3) Le « désintérêt » face à une Chine « incompréhensible »

La période des "Seigneurs de la guerre" amorce la désaffection des Missions Catholiques pour la Chine. Sans doute, peu de personnes, y compris parmi les missionnaires stationnés en Chine, ne comprennent la situation. Les références à la République sont alors aussi rares que surprenantes. Ainsi, en 1920, les lecteurs peuvent-ils entonner "l'hymne national de la République", la musique, la "traduction française et la transcription phonétique" leur étant fournies (Document 67). En 1925, au détour de la légende d'une photographie somme toute anodine, la dernière manifestation de nostalgie pour l'Empire se révèle : " que la République était belle .... sous l'Empire ! " (Document 68). Entre ces deux dates, les références à la situation politique se limitent à la présentation de militaires : " deux soldats et leur chef au Kouang-tong " (Document 69). L'insécurité qui ressort de ces rivalités entre bandes est bien résumée par la légende suivante : " pirates ou soldats, suivant l'occasion " (Document 70). La Guerre civile est vécue en première ligne par les missionnaires, mais leurs lettres ne permettent guère de comprendre la situation. Dans le numéro du 16 octobre 1930, nous apprenons la destruction de la cathédrale de Nanning. La lettre du R. P. Costenoble relate le bombardement qui a détruit des habitations, causé de nombreuses victimes et endommagé la cathédrale. Trois photographies, uniquement des ruines de la cathédrale, illustrent cet article. Cependant, la situation à Nanning est incompréhensible pour le lecteur, puisqu'on lui parle de la ville, "occupée et défendue par l'armée kwangsinaise", assiégée par "l'armée yunnanaise", et bombardée par "l'aviation cantonnaise" ! 49 La "décennie de Nankin" ne suscite pas un grand intérêt. Le journal signale simplement, et très occasionnellement quelques troubles, comme ceux qui entraînent cette " fuite devant des bandits " (Document 71).

La marque de ce relatif désintérêt pour la Chine est plus surprenante lorsque nous abordons le sacre des évêques chinois (Documents 72). Certes, cet événement est relaté dans les Missions Catholiques, mais il ne provoque pas un nouvel élan pour la Chine. Durant l'année 1926, nous trouvons très peu de reportages sur la Chine, si ce n'est ceux sur le sacre, seul sujet " porteur " en cette année. 50 Le phénomène se poursuit l'année suivante, puisque 1927 marque le moment du plus faible intérêt. Les Missions Catholiques publient seulement 12 photographies, c'est-à-dire que la Chine ne représente, en cette année, que 7 % de l'iconographie du journal. 51

Dès 1932, l'intervention japonaise en Mandchourie, puis l'annexion de fait sont "entérinées" par les Missions Catholiques qui séparent dans leur index cette région du reste de la Chine. Le terme de Mandchoukouo apparaît, quant à lui, en 1934. Dans les deux cas, il n'y a dans le journal aucune photographie faisant référence à l'occupation japonaise. Il faut attendre 1935 pour supposer qu'il y a des combats sur le territoire chinois, par cette photographie où nous voyons des "soldats soignés au dispensaire" (Document 73). Encore sommes-nous dans le domaine de l'extrapolation, puisque rien n'indique, ni par la photographie, ni par la légende, que ces soldats aient été blessés au combat. Il est même possible que ces soldats ne soient que des patients ordinaires de ce dispensaire, qui est tenu par les Franciscaines missionnaires de Marie, à qui est consacré l'article.

Notes
49.

Missions Catholiques : 1930 pages 471 à 474. R. P. Costenoble. Voir documents 305 à 307.

50.

cf . graphique page 31. Il est à remarquer que sur les 22 photographies concernant la Chine en 1926, 8 proviennent de Rome où se déroula la cérémonie du sacre des évêques chinois.

51.

Voir graphique page 31 et tableau page 35.