7.2.2.4. Un processus de cohérence collective à composantes informationnelles et communicationnelles

Il y a communication dès qu’il y a transmission d’information d’une personne à une autre. ‘« Pour l’ensemble des activités de travail, face aux aléas, aux dysfonctionnements, aux erreurs, les opérateurs interviennent selon un schéma général de prise d’information, de recherche de diagnostic, d’élaboration de stratégies, de contrôle des résultats... A partir de chaque aléa, de son cortège de manifestations, pour le prévenir ou le réduire, l’opérateur mobilise son intelligence, cherche des indices ou des signes révélateurs, vérifie le résultat de ses interventions. L’incident ou l’erreur constitue donc un tout, un microcosme, un noyau à partir duquel s’élabore le champ de la connaissance des travailleurs »’.‘ 237

L’anticipation d’incidents est basée sur la prise d’informations et sur leur confrontation. Cette prise d’informations apporte une connaissance des interrelations entre diverses variables et permet la construction de la décision et de l’action, à partir d’indicateurs différenciés. En effet, le traitement des informations guide l’intervention humaine, de par la représentation mentale que se fait l’opérateur du travail attendu. Il a ainsi franchi le cap du travail prescrit, pour évoluer vers le travail attendu, c’est à dire adapté à la situation présente. L’information traitée devient alors connaissance structurée. Elle est ensuite mémorisée et en permanence actualisée par des flux d’informations issues de l’activité quotidienne238.

Selon de KEYSER239, « ‘La représentation d’un système par l’opérateur ressortirait-elle davantage de la « mosaïque du puzzle » que d’un corps de connaissances organiquement liées. L’opérateur ne parvient que graduellement à une conceptualisation de ses représentations, à travers l’expérience de la résolution d’incidents, d’aléas, de dysfonctionnements. Les savoir-faire et les savoirs se cristallisent autour de cet apprentissage des cheminements, de la découverte des lois de fonctionnement du processus’ ».

Par exemple, la construction du savoir-agir des infirmières nécessite toute la connaissance technique, une bonne connaissance de l’organisation du travail, des flux d’information, des interrelations entre acteurs...Leur professionnalisme, basé sur leur représentation de la compétence, s’inscrit en effet dans un contexte mouvant, dont l’équilibre dépend de la qualité des divers réseaux de communication, d’où l’utilité de se pencher sur ce réseau, sa structure, son fonctionnement et son évolution au cours du temps.

La communication interne favorise le consensus qui doit exister entre les acteurs de l’hôpital (Direction, encadrement, personnel) autour de quelques règles du jeu et de projets d’intérêt commun.

Pour être polyvalente à l’hôpital, organisation à haut degré de complexité, l’infirmière a besoin de connaître les réseaux verticaux et latéraux existants, formels et informels, afin que son activité prenne du sens au sein du collectif de travail. L’entreprise communicante repose avant tout sur la variété, la richesse et la liberté de ses relations internes.

Développer le rôle communicateur de l’encadrement apparaît aujourd’hui comme une exigence managériale. Il est, sans aucun doute, mieux placé pour être vecteur de communication interpersonnelle, de transmission, de cohésion et d’évolution. Il est, à ce titre, l’informateur privilégié du personnel. Les infirmières et manipulateurs attendent ainsi de leurs cadres non seulement les informations pertinentes relatives aux processus techniques de travail, mais également des données générales sur l’environnement du poste. Ils attendent aussi de leurs collègues des informations complémentaires de nature à améliorer la coordination des actions opérationnelles.

Comme nous l’avons vu, l’exercice de la polyvalence fait varier le cadre de vie au travail et modifie la nature des échanges entre l’homme et son objet de travail. C’est ainsi que le cadre doit accorder une attention toute particulière dans « l’ajustement » de l’opérateur à son nouvel environnement, la représentation sociale prenant appui sur la mentalité du groupe, orientant et organisant ainsi les conduites et les communications sociales240. La nature des informations et leur degré d’intégration sont à la base du processus de cohérence collective nécessaire à l’exercice de la polyvalence.

Notes
237.

CAVESTRO (W) : « Nouveaux langages, nouveau travail », « Technologies nouvelles, nouveau travail ». En collaboration avec BERNOUX (P), LAMOTTE (B), TROUSSIER (JF). Collection Recherches, Paris, 135 pages, p. 187

238.

DANIELLOY (F), BOEL (M) : « L’activité des opérateurs de conduite ». pages 145-147

239.

de KEYSER (V) : « Les communications dans les systèmes automatisés : champs cognitifs et supports d’information chez les opérateurs ». Liège, 1985, p. 229

240.

DOISE (W) : « Attitude et représentations sociales », « Les représentations sociales ». sous la direction de JODELET (D), PUF, 1989, p. 220-238

JODELET (D) : « Les représentations sociales : un domaine en expansion », in « Les représentations sociales ». PUF, 1989, p. 36. Selon D. JODELET, « la représentation sociale est un objet mental, une forme de savoir pratique », consistant en une intégration spécifique des informations possédées sur un fait. C’est une base de connaissances socialement élaborée et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social.