3) Images et représentations des missionnaires

Il nous reste maintenant à cerner ces hommes que nous voyons figurer sur les photographies des Missions Catholiques. 126 Ce sont des hommes qui, comme c' est le cas depuis la fin du XVIème siècle, ont la volonté de se fondre dans la société chinoise. "Les premiers missionnaires jésuites avaient pris comme au Japon le nom et les apparences des bonzes bouddhiques, espérant ainsi avoir plus de facilité pour pénétrer en Chine et convertir les Chinois. Mais ils furent surpris de voir que les prêtres n'avaient pas dans ce pays autant d'autorité ni de prestige qu'ils n'en avaient en Europe. Ils demandèrent donc à troquer pour la robe des lettrés le froc des moines bouddhistes avec lesquels on les avait jusqu'alors plus ou moins confondus, les considérant comme une nouvelle espèce de bonzes. Ricci s'initia aux classiques et il apparut pour la première fois en mai 1595, douze ans après son arrivée à Zhaoqing, en costume de lettré. Il avait compris qu'il lui fallait se présenter non en religieux mais en laïc et en "lettré d'occident" s'il voulait être bien accueilli dans la haute société chinoise. Ricci aurait souhaité abandonner plus tôt le froc des bonzes, mais il dut attendre l'autorisation de la hiérarchie. Cependant, dès l'automne de 1592, il décida de ne plus porter le nom de bonze. Un an plus tard, son compagnon Lazzaro Cattaneo demanda à Valignano, visiteur du Japon et de la Chine, l'autorisation pour les missionnaires de porter la barbe et les cheveux longs et de revêtir pour les visites officielles la robe de soie des lettrés. Ce n'est qu'en 1594 que cette autorisation fut accordée et qu'en 1595 que Ricci en profita pour la première fois " 127 . Les missionnaires nous apparaissent donc vêtus de costume traditionnel chinois . Il est significatif de remarquer que la première gravure représentant un missionnaire en Chine , qui fut publiée par les Missions Catholiques, nous montrait M. Mihières, supérieur de la mission du Kouang-si , habillé à la chinoise (Document 2). M. Régis Gervaix, l'un des principaux " correspondants " en Chine des Missions Catholiques, nous est également présenté sous ces traits (Document 262). Hiérarchie oblige, c'est dans le costume d'un mandarin que nous découvrons Mgr Lavest, préfet apostolique du Kouang-si (Document 263).

Ces particularités vestimentaires étant précisées, nous pouvons maintenant suivre nos missionnaires dans leurs activités quotidiennes. Leur tâche principale est, bien sûr, de s'occuper du bon fonctionnement de la mission. A ce propos, nous avons déjà évoqué l'importance de la tournée missionnaire, et les aspects folkloriques qu'elle peut revêtir. L'un des rôles le mieux mis en valeur est l'enseignement, religieux le plus souvent. Nous voyons ainsi M. Gervaix, en cours avec ses élèves de français (Document 264). Ce sont des élèves d'un autre genre que nous avions découvert "au tableau noir", sur d'autres photographies en 1911 (Document 265). Dans un contexte où la volonté est de convertir et surtout d'assurer l'avenir du Christianisme en Extrême-Orient, le catéchisme ne peut qu'être un élément primordial (Document 266). Et, avec le catéchisme, c'est une étape obligée que d'être enfants de choeurs (Document 267). Dans ces tâches, les membres de la communauté apportent une aide non négligeable aux missionnaires. Ils assurent les tâches d'entretiens (Document 268) mais, surtout, ils assistent, dans leurs fonctions spirituelles, les missionnaires, trop peu nombreux pour l'ampleur du travail. Il est à peu près sûr, qu'à l'image de ce groupe (Document 269), chaque chrétienté avait son équipe de catéchumènes. L'enseignement, pour les missionnaires, se poursuit à plus haut niveau, l'aboutissement étant la formation des jeunes Chinois dans les grands séminaires (Documents 270 et 271). Or, ces grands séminaires conduisent à nous interroger sur le clergé indigène. Sa formation fut l'une des questions les plus importantes pour le développement du Christianisme en Chine. Nous connaissons le rôle capital que le père Vincent Lebbeprit dans ce débat. Il n'est pas question de développer dans ces pages une question qui a déjà été largement traitée et débattue. Nous nous contenterons de rappeler les principaux aspects, en empruntant largement à la synthèse faite par Claude Soetens. 128

Notes
126.

Pour quelques uns des missionnaires, il est possible de se reporter à l'annexe n° 1 où nous présentons de courtes biographies de ces personnages.

127.

Jacques Gernet : Chine et Christianisme : action et réaction , page 27.

128.

Claude Soetens : L' Eglise en Chine , cours dactylographié.