais, très vite, il est apparu que cela présentait un aspect très artificiel, tant les deux mondes et les expériences missionnaires étaient différents. Il a donc fallu choisir. La collection chinoise était visiblement plus riche, plus originale et le sujet avait été moins exploré. Ces éléments ont motivé la décision et, dès lors, tous nos efforts se sont portés uniquement sur la Chine.

En découvrant les photographies qu'ils avaient envoyées en France à l’Oeuvre de Propagation de la Foi, mon respect et mon intérêt pour ces hommes grandissaient. Ils étaient certes missionnaires avant tout, mais ces photographies les révélaient également explorateurs, médecins, ethnologues... etc. Leur passion, leur amour de la Chine transparaissaient sur chaque cliché. Il était évident que l'un de leurs soucis majeurs était de faire découvrir sous toutes ses facettes ce pays qu'ils aimaient et auquel ils s’attachaient, malgré les difficultés rencontrées.

Ces photographies étaient destinées à être diffusées. Il fallait donc remonter la chaîne pour étudier l'utilisation que l’O.P.F. avaitt faite des tous ces documents envoyés de Chine par les missionnaires. C'est à partir de cette démarche que nous avons élaboré notre plan, considérant que le point de départ devait être le "produit" présenté au public, avant de sonder les secrets propres aux archives des O.P.M..

Certaines des photographies furent largement diffusées par la presse catholique. L’O.P.F. produisant elle-même des périodiques, il était normal de s'orienter d'abord vers eux, et plus particulièrement vers le grand magazine illustré que furent les Missions Catholiques. La première partie de notre étude est donc consacrée aux photographies parues dans les Missions Catholiques. A partir de ce journal, nous voyons se mettre en place tous les grands thèmes que la presse missionnaire développe régulièrement et qui forgent les consciences en France, contribuant ainsi à créer ou entretenir une certaine image de la Chine.

Il convenait ensuite d'établir les liens qui unissent, de manière indéniable, les photographies publiées dans les Missions Catholiqueset le fonds des O.P.M. Concrètement, il s'agit de montrer que ce fonds constituait les archives photographiques des Missions Catholiques,une sorte de banque de données dans laquelle la rédaction puisait au gré de ses besoins. La richesse de ces archives appelle également une présentation, certes rapide, mais globale, c'est-à-dire non limitée à la seule collection chinoise. La collection chinois nous emmène aux quatre coins de la Chine, en des lieux plus ou moins connus. Afin de bien suivre les missionnaires à travers cet immense territoire, il nous a semblé indispensable d'étoffer ce travail par la réalisation d'un atlas. Ce dernier a pour vocation de permettre un bon repérage géographique, mais aussi de cartographier un certain nombre d'éléments concernant la Chine à partir de statistiques datant de 1901 et de 1923, et enfin de comparer la Chine des missionnaires et celles des géographes.

Dans la dernière partie nous ferons apparaître les thèmes et les éléments qui ne sont présents que dans les archives, c’est-à-dire tout ce qui a "échappé" aux Missions Catholiques. Concentrant notre attention sur les seules archives, nous serons ainsi amenés à présenter certains thèmes chers aux missionnaires, mais qui n'ont jamais fait l’objet d’une diffusion "grand public", pour des raisons à explorer.

Nous profitons également de cette introduction pour adresser un avertissement aux lecteurs quant à l'utilisation des deux volumes de ce travail. L'élément essentiel de cette étude est bien évidemment la collection de photographies. Il était donc indispensable de reproduire le plus grand nombre d’entre elles,; considérées comme les plus représentatives. Si, a priori, la logique voulait que ces photographies soient intégrées dans le texte, cela posait en fait trois problèmes majeurs. D'abord, le nombre de photographies reproduites étant important, la mise en page s'avérait assez compliquée, avec en plus un texte qui risquait d'être complètement "dissout" au milieu des illustrations. Ensuite, du fait des renvois multiples vers une même photographie, la lecture risquait d'être perturbée par des retours en arrière nombreux. Enfin, une telle organisation permettait mal d'intégrer les légendes et les commentaires "personnalisés" pour chacune des photographies.

Pour toutes ces raisons, nous avons choisi de présenter ce travail suivant une organisation en deux volumes complémentaires. Il faut donc les utiliser simultanément, le premier fournissant le "fil conducteur", qui guidera le lecteur parmi les photographies, en le renvoyant à celles-ci qui se trouvent dans le second volume. Il ne s'agit donc en aucun cas de considérer ce second volume comme un ensemble d'annexes, mais comme l'épine dorsale de cette étude.

Avant d'aborder pleinement l'étude de cette collection de photographies, nous consacrerons les quelques pages qui suivent à un bref rappel de la situation de la Chine depuis la fin du XIXème siècle jusqu'aux années 1940, autour des problèmes concernants la politique de la Chine, ainsi que celle du Saint-Siège en matière missionnaire.

Notes
1.

"Vent d'Est, Vent d'Ouest", qui est le premier grand roman de Pearl Buck, fut publié en 1929.

2.

"Les 55 jours de Pékin", film de Nicholas Ray. L'action se déroule durant la guerre des Boxers. "La canonnière du Yang Tsé", film de Robert Wise. L'action se déroule en 1927, autour d'une mission protestante.

3.

Certes le personnage incarné par Humphrey Bogart n'est pas un vrai prêtre, mais le héros du film n'en est pas moins le missionnaire, au sens général. Tout d'abord, si le personnage principal du film est vêtu d'une soutane, c'est qu'il l'a trouvée sur le corps d'un missionnaire tué par des brigands. Ensuite, il finit par s'identifier à la tâche que lui confère son habit.

4.

C'est sur cette base qu'a été réalisée le D.E.A.