1.1.1.2. 1930-1960 L'école des Relations Humaines : motiver l'individu

La logique du système fermé prédomine encore tant bien que mal, en passant toutefois d'une approche rationnelle à une approche sociale.

L'école des Relations Humaines prend son essor et apporte une réponse à l'insatisfaction exprimée par certains ouvriers à la chaîne, soumis aux dures contraintes du système taylorien. La crise économique de 1929 contribue à modifier certaines perspectives théoriques en remettant en cause les postulats de rationalité totale, compte tenu des nouvelles réalités sociales, économiques et politiques.

Une étude menée dans une usine d'Hawthorne à Chicago, par Elton MAYO31 et ses collègues, met en relief l'influence des « attitudes » et des « relations » sur la qualité du travail. En effet, outre le système formel d'organisation du travail, coexiste un système informel, constitué par la nature des communications entre les membres de l'établissement.

L'organisation est donc à la fois formelle et informelle, technique, humaine, sociale et idéologique. Au sein de cette organisation à plusieurs facettes, l'homme se révèle avoir des motivations complexes, et de ce fait, ne réagit pas uniquement à l'appât du gain. Les motivations intrinsèques peuvent le conduire à des performances quantitatives et qualitatives supérieures à celles obtenues dans un système répressif. C'est l'époque ou MASLOW32 représente, sous forme de pyramide, la hiérarchisation des besoins humains.

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Figure 3 : La Pyramide de MASLOW
[Note: (Source MASLOW (AH) « A theory of human motivation »]

Les professions paramédicales, dont la mission première est de répondre aux besoins des patients, ont toutes été formées à ce modèle théorique, car il constitue une référence dans l'élaboration des conceptions de soins.

En ce qui concerne les professionnels des hôpitaux publics, on observe que les trois premières marches » de la pyramide sont globalement satisfaites, en revanche les besoins d'estime et de réalisation de soi restent à combler. La grève des infirmières dans les années 1989-90 nous l'ont démontré. MASLOW apporte une nouvelle tonalité au fonctionnement des organisations. En donnant plus de responsabilités, plus d'autonomie aux salariés, on accroît leur motivation.

Frédéric HERZBERG33, économiste américain et professeur de psychologie industrielle, complète la théorie de MASLOW et repère les facteurs source de satisfaction et d'insatisfaction. Il distingue ainsi deux grands types de facteurs34 :

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Figure 4 : Facteurs influant sur le comportement de travail selon HERZBERG GRUERE (JP) : " Management : aspects humains et organisationnels ". Op cité, p. 177  
[Note: Source GRUERE (JP) « Management, aspects humains et organisationnels » op cité, p 177]

Globalement, les facteurs d'hygiène correspondent aux besoins des deux premiers niveaux de la pyramide de MASLOW (physiologique et sécurité) alors que les facteurs moteurs ont des points communs avec les trois niveaux supérieurs de cette même pyramide. Ce schéma démontre qu'il ne suffit pas de réduire des facteurs source d'insatisfaction, au sein de l'entreprise, mais surtout qu'il est nécessaire de jouer sur les facteurs sources de satisfaction pour obtenir une performance économique et sociale profitable à tous.

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Figure 5 MASLOW comparé à HERZBERG
[Note: Source : (JP) GRUERE et (J) JABES : « Traité des organisations », Paris, PUF, 1982, p. 25]

HERZBERG considère donc que le contenu de la tâche est un facteur motivant. L'enrichissement des tâches permettra aux salariés d'être plus responsables, plus autonomes et plus efficaces. Pour ce faire, conception et exécution forment des activités indissociables à l'inverse du processus de taylorisation. L'enrichissement des tâches est un sous-ensemble de l'élargissement des tâches, facteur de polyvalence.

Les hiérarchisations de besoins, réalisées par MASLOW et HERZBERG ont eu et ont encore des retombées positives dans les organisations, bien qu'ayant fait l'objet de controverses par leurs successeurs, PORTER notamment dans les années 1968. En effet, une hiérarchisation universaliste reste contestable, car il existe des différences individuelles liées à l'histoire personnelle, des différences culturelles et des différences de contexte organisationnel, induisant des niveaux de besoins, de nature et d'ordre différents.

Le courant des relations humaines est le courant de la dynamique des groupes, façonnant l'influence des structures informelles sur les structures formelles de même que l'influence de la motivation de l'homme au travail sur la productivité et l'efficacité de l'organisation. Malgré ses apports, il a été partiellement discrédité par son « psychologisme », qui tend à réduire les problèmes organisationnels à des problèmes psychologiques individuels, les composantes sociologiques et politiques n'étant pas prises en compte. Il a contribué à une certaine humanisation des milieux professionnels sans toutefois remettre en cause l'essentiel des postulats tayloriens.

Selon JP GRUERE36 : ‘« Les travaux d'Herbert SIMON37, sur la prise de décision, ont été utilisés rétrospectivement pour tenter de réconcilier la rationalité promue par l'OST et le monde affectif mis en avant par l'Ecole des relations humaines. SIMON conteste en effet la notion de rationalité absolue ou illimitée. Il lui préfère la notion de rationalité limitée et partagée. Limitée, car personne ne peut tout connaître, a fortiori, dans le domaine du management, et chacun reste centré sur son rôle organisationnel et ses prérogatives. Partagée en ce sens que toute décision concerne l'ensemble du système. Elle n'est pas l'apanage des seuls dirigeants dans la mesure où elle concerne chaque membre impliqué dans l'organisation. Le rôle du manager aux prises avec plusieurs logiques (administrative, commerciale, financière de production), c'est de trouver le plus souvent une « solution satisfaisante », et de tenter de l'optimiser. Le passage entre la zone « deux » du schéma (système fermé - approche sociale), et la zone « trois » (système ouvert - approche rationnelle) peut faire figure à première vue, de régression sociale en ce sens que la théorie reprend les hypothèses mécaniques au sujet de l'individu. Mais elle peut aussi représenter un progrès dans la mesure où les théories en viennent à considérer l'organisation comme modelée et façonnée par des forces exogènes et non plus uniquement endogènes.
La perception des théoriciens et des managers a pris du champ. Des pans entiers de la réalité restés dans l'ombre sont reconnus, récupérés et intégrés dans leur nouvelle façon d'envisager l'organisation et son fonctionnement ».’

Notes
31.

MAYO (E) : " The social problems of an industrial civilisation ". London, Routledge and Kegan Paul, 1949

32.

MASLOW (AH) : " A theory of human motivation ". Psychological Review, vol 50, 1943

33.

cf HERZBERG (F) : " Le travail humain et la nature de l'homme ". Paris, 1966

34.

MICHEL (S) : " Motivation, satisfaction et implication " dans " Management : aspects humains et organisationnels ". Op. Cité, p. 175 à 181

35.

GRUERE (JP) : " Management : aspects humains et organisationnels ". Op cité, p. 177

36.

GRUERE (JP) : "Introduction " de " Management : aspects humains et organisationnels". Op cité, p. 22

37.

SIMON (H) et MARCH (JG) : " Les organisations ". Paris, Dunod, 1964