7) Vision touristique de la Chine à travers ses monuments

La connaissance de la Chine s'acquiert également par la découverte de ses monuments. Mais, là encore, notre champ de vision est limité. Il n'est pas surprenant de trouver, parmi les édifices qui reviennent le plus souvent, la Grande Muraille (Documents 217 à 221) qui fascine toujours l'occident, et fait office de symbole de la civilisation chinoise avec les Palais Impériaux. Ces derniers permettent en plus de suivre l'évolution politique de la Chine. Jusqu'à la Révolution, ils ont incarné la stabilité et la réalité du pouvoir politique (Documents 222 à 225) et militaire (Document 226) de l'Empereur. Les origines mandchoues de la dynastie sont rappelées par une incursion dans le palais de Moukden (Document 227).

Dès 1913, les bâtiments impériaux ne sont plus que des lieux qui entretiennent artificiellement la survivance du pouvoir déchu (Documents 228 à 230). Toutes ces photographies sont à mettre en parallèle, en cette même année, à la présentation du Palais du Sénat Républicain à Nankin (Document 231). La Chine impériale a vécu et, en 1915, c' est le Palais Présidentiel qui a les honneurs (Document 232). La Chine impériale incarne donc maintenant une civilisation éteinte, qui ne suscite plus que la nostalgie, et que nous redécouvrons par hasard, au détour d'une visite dans ce qui est définitivement en 1931 le palais présidentiel (Documents 102, 233 et 234).

Les autres types de monuments nous sont également présentés de la manière la plus aléatoire. Les caractéristiques de l'architecture chinoise ne sont jamais expliquées. Aucun article ne fait de cet élément son point central, qu'il s'agisse des formes architecturales en général, ou d'un monument particulier. Les découvertes se font donc, à l'instar des paysages, au hasard des promenades et des tournées missionnaires. Comme nous l'avons déjà dit à propos des grandes villes, le caractère touristique, dans cette approche de la civilisation chinoise, est donc largement dominant. La puissance de l'Empire, qu'incarnait déjà la Grande Muraille, est affirmée aussi bien par les murs d'enceinte des grandes cités (Documents 29 et 235) que par l'arc de triomphe d'Ichang (Document 236).

Développant un aspect plus pacifique, moulins (Documents 237 et 238) et ponts (Document 239) côtoient les sempiternelles tours (Documents 39, 240 et 241). Il y a aussi cet insolite monument des Veuves (Document 242), destiné à glorifier la mémoire des veuves vertueuses, qui sont restées fidèles à leur défunt mari en ne se remariant pas.

En fin de compte, nous faisons assez rapidement le tour de la civilisation chinoise, et, comme nous pouvions nous y attendre, ce sont les éléments concernant la Foi chrétienne qui occupent une place dominante 116 . En comparant cette situation avec ce qui est décrit dans les « lettres édifiantes et curieuses » du XVIIIème siècle, peut-on dire que les monuments chinois ont perdu de leur pouvoir de fascination ? Pour les missionnaires, sans doute pas, mais il est évident que les Missions Catholiques opèrent un repli sur la mission. Cela s’explique simplement parce que l’objectif principal de la revue n’est pas de faire découvrir à ses lecteurs la civilisation chinoise mais de leur faire mesurer les progrès du Christianisme. En cela, et tout à fait inconsciemment, les Missions Catholiques répondent à une certaine aspiration à la modernité présente chez les nouvelles élites chinoises qui veulent s’émanciper d’un passé trop lourd.

Notes
116.

Voir deuxième partie, chapitre II.