6) Les missions face aux « religions » chinoises

A ce propos, nous devons signaler que les photographies s'intéressant aux religions asiatiques sont assez peu nombreuses. 110 Outre lors des reportages sur le Thibet que nous avons déjà présentés, nous voyons surgir des pages des Missions catholiques des Lamas, et quelques Bonzes (Documents 7, 196 et 197). Pour l'un d'entre eux, la légende précise qu'il est d'obédience taoïste (Document 198).

La même ambiguïté existe si l'on considère les monuments. La distinction entre les bonzeries (Documents 199 et 200) et les lamaseries (Document 201) n'est pas évidente. Les légendes ne signalent jamais que tout ce qui a trait au Lamaïsme se limite au Thibet et à la Mongolie.

Parallèlement à cela, les pagodes, relativement nombreuses (Documents 34, 202 et 203) côtoient : un temple païen (Document 204) ; un temple de Confucius (Document 205) ; un temple du Ciel (Document 206) et des temples bouddhistes (Documents 207 et 208). Dans cet ensemble, les quelques statues de Bouddha que nous rencontrons, soit au hasard des tournées missionnaires (Documents 209 et 210), soit au coeur d'une grande ville (Documents 211 et 212), nous apparaissent comme de simples éléments n'ayant d'intérêt que touristique, tout comme cette déesse (Document 213).

En fin de compte, nous ne disposons que de peu d'informations pour comprendre et connaître les religions locales qui gardent l'essentiel de leurs secrets, tout comme ces mystérieux moulins à prière (Document 214). Et, à moins d'avoir des notions de chinois ou de sanscrit, l'image de ce lama, avec les textes de sa prière, ne nous éclaire pas beaucoup (Document 215). Ces religions sont donc avant tout des concurrentes qui sont, même en considérant les articles déjà cités sur le Lamaïsme, globalement marginalisées. Il n'y a que le Thibet et la Mongolie qui, avec le Lamaïsme, ont une vie religieuse. Le reste de la Chine, ou, pour être plus précis, la Chine traditionnelle, est à l'écart de toute vie spirituelle. Taoïsme et Confucianisme sont à peine évoqués.

La rivalité religieuse tourne parfois en la faveur des missionnaires : ce " petit lama de la Trappe de Pékin " (Document 216) en est la preuve. Mais selon toute vraisemblance, il est un cas exceptionnel, entre 1900 et 1940, puisqu'il est le seul cité. Sa conversion est racontée comme un conte de fée : "quelle merveilleuse histoire que celle de ce petit lama tiré des plus profondes ténèbres du paganisme et acheminé par de providentielles étapes jusqu'à la sublime vocation du cloître !... La grâce opère parfois de merveilleuses conquêtes." 111 Par cette histoire, il y a bien sûr une occasion idéale de critiquer une nouvelle fois la valeur spirituelle du lamaïsme. Eurepara (c'est là le nom du jeune mongol) fut élevé par son père dans la vénération de la fameuse lamaserie du Hou-tai-chan, situé dans la province du Chen-si que ce dernier avait visité lors d'un pèlerinage. Voulant s'y rendre, mais rebuté par la distance qui le sépare de ce lieu, il s'essaye "d'abord dans la lamaserie voisine... A 14 ans, il y fut reçu à titre de chabi ( novice )... Après quelques semaines de séjour... il s'aperçoit que la vie n'était pas ce qu'il avait rêvé. Scandalisé de la conduite des prétendus sages du Bouddhisme, il les quitta furtivement". 112 Rêvant toujours autour des récits paternels, il part en quête de cette lamaserie mythique. Il fait alors une deuxième expérience à proximité de Pékin où existe, aux portes de la ville, "une lamaserie mongole gouvernée par un tout puissant Bouddha, en chair et en os, ayant droit de vie et de mort sur ses subordonnés. A bout de force, n'osant plus espérer d'atteindre le Hou-tai-chan, notre petit aspirant lama obtient d'y faire un noviciat. Mais là, il ne tarde pas à éprouver le même dégoût qu'au Regem-soumet, et après deux mois, il prend la fuite." 113 Il est inutile d'insister sur certains mots, ou certaines tournures qui, de manière évidente, visent à discréditer la moralité et la spiritualité des différents lieux.

Reprenant son périple, il découvre " une lamaserie d'un genre spécial , qui attise sa curiosité : c'est l'église gothique de la Trappe de Notre Dame de la Consolation. Il a alors à peine 16 ans, et, la Grâce en plus, trouve en ce lieu tout ce qui l'avait attiré dans les récits de son père. Il se mit donc avec ardeur et intelligence à étudier le catéchisme... On ne le vit plus que le rosaire à la main, récitant jusqu'à 20 chapelets par jour - Quelle différence, disait-il, avec les Omani Patmakoun que mécaniquement bredouillent les lamas -... Il fut ensuite admis en communauté à titre d'oblat, en attendant que s'ouvre devant lui le noviciat et enfin, s'il plaît à Dieu, la profession religieuse. " 114

Après cette originale démonstration sur les possibilités de conversion des " pauvres païens de bonne foi ", les trappistes de Pékin lancent un appel pour obtenir une aide financière. " Pourquoi faut-il que cette oasis de la Trappe soit souvent, faute de bâtiments suffisants et de ressources, obligée de refuser les nombreux postulants qui s'y présentent ? " 115

Notes
110.

Voir deuxième partie, chapitre II.

111.

Missions Catholiques 1911 page 162.

112.

Ibid.

113.

Ibid.

114.

Missions Catholiques 1911 page 164.

115.

Ibid.