1.1.1.4. 1970 à nos jours - L'ère du management participatif : mobiliser par la culture

A partir des années 70, l'organisation est reconnue comme un système ouvert et la place des hommes dans l'entreprise est reconsidérée. C'est à cette période que Michel CROZIER véhicule le courant stratégique et systémique39, dépassant les visions partielles de la réalité observées au travers des courants précédents. En effet, le courant de l'OST a ignoré la place de l'affectif et le poids des individus dans l'organisation. Celui des relations humaines a fait comme si les individus évoluaient dans un champ neutre, et a placé l'organisation comme une simple contrainte extérieure aux individus et sans interaction sur leurs comportements. Quant au courant de la contingence, il focalise son énergie, sa réflexion et son action sur l'environnement.

Pour l'analyse stratégique, l'acteur et le système sont en permanente interaction. Il n'y a plus deux pôles séparés avec prééminence de l'un ou de l'autre, mais deux pôles en constante interaction.

Selon M. CROZIER et E. FRIEDBERG, l'organisation n'est pas un phénomène naturel qui s'imposerait de l'extérieur aux hommes en vertu de lois générales. L'organisation n'existe pas indépendamment des acteurs qui la construisent en permanence, à travers leurs stratégies et leurs relations de pouvoir faites de conflits et de négociations. Il ne peut exister de modèle d'organisation idéal, mais des systèmes d'action concrets par lesquels les acteurs gèrent leur coopération tout en s'évertuant à préserver leur marge de liberté, et ce en fonction d'une règle du jeu tacite. Ce concept de jeu est utile comme modèle d'intégration entre deux orientations contradictoires, non réconciliées, celle de la stratégie égoïste de l'acteur et celle de la cohérence finalisée du système.

C'est à partir de ce moment-là que toute entreprise a dû se battre pour survivre, parce que la nature de l'environnement est devenue très complexe et soumise à des rapports de force de plus en plus rudes.

J.P. GRUERE confirme qu'à ce stade, « l'acteur social complexe » va supplanter l'agent rationnel. Cet acteur social va être sollicité tel qu'il est avec ses forces, ses faiblesses, ses limites, ses contraintes et ses absurdités éventuelles. L'entreprise agitée par des forces extérieures est en constante évolution.

La compétition économique mondiale voue les entreprises au culte de l'excellence. Pour ce faire, la mobilisation de tous exige un engagement consenti de la part du personnel, des valeurs communes et des objectifs à atteindre partagés.

‘« Le modèle de l'efficacité japonaise décrit par OUCHI hante les esprits des managers américains. La pratique du consensus, inscrite dans la culture nippone, constitue un avantage décisif dans la compétition économique au niveau du globe. L'engouement pour la « culture » comme variable décisive du fonctionnement des organisations, provient sans doute des difficultés économiques rencontrées ces dernières années. Les solutions technologiques, économiques et structurelles se révèlent impuissantes ou insuffisantes pour sauver les entreprises en difficulté.
La culture fait figure de facteur explicatif des dysfonctionnements. Elle fait aussi office de réserve de productivité mobilisable. Elle joue un rôle dynamique important parce qu'elle constitue un ensemble de connaissances et d'informations stockées sous des formes diverses, et dont se servent les membres de l'organisation pour résoudre à leur façon les problèmes qui se posent à eux. Ces réserves en stock leur permettent d'affronter plus sereinement les aléas et l'incertitude, et d'en apprivoiser les formes. « Pas de panique face au désordre », c'est la façon dont WEICK encourage les managers à un certain stoïcisme. A ses yeux, l'ambivalence à court terme peut garantir l'adaptation à long terme, et à tout prendre, l'action chaotique est préférable à une inaction ordonnée.
« L'adhocratie », concept utilisé par TOFFLER, est une des réponses structurelles aux situations complexes et incertaines abordées dans cette zone n°4. Elle produit plus de démocratie interne et de participation et moins de bureaucratie, mais exige des membres de l'organisation une grande tolérance à l'ambiguïté et une interdépendance poussée. Si elle ne convient pas aux activités simples, elle peut faire merveille pour affronter les turbulences d'un environnement hautement incertain et soumis à des changements multiples (High-Tech).
Le management participatif est une issue actuelle aux problèmes de qualité et de compétitivité que rencontrent les organisations soumises à la concurrence. Pour SAINSAULIEU, une gestion démocratique impose aux ensembles organisés une nouvelle régulation culturelle fondée sur la reconnaissance et la confrontation continue d'un plus grand nombre d'acteurs au travail. L'organisation est un lieu d'apprentissage culturel dont l'enjeu psychologique est l'accès à l'identité pour ses membres. L'image qu'ils ont d'eux-mêmes va dépendre de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance sociale qui leur est réservée. La mobilisation par la culture puise en partie ses ressources dans ce phénomène identificatoire »40.’
Notes
39.

CROZIER (M), FRIEDBERG (E) : " L'acteur et le système ". Paris, Le Seuil, 1977.

40.

GRUERE (JP) : " Introduction " de " Management : aspects humains et organisationnels". Op cité, p. 26 et 27

cf OUCHI (W) : " Théorie Z ", Paris, InterEditions, 1982

cf OUCHI (W) : " M. Un nouvel esprit d'entreprise ", Paris, InterEditions, 1985

cf WEICK (KE) : " The social psychology of organizing ". Addison Wesley, 1969

cf TOFFLER (A) : " Le choc du futur ". Paris, Ed. Denoël, 1971

cf SAINSAULIEU (R) : " L'identité au travail ". Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1977