III. ... et comparaison avec d’autres terres de missions

Il est nécessaire d'évaluer avant toute chose la place qu'occupe la Chine à l'intérieur des Missions Catholiques. Nous effectuerons cette évaluation à partir de quelques années " tests ". Nous avons cherché à couvrir au mieux l'ensemble de la période que nous étudions. Qu'elles soient riches ou pauvres en illustrations concernant la Chine, nous avons donc pris soin d'inclure les années les plus significatives, mises en évidence par le tableau ci-dessus. ³²

Tout d'abord, il faut souligner qu'il peut y avoir, d'une année à l'autre, de grandes variations du nombre total d'illustrations à l'intérieur de la revue. Pour les années qui nous ont servi de référence, nous passons de 437 illustrations pour l'année 1901, à 170 pour l'année 1927. C'est pourquoi nous ne considérerons que des pourcentages, et non des chiffres bruts.

Pour évaluer la place de la Chine, il faut confronter ce pays à d'autres ensembles géographiques. Nous avons donc comparé les séries chinoises à d'autres terres de missions, soit :

- les territoires de l'Indochine française

- l'Afrique noire

- l'Afrique du nord

- les pays scandinaves

- les dominions britanniques (Canada, Australie, Nouvelle - Zélande )

Il serait fastidieux et peu significatif de faire une comparaison point par point, et année par année, entre la Chine et ces différentes zones géographiques. Nous avons donc choisi de faire une approche globale qui, plus qu'une comparaison statistique, est une mise en évidence des importances relatives de chaque zone. Le tableau ci-dessous fournira les bases précises sur lesquelles nous nous sommes appuyés.

Nous constatons que la place réservée à la Chine est globalement inférieure à celle de l'Afrique noire ³³ . Alors qu’à la fin du XIXème siècle, dans le discours, l’engagement majoritaire du Saint-Siège, en matière de politique missionnaire, est en faveur de la Chine ³⁴ , nous nous apercevons grâce à ce tableau qu’un glissement s’opère dès le début du XXème siècle. Dans les années trente, les Missions Catholiques ne traduisent plus concrètement cette orientation à travers les illustrations qu’elles présentent à leurs lecteurs. C'est l’Afrique qui est devenue, de fait, la terre de mission par excellence ³⁵ . D'autre part, les Missions Catholiques fonctionnant grâce aux envois des missionnaires, il est logique que le plus grand nombre d'articles et d'illustrations provienne des zones où les implantations missionnaires sont les plus fortes. Le rapport entre la Chine et l'Afrique noire n'a donc en fait rien d'étonnant.

Une autre comparaison présente un caractère surprenant. La Chine est au même niveau que l'Indochine, voire d'un niveau légèrement supérieur. Certes, si nous rapportons ces évaluations à la superficie, ou à la population des zones concernées, l'importance relative de la Chine est bien inférieure à celle de l'Indochine. Cependant, comme nous l'avons déjà signalé précédemment à propos des cartes publiées par les Missions Catholiques, les données géographiques sont pratiquement absentes de ce journal. Des notions telles que la superficie, ou la densité d'un territoire, n'apparaissent jamais clairement. C'est "l'atome" que représente une mission, ou une chrétienté qui est le centre d'intérêt. Donc, nous pouvons dire qu'à l'échelle des Missions Catholiques, la Chine, et surtout les communautés chrétiennes de Chine, sont présentées comme ayant un dynamisme de conversion comparable à celui de l'Indochine ³⁶ . Cependant, nous pouvons également interpréter cette parité de la manière suivante. Le nombre de photographies publiées par les Missions Catholiques ne valorise pas particulièrement la Chine par rapport à l'Indochine alors que l'évangélisation de la Chine est une priorité pour Rome.

Il est d'autre part intéressant de constater que le fait colonial, qui se porte sur l'Indochine, accentué par la présence d'une communauté française importante sur place ³⁷ et l'existence d’un mythe indochinois, n'arrive pas à marginaliser la Chine. Une comparaison systématique avec les autres zones confirme définitivement l'importance de la Chine au sein des Missions Catholiques, celle-ci étant renforcée par la régularité de la publication des photographies nous la présentant. L'Afrique du nord est peu représentée. Les ensembles moins exotiques que sont les dominions, ou la Scandinavie, n'ont qu'une importance ponctuelle.

En fin de compte, si la Chine n’est pas le principal centre d'intérêt, nous pouvons dire qu'elle fait partie des « valeurs sûres » des Missions Catholiques. Il n'est pas une année où ne figurent plusieurs articles, largement illustrés, sur ce pays et, durant les périodes de grand intérêt, plus d'un quart des photographies des Missions Catholiques proviennent de l'Empire du Milieu. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l’utilisation de l'iconographie par les Missions Catholiques a tendance à minimiser l'importance géographique et humaine d'une région au profit des petites entités que sont les chrétientés, contribuant ainsi à sous estimer l’importance tâche.

Malgré ces réserves, il apparaît que la Chine, au coeur des préoccupations missionnaires romaines durant la première moitié du XXème siècle, est en toute logique un des pays que la lecture des Missions Catholiques permet de découvrir très régulièrement.