5) Les missions, foyers d'action sociale

Parmi tous les malheurs qui frappent la Chine, celui auquel les missionnaires sont le plus confrontés est la maladie. C' est en effet dans l'oeuvre médicale que le rôle des missions trouve sa plénitude, d'où le nombre important d'hôpitaux. En 1923, il y en a 95 sur le territoire chinois, et, il faut adjoindre quelques 321 orphelinats. 103 Cependant, peu d'établissements se retrouvent sous les "feux de la rampe". Une vingtaine seulement apparaissent dans les Missions Catholiques. Parmi ceux-ci, l'hôpital Saint-Joseph et l'orphelinat de Ningpo, la léproserie de Sheklung à Canton et l'orphelinat de Canton font office d'établissements vedettes 104 . Les Missions Catholiques ne cherchent pas à informer réellement sur la situation sanitaire de la Chine. Les légendes des photographies sont assez laconiques. Nous apprenons peu de choses en voyant les religieuses de l'Immaculée Conception qui soignent les enfants (Document 169), ou les malades de la mission de Kouiyang (Document 170).

Cependant, trois spécialités se dégagent très nettement, la liste ci-dessus des établissements nous permettant de les deviner facilement. Il s'agit des soins aux lépreux, de la prise en charge des orphelins, et de celle des vieillards : rien de très original somme toute. Pour ce type d'oeuvres les missions "s'inspirent de celles qui sont en honneur dans l'Eglise d'Europe au XIXème siècle. A une époque où la sécurité sociale n'existe pas, une foule de congrégations, surtout féminines, consacrent leurs forces à la prise en charge des malades, des orphelins, des vieillards, des infirmes et des mourants. Pour favoriser la conversion des Chinois, la Propagande encourage toutes les oeuvres dans les instructions de 1883. Il est vrai qu'en Chine, comme le souligne Claude Soetens, la situation des classes défavorisées apparaît, aux yeux des missionnaires, encore plus lamentable qu'en Europe." 105

Les vieillards, qui ont trouvé refuge dans les missions, apparaissent régulièrement dans les pages des Missions catholiques. Quels que soient les lieux : hospices (Documents 171 à 173), maison de la miséricorde de Cheng-ting-fou (Document 174), ou hôpital (Document 175), ce type de représentations ne varie guère.

Une attention plus particulière est portée aux orphelins. "Ces enfants sont baptisés à leur arrivée, puis élevés dans la Foi chrétienne et formés soit aux travaux ménagers, soit dans divers métiers." 106 Ainsi, après avoir vu les religieuses élever ces enfants (Documents 176 et 177), nous retrouvons les petits orphelins apprenant un métier (Document 178).

Parmi tous les orphelinats, une place particulière est donnée à celui dont s'occupe Soeur Gilbert, au sein de l'hôpital Saint-Joseph de Ningpo (Documents 179 et 180). Lorsqu'elle est décorée de la légion d'honneur en 1925 (Document 181), cet événement connaît un grand retentissement bien au delà de notre revue puisque L'Illustration s'en fait l'écho. 107 Nous avons par là, la preuve de la grande sensibilité du public français face au dévouement missionnaire dans les terres lointaines d'Extrême-Orient. Cette sensibilité va donc bien au-delà des milieux catholiques militants, s'il est possible de qualifier ainsi les lecteurs de Missions Catholiques.

L'élément le plus symbolique de ce dévouement est sans aucun doute la prise en charge des lépreux. La léproserie de l'île de Sheklung, à Canton, (Document 182) est donc présentée en de multiples occasions. Elle fut créée à "l'initiative d'un prêtre belge, l'abbé Conrardy, ... avec l'appui des Missions étrangères à Canton et celui du gouvernement chinois ... en 1908. Cinq ans plus tard, l'établissement comptait 700 malades ; il fut pris en charge par les soeurs de l'Immaculée conception de Montréal. " 108 Ce sont donc ces religieuses que nous avons rencontrées dans les reportages entre 1924 et 1934. Elles assurent, bien évidemment, les soins aux malades (Documents 183 et 184), mais, c'est surtout le quotidien (Documents 185 et 186) et la formation à des activités professionnelles (Document 187) qui occupent une grande part de leur temps. Il y a dans cette léproserie, une atmosphère de Rédemption pour les missionnaires, mais aussi et surtout pour les lépreux, et derrièreeux, pour tous les Chinois. L'entrée à l'hospice est un acte volontaire (Document 188). La vie religieuse y est intense (Document 189) et entretient une certaine joie de vivre (Document 190). Enfin, l'élément le plus important provient de ce que ce sont des Chinoises, elles-mêmes lépreuses, qui assurent en partie le fonctionnement de l'établissement (Document 191) .

A coté de la lèpre, une seule autre maladie est nommément désignée : la peste. Lors de l'épidémie de 1911, les clichés consacrés aux ravages que provoque la maladie (Documents 192 et 193) et ceux qui valorisent l'héroïsme des missionnaires (Documents 194) trouvent une place égale. Il est surprenant de retrouver ces mêmes vues dans les colonnes de L'Illustration, certes pour une nouvelle vague de peste dans le Tchéfou, mais en 1925 ! 109 Les Missions Catholiques ne parlent paradoxalement pas de cette dernière épidémie.

En dehors des catastrophes en tout genre, durant lesquelles les hôpitaux sont des refuges naturels pour les populations, nous nous apercevons que les établissements médicaux, tels qu'ils nous sont présentés par les Missions Catholiques, s'ouvrent très peu sur la société chinoise. Cependant, nous pouvons imaginer que leur action est assez large, par le biais de certaines scènes, telle celle-ci où nous voyons des soldats soignés au dispensaire de Chefoo (Document 73), ou cette autre nous faisant découvrir une religieuse qui soigne les plaies d'un bonze (Document 195).

Notes
103.

Bernard Arens : Manuel des Missions Catholiques. Tableau 32, en appendice.

104.

Par ordre d' importance, les établissements qui figurent dans Missions catholiques sont les suivants : l'orphelinat et l' hôpital Saint-Joseph de Ningpo

la léproserie de Sheklung à Canton

l'orphelinat de Canton

l'hospice de Shanghaï

l'hospice de Cheng ting fou

l'hôpital de Sian fou

l'hôpital de Tchentou

l'hôpital de Kioukiang

l'hôpital de Chefou

l'orphelinat de Zi ka wei

l'orphelinat de Lao ho kou

l'orphelinat de Tchao tchéou

l'orphelinat de Kouiyang

l'orphelinat de Chengtu

105.

Claude Soetens : L' Eglise en Chine , cours dactylographié, pages 68-69.

106.

Ibid. page 72.

107.

L' Illustration : 27 juin 1925 page 653 ( tome I année 1925 ).

108.

Claude Soetens : L' Eglise en Chine , page 74.

109.

L' Illustration : 28 novembre 1925 page 572 ( tome II année 1925 ).