7.2.2.3. Un processus de gestion à composantes organisationnelles

‘« L’entreprise moderne, celle que nous connaissons aujourd’hui, est toujours au départ un rassemblement hétéroclite d’individus destinés à travailler ensemble. Qu’est-ce qui en fait une organisation durable ? Quelles sont les interactions qui président à l’intégration des individus ? Comment caractériser les liens indispensables au fonctionnement des entreprises ? Comment décrire les mécanismes qui tissent, développement et maintiennent la relation individu / organisation ? Nous en distinguerons trois : le sentiment d’appartenance, l’implication au travail et la soumission « librement consentie ». Ces trois formes de liens permettent de régler trois types d’investissements psychiques indispensables à la bonne marche de la production : l’investissement sur le groupe, l’investissement sur le travail et l’investissement sur soi »232

En effet, un individu est d’abord relié à son entreprise par le sentiment d’en faire partie. Dans la polyvalence de mobilité externe, les infirmières ont fréquemment évoqué leur sentiment de non appartenance à l’équipe de travail provisoire. C’est une des premières difficultés à franchir, notamment par le biais d’une politique d’intégration structurée qui tendrait à atténuer la sensation de rupture, souvent trop lourde à porter. La non adhésion au projet de l’équipe, car méconnu, induit l’absence d’engagement régulièrement décriée.

L’intégration à une nouvelle organisation est directement liée à l’implication au travail, constituant un élément de stratégie individuelle. Il appartient au cadre de gérer ces stratégies d’acteurs, sources d’identité professionnelle et de professionnalisme.

Ainsi, l’implication des infirmières dans un système de travail polyvalent sera fonction de l’adéquation entre la situation professionnelle demandée par l’institution et leurs propres attentes.

Les psychosociologues ont repéré quatre grandes catégories d’implication233 :

Ces quatre niveaux d’implication sont le résultat d’un ensemble de composantes psychosociologiques. ‘« Elles peuvent être considérées comme le résultat d’attitudes envers le travail et envers les tâches concrètes que l’on a à faire. Elles nécessitent donc que l’on ait des représentations de ce travail et des tâches que l’on effectue. Les implications intègrent également diverses satisfactions ou insatisfactions... »’ 235.

Ce concept d’implication est en relation directe avec les concepts de « mentalité », « attitude », « valeurs », « représentations », et « raisonnements sociaux ».

L’organisation a besoin de cette énergie positive, d’où la nécessité de cadres-managers aptes à prendre des décisions dans une logique consensuelle, basée sur la transparence des objectifs à atteindre et des enjeux encourus. L’organisation hospitalière, comme toute autre organisation, est soumise à une évolution constante de la nature du travail, en lien avec l’évolution des technologies diagnostiques et thérapeutiques. Comment concilier organisation et innovation, lorsque cette dernière apporte de nouvelles contraintes mais aussi de nouvelles opportunités. « Organiser » tend à réduire l’incertitude par la formalisation du fonctionnement de l’équipe en fonction des tâches à réaliser. A contrario, « innover » augmente l’incertitude du fait des modifications et des changements à intégrer impérativement.

‘« Cette complémentarité antagonique permet de comprendre les désarrois croissants des méthodes de management : plus elles formalisent le fonctionnement de l’organisation, et plus elles réduisent ses capacités de gestion. Plus, au contraire, elles encouragent l’ajustement mutuel, moins elles permettent de contrôler le fonctionnement d’ensemble »236.’

Innovation est fréquemment synonyme d’investissement financier à amortir. C’est dans ce cadre, par exemple, que les nouvelles techniques d’imagerie nécessitent une durée de fonctionnement étendue, donc des horaires plus amples pour les personnels permanents, mais aussi mobiles. Quel équilibre trouver en termes de compétences, pour qu’il y ait une gestion optimale des moyens matériels et humains, tout en maintenant la qualité de la prestation au client ? Apprécier le champ de polyvalence requis, c’est à dire le degré de compétences requises, en partenariat avec les personnes concernées, réduit la réticence au changement et encourage l’engagement collectif. L’organisation peut être le ciment des projets individuels et institutionnels. Coordination, coopération et adhésion à la culture d’entreprise, constituent les trois axes de management à promouvoir. La mise en place d’un système d’information pertinent est à même d’assurer la cohérence collective nécessaire à la performance économique et sociale.

Notes
232.

BELLIER-MICHEL (S) : « L’individu et le système ». Revue hors série. Sciences humaines, n° 20, mars-avril 1998, p. 45

233.

MUCCHIELLI (A) : « La psychologie sociale ». Les fondamentaux, Hachette, 1994, 157 pages, p. 33

cf. SAINSAULIEU (R) : « L’identité au travail ». Presses de la FNSP, 1977

cf. DUBAR (C) : « La socialisation, construction des identités sociales et professionnelles ». A. Colin, 1991

234.

MUCCHIELLI (A) : « La psychologie sociale » op. cit. p 33-34

235.

MUCCHIELLI (A) : « La psychologie sociale » op. cit. p 33-34

236.

ALTER (N) : « Organisation et innovation, une rencontre conflictuelle ». Revue hors série, Sciences humaines, n° 20, mars-avril 1998, p. 56