1) Quelques grands centres de chrétientés : Ichang, Ningpo, etc.

Ichang se situe dans la province du Hupeh 62 . Le Hupeh fait partie des provinces fortement représentées dans les archives des O.P.M.. Les chrétientés y sont en assez grand nombre. Avec un ensemble de plus de 34.000 catholiques au début du vingtième siècle, et plus de 100.000 en 1923 63 , nous nous trouvons face à l'une des premières provinces quant au nombre des croyants, même si, comme partout, ils ne représentent en fait qu'une infime minorité de la population 64 .

L'importance d'Ichang s'explique par la présence d'un séminaire autour duquel se développent tous les organismes d'enseignement, avec leurs pensionnaires, depuis l'orphelinat (Document 78) jusqu'au séminaire (Document 79), des écoliers (Document 80) aux petits séminaristes (Document 81). La reconstitution du "drame des martyrs de Tchou-ka-ho" (Document 82) ne fait que souligner la vigueur et la ferveur de la communauté. Et, si un "doyen" (Document 83) nous assure de l'ancienneté du catholicisme en ces lieux, une famille (Document 84) en symbolise l'avenir.

Ichang, avec sa cathédrale (Document 85), incarne le modèle du développement du catholicisme. Les Missions catholiques nous entraînent peu en dehors de la communauté, si ce n'est pour nous faire part des conséquences d'une inondation (Document 86), ce type de catastrophe étant très fréquent et maintes fois rapporté comme nous le développerons plus tard.

Le même schéma se retrouve sensiblement pour Sienhsien. Cette petite ville tire son importance, dans le cadre qui nous intéresse, de la présence d'une cathédrale et de l'ensemble des installations qui l'accompagnent. Les illustrations, pour Ningpo et Swatow, relèvent du même modèle, bien que nous soyons confrontés cette fois à des villes de plus grande importance 65 . Ningpo se situe dans le Chekiang 66 et Swatow dans le Kwangtung 67 . Dans ces deux villes, nous retrouvons séminaire, église, familles chrétiennes, etc ... Cet ensemble est enrichi, dans une série de Swatow, par des photographies représentant des groupes de scouts (Document 87).

A partir du début des années 30, la guerre civile perturbe de nouveau l’existence des missions. Le ton change dans les Missions Catholiques. Nous sortons dès lors du cadre de la vie quotidienne des chrétientés. Une série de 1930 nous montre les conséquences du "passage des communistes" dans le "village catholique de Wang-Leang", dans la région de Swatow (Document 88). Ce ne sont pas là les premiers documents attestant de l'hostilité des communistes envers les missions. Déjà, en décembre 1927, les missionnaires avaient été les témoins d'une insurrection "rouge" à Canton. Cependant, la situation était alors très différente, et, l'article qui en résultait dans Missions Catholiques le 16 février 1928, intitulé « au lendemain du 13 décembre », nous faisait découvrir, certes, quelques dégâts matériels, mais surtout, des cadavres de communistes, preuve absolue de leur échec. Mais en 1930, dans le vicariat de Swatow, les conséquences sont, cette fois, tragiques. A plusieurs reprises, les "bolchevistes, qui pullulent non loin de là" 68 , ont agressé des chrétientés. Le village de Wang-Leang a été complètement détruit, comme nous le montrent les photographies (Document 89). Tout cela est confirmé par un article : "le feu fut allumé et rallumé jusqu'à ce que le village entier eût été consumé. Pas une maison qui n'ait été détruite." 69 Ce texte, qui nous est transmis par monseigneur Rayssac, vicaire apostolique de Swatow, est d'une grande intensité émotionnelle puisque c'est un prêtre chinois, le père Jean Ly, qui l'a écrit. Celui-ci a recueilli dans sa résidence de nombreux réfugiés que nous découvrons autour de lui (Document 90). Les récits de ces réfugiés nous replongent dans la vieille tradition des horreurs qui se perpétuent en Chine. "Quatre chrétiens ont été tués ; l'un d'eux, en représailles des pertes subies par les bolchevistes eut la tête tranchée par la hache, et le coeur et le foie arrachés." 70 Même si la culpabilité des bolchevistes est bien affirmée, de tels récits ne peuvent que renforcer l'imaginaire collectif européen qui, surtout depuis la révolte des Boxers, conçoit avant tout la Chine comme le pays des cruautés les plus extrêmes. Les missionnaires se trouvent ainsi jetés dans la tourmente politique de la Chine, et ne peuvent plus afficher face aux événements la neutralité qui semblait de mise jusqu'à présent.

Notes
62.

Voir cartes page 168.

63.

Pour l'évaluation en 1901, se reporter au tableau reproduit par Claude Prudhomme dans sa thèse : Stratégies missionnaires du Saint Siège sous le pontificat de Léon XIII : centralisation romaine et défis culturels , page 430.

Pour 1923, les chiffres proviennent du livre de Bernard Arens : Manuel des Missions Catholiques, tableau 32 page 46 de l' appendice.

64.

Voir cartes pages 214 et 218 à 220.

65.

Swatow et Ningpo, sont, en 1926, des villes de plus de 100.000 habitants. Cette évaluation a été effectuée à partir de la carte page 170, tome IX, de la "géographie universelle" de P. Vidal de la Blache.

66.

Voir cartes page 152.

67.

Voir cartes page 180.

68.

Missions Catholiques : 1930 page 516, R.P. Jean Ly.

69.

Ibid.

70.

Ibid.