II. Première approche, classification des photographies, et mise en evidence des rapports entre les Missions catholiques et les archives

La sélection des différentes photographies, afin d'établir une première approche pour l’étude de la collection chinoise, s'est faite au hasard, sans aucun critère particulier pour opérer le choix.

Le premier ensemble ainsi formé représentait un échantillon d'environ 770 documents, soit 30 % de la collection. Son étude a permis de classer les photographies en plusieurs rubriques, elles-mêmes subdivisées. Nous avions ainsi à notre disposition les éléments de base d'une classification, qui servit de cadre général à notre travail.

Les différentes catégories que nous avons ainsi définies sont donc les suivantes :

- Nous avons d'abord individualisé toutes les représentations de "monuments". A l'intérieur de ce groupe, nous distinguons les monuments chinois, de ceux d'inspiration occidentale, en soulignant dans les deux cas s'il s'agit de bâtiments à vocation laïque ou religieuse.

- Sous la rubrique "paysages" , nous faisons la distinction entre les panoramas de ville, de village, et les plans présentant des campagnes ou de "terres vierges" (c'est-à-dire, les terres apparemment vierges d'installation, ou d'aménagement humain.).

- Une rubrique spéciale est consacrée aux photographies présentant les conséquences des multiples "catastrophes naturelles" qui s'abattent régulièrement sur la Chine, telles les inondations ou les tremblements de terres.

- La "présence d'un Chinois" sur une photographie est évidemment un élément capital à souligner. Dans un premier ensemble, nous avons placé tous les Chinois, qui ne sont pas chrétiens, ou qui n'apparaissent pas clairement comme évoluant dans la mouvance des missionnaires. La distinction est faite entre les anonymes, les personnalités officielles telles les personnalités politiques, les mandarins ou les hauts fonctionnaires, et les personnages religieux, tels les Bonzes. Nous avons associé à ce dernier ensemble toutes les scènes à caractère religieux, même si la présence d'un "responsable" n'est pas visible.

- Nous avons mis en évidence l'ensemble des photographies où des "chrétiens" apparaissent. Nous avons donné au terme de chrétiens un sens assez large. Il était donc nécessaire de faire ensuite la distinction entre les missionnaires, les membres du clergé indigène, les Chinois convertis (élément qui englobe tous les Chinois expressément désignés comme étant chrétiens, ainsi qui les orphelins des missions), et tous ceux qui sont dans la mouvance des missions, sans que leur conversion à la Foi chrétienne soit certaine (dans la plupart des cas, il n'y a d'ailleurs pas de conversion), ce qui est le cas des nombreux malades, lépreux, vieillards des hospices, et, plus accessoirement, des étudiants des universités et instituts supérieurs qui dépendent des missionnaires. 180

Avant d’utiliser les résultats issus du premier échantillon, il fallait en vérifier la fiabilité. Nous avons donc décidé de prendre un ensemble de photographies plus étendu, choisi cette fois non plus au hasard, mais suivant des critères géographiques, en fonction des modalités suivantes.

Le premier échantillon se répartit sur seulement 15 des 141 sites répertoriés dans les archives, et sur 11 des 25 régions de notre étude (Il faut rappeler que le Thibet et le Sinkiang ne sont pas présents dans les archives des O.P.M.).

Le nouvel échantillon sera donc construit ainsi : -chaque région doit être représentée par au moins un site.

-tous les sites « périphériques », c’est-à-dire isolés des autres, qui correspondent aux pénétrations les plus à l’intérieur des terres de la part des missionnaires seront tous pris en compte (c’est en ces lieux que nous avons le plus de chance de trouver des photographies originales et de limiter les poncifs, plus présents dans les collections issues des grandes villes).

Le nouvel échantillon ainsi créé (770 photographies initiales plus les nouveaux éléments) se présente de la façon suivante :

-Il regroupe 45 sites 181 .

-Il prend en compte près de 1 200 photographies, soit 50 % de la collection.

Les résultats obtenus confirment ceux du premier échantillon, puisque aucune différence majeure n’apparaît 182 .

-Monuments chinois à caractère religieux : 3,9 %

-Monuments chinois non religieux : 5,7 %

-Monuments occidentaux religieux (églises, séminaires, etc.) : 13,9 %

-Monuments occidentaux non religieux : 2,4 %

-Villes : 5,0 %

-Villages : 0,6 %

-Campagnes : 4,1 %

-Terres vierges et grands espaces : 1,5 %

-Catastrophes naturelles : 0,8 %

-Chinois (non identifiés chrétiens) : 18,2 %

-Personnalités officielles chinoises : 1,9 %

-Religieux chinois (Bonzes, etc.) : 2,1 %

-Missionnaires : 18,2 %

-Clergé indigène : 8,4 %

-Chinois convertis : 21,5 %

-Chinois dans la mouvance des missions (malades, vieillards, etc.) : 3,2 %

-Photographies à connotation politique (y compris guerre) : 11,5 %

-Photographies prises en studio : 2,0 %

Il faut enfin établir formellement le lien entre les Missions Catholiques et les archives des O.P.M. Cela ne va pas sans poser quelques problèmes. Les illustrations des Missions Catholiques sont classées par thèmes, avec des indications géographiques souvent difficiles à utiliser (absences de référence concernant la province, imprécisions, transcriptions parfois fantaisistes, etc.). Parallèlement, comme nous l’avons vu, le classement des archives est purement géographique, sans référence chronologique directe qui permettrait de faire un lien avec les dates de publication. La seule solution fut donc de faire une recherche systématique à partir de certaines années.

En 1925, les Missions Catholiques ont publié 19 photographies sur la Chine (plus 3 concernant la Mongolie). Sur ces 19, nous en avons retrouvé 8 dans les archives.

Concernant les publications de l’année 1936, 12 photographies sur 23 sont encore conservées dans les archives.

Ces premiers résultats, encourageants, nous donnaient l’assurance que les archives des O.P.M. étaient bien l’un des ensembles qui alimentaient les Missions Catholiques. Nous avons procédé dès lors à la recherche de tous les documents issus des Missions Catholiques que nous comptions utiliser. Sur un peu plus de 350 illustrations tirées des Missions Catholiques qui sont reproduites dans la première partie, 120 ont été retrouvées dans les archives. Si l’on considère en plus les pertes importantes 183 , nous pouvons être sûrs que les archives des O.P.M. constituent la principale source d’approvisionnement des Missions Catholiques pour ses photographies, sans pouvoir affirmer pour autant que c’était la seule.

Les liens étant établis entre les deux collections, il est donc possible de les comparer. En reprenant les catégories mise en place pour les photographies des O.P.M., voici les résultats concernant les Missions Catholiques. 184

-Monuments chinois à caractère religieux : 3,5 %

-Monuments chinois non religieux : 6,5 %

-Monuments occidentaux religieux : 16,5 %

-Monuments occidentaux non religieux : 2,5 %

-Villes : 2,5 %

-Villages : 2,5 %

-Campagnes : 6 %

-Terres vierges et grands espaces : 1,5 %

-Catastrophes naturelles : 1 %

-Chinois (non convertis) : 15,5 %

-Personnalités officielles chinoises : 2,1 %

-Religieux chinois (Bonzes, etc.) : 2,9 %

-Missionnaires : 16,5 %

-Clergé indigène : 3,8 %

-Chinois convertis : 18,5 %

-Chinois dans la mouvance des missions : 2,5 %

-Photographies à connotation politique : 3 %

Les principales différences qui apparaissent sont les suivantes :

-Les Missions Catholiques valorisent les photographies de monuments (chinois et surtout religieux occidentaux) qui sont autant des clichés où la présence humaine est faible, voire nulle.

-Les villages occupent dans les Missions Catholiques une place comparable aux villes, ce qui n’est pas le cas dans les archives.

-Les « Chinois » sont moins présents dans les Missions Catholiques.

-Les Chinois convertis, et surtout le clergé indigène sont complètement sous-représentés. (C’est donc l’ensemble des Chinois en tant que tels dont la présence est minimisée dans les Missions Catholiques)

-Les photographies à caractère politique sont peu nombreuses dans les Missions Catholiques.

C’est l’ensemble de ces résultats et particulièrement la mise en évidence des différences statistiques, qui ont permis la mise en place des thèmes d’études des première et troisième parties.

Notes
180.

Les résultats complets pour ce premier échantillon de 770 documents sont les suivants :

- Monuments chinois à caractère religieux 3,5 %

- Monuments chinois non religieux 4,6 %

- Monuments occidentaux religieux 10 %

(églises, séminaires, etc.)

- Monuments occidentaux non religieux 1,8 %

- Villes 6 %

- Villages 0,7 %

- Campagnes 3,8 %

- Terres vierges, grands espaces 0,7 %

- Catastrophes naturelles 0,7 %

- Chinois (non identifiés chrétiens) 24 %

- Personnalités officielles chinoises 1,8 %

- Religieux chinois (Bonzes, etc.) 2,1 %

- Missionnaires 15 %

- Clergé indigène 5,5 %

- Chinois  convertis 21,7 %

- Chinois dans la mouvance des missions 3,8 %

(Malades, vieillards, etc.)

- Photographies à connotation politique 13 %

(Y compris guerre)

- Photographies prises en studio 3,3 %

Il est bien évident que certaines photographies peuvent entrer dans plusieurs catégories.

181.

Les 15 sites initiaux sont (voir les noms dans le tableau en annexe) : B III, B IV, B V, B VI et B VI’, B X-1, B X-2, B XXV-1, F VIII, F XVII-1, F XXIV, F XXV-1, F XXV-2, F XXXII-1, F XXXII-2, F XXXII-3.

Les 30 sites supplémentaires sont : B VII-1, B VII-2, B IX, B XI-2, B XIV-1, B XVIII, B XXI-2, B XXIV-1, B XXVI-1, B XXVIII, B XXIX-1, B XXX, B XXXI, B XXXII, B XXXVII-1, B XLII, F II, F IV, F VII, F XIV, F XXV-2, F XXVI, F XXVII, F XXVIII, F XXX-3, F XXXI-1, F XXXIII-2, F XXXIV-1, F XLI-1, FXLI-2

182.

Les seules variations notables concernent, à la baisse « les chinois », et à la hausse « les missionnaires » et le « clergé indigène ». Cela s’explique par la présence dans le deuxième échantillon de la série « Pékin ». Missionnaires et prêtres indigènes y sont nombreux, et les centres d’intérêt multiples qu’offre la ville font que les populations en tant que telles sont moins photographiées par les missionnaires.

183.

Sur 141 sites répertoriés dans les archives, 43 pochettes sont vides. (Voir tableau en annexe). En plus, il n’y a rien dans les archives concernant le Thibet, pour lequel nous avons cependant reproduit de nombreux documents dans la première partie.

184.

La statistique pour les Missions Catholiques a été réalisée en prenant en compte une année sur deux pour la période 1900-1939. Cela représente un ensemble d’environ 750 illustrations.