0.4. Le choix méthodologique de notre recherche et fil conducteur de la thèse

0.4.1. Le choix méthodologique

‘« Toute méthode d’analyse et d’interprétation de la réalité hospitalière doit respecter la complexité et la diversité considérable des cultures, des modes de fonctionnement et des problèmes à résoudre, sous peine de passer à côté des problèmes fondamentaux et d’imposer des changements intellectuellement séduisants, mais sans grand rapport avec le problèmes réels »14.’

Compte-tenu de la complexité de l’organisation hospitalière , de la difficulté à y introduire des changements et du manque de recul des acteurs hospitaliers sur leurs propres situations, nous avons préféré des hypothèses inductives aux hypothèses déductives et privilégié l’étude clinique comme source de connaissance.

  • l’hypothèse inductive repose essentiellement sur " l’observation des faits et leurs inter-relations. Elle trouve sa source dans l’expérience, l’intuition, le raisonnement du chercheur. Par sa vérification, il peut dégager des phénomènes généralisables qui seront la source de théories ou lois ."15
    Le fait que nous soyons un professionnel hospitalier a, par ailleurs, influencé ce choix, compte tenu de notre connaissance du terrain.

  • l’hypothèse déductive est quant à elle « caractérisée par son approche qui fait d’emblée appel aux lois et théories pour expliquer le cas particulier. Cette hypothèse peut être déduite de théories connues déjà formulées ou de travaux reconnus ayant une certaine notoriété. Sa vérification permet de théoriser le cas particulier et d’enrichir la théorie générale. 

En fait le caractère de l’hypothèse est rarement aussi net : si l’on en croit (R). RUDNER, non seulement la déduction n’est pas restreinte à l’inférence du général au particulier, mais aussi l’induction - qui comprend la sélection des hypothèses - implique fréquemment, comme une de ses étapes, de faire une déduction.16

Cette vision dynamique et constructive de l’entreprise est la base de l’analyse socio-économique.

Notre démarche consiste en une recherche-intervention s’inscrivant dans la logique de la recherche-intervention proposée et pratiquée par l'équipe de l'ISEOR17. Cette dernière consiste en une approche plutôt constructiviste qui permet la mise en exergue de la connaissance cachée, favorisant :

  • la (ré)interprétation des contextes, des règles et des conventions organisationnelles, par rapport à des buts, et pas seulement pour comprendre leurs causes

  • les démarches anticipatrices à conduire comme effets tactiques

  • le repérage des évolutions possibles, en construisant l’action à partir des propos des acteurs eux-mêmes.

La recherche-intervention pour aboutir à l’implantation d’un management stimulant propose une méthodologie de résolution de problèmes comportant quatre étapes :

  • le diagnostic

  • le projet de recherche de solutions

  • la mise en oeuvre des actions d’amélioration

  • l’évaluation des performances

Notre recherche s'appuie sur les deux premières étapes, tout du moins dans sa formalisation, les deux étapes suivantes en constituant les principales perspectives d’évolution.

Elle prend en compte :

  • le réalisme politique en lien avec la multiplicité d’acteurs

  • le jeu conflit-coopération inhérent à toute entreprise

  • le jeu des croyances

  • les apprentissages collectifs

  • l’identification des pôles de compétences

afin de constituer un modèle descriptif et explicatif du fonctionnement de l’hôpital et afin d’identifier les actions correctives et transformatives du changement attendu et nécessaire. Elle apportera aussi aux établissements hospitaliers des résultats tangibles et des réponses concrètes.

C’est pourquoi nous avons fait le choix de ne pas partir d’un modèle conceptuel prédéterminé mais de construire notre connaissance par le biais d’une recherche inductive, qui considère les acteurs sources de la connaissance.

Pour cela, nous avons dans un premier temps réalisé une étude monographique au sein d'un établissement hospitalier, intégrant la polyvalence comme réponse organisationnelle à la mission collective de soins. Le diagnostic a permis de faire un bilan de la situation actuelle afin de cerner comment se traduit opérationnellement la polyvalence au quotidien, comment elle est vécue par les acteurs concernés, les représentations qui y sont liées, de même que les freins et facteurs la favorisant. La direction et ses collaborateurs, le corps médical, les cadres soignants et plusieurs équipes de soins ont pu exprimer leurs points de vue au cours des entretiens individuels et/ou collectifs (51 personnes interviewées). L'analyse des contenus nous a permis d'objectiver la polyvalence et par ailleurs nous a incité à réaliser une enquête par questionnaire, en complémentarité.

Dans une seconde étape, l'étude exploratoire par questionnaire a été construite à partir du matériau obtenu lors du diagnostic. Quinze hôpitaux de CHU et CHG ont été consultés. Les publics infirmiers et manipulateurs en radiologie ont constitué notre échantillonnage. 442 personnes sur 867 ont bien voulu nous retourner le questionnaire dûment rempli. Des responsables médicaux, administratifs et paramédicaux ayant accepté la diffusion des questionnaires ont, par ailleurs, alimenté notre réflexion grâce à des entretiens individuels spécifiques (54 personnes au total).

Notre choix méthodologique de production de données s'est appuyé sur notre volonté de clarifier les modes d'exercice de la polyvalence en milieu hospitalier ainsi que leurs impacts, dans une perspective de conceptualisation que nous espérons, porteuse de sens.

Notre approche, étant de nature constructiviste, cette conceptualisation n'arrive que dans un second temps.

Elle sera complétée de recommandations en matière de gestion de ressources humaines, notamment par l'apport d'outils de pilotage, constituant une aide à la mise en oeuvre de la polyvalence.

Notes
14.

(F) GONNET « Conclusions et recommandations pour la mise en place du dispositif miroir à l’hôpital ». Rapport d’évaluation sur une expérience de changement menée dans deux hôpitaux à la demande de la Direction des Hôpitaux, Février 1987, p 3

15.

(M) FORMARIER "La méthode" – La recherche en soins infirmiers, n° 2, oct-nov 1985, p 62

16.

(M) FORMARIER « La méthode » - La recherche en soins infirmiers, n° 2, oct-nov 1985, p 62

17.

2 voir en annexe n° 30 Les grands axes de l'analyse socio-économique (H.SAVALL, V.ZARDET ISEOR)