7.2.2.5. La maîtrise des processus mobilisateurs de la polyvalence : un levier d’action sur la compétence individuelle et collective

Nous avons pu voir que les quatre processus mobilisateurs de la polyvalence ne s’opposent pas. Ils concourent bien, au contraire, au même objectif de par leur synergie. Ils relèvent à la fois du système formel et informel de l’organisation, et sous-tendent diverses compétences241.

C’est pour ces raisons qu’il nous semble pouvoir dire que les quatre processus en question sont des processus mobilisateurs de la polyvalence. Ils renvoient en quelque sorte, à un ensemble de dispositions à prendre pour rassembler et dynamiser les énergies, toujours existantes dans une équipe de travail, mais souvent latentes. Ils constituent les quatre leviers d’action à prendre en compte pour mettre en oeuvre une polyvalence responsabilisante, source de compétence individuelle et collective d’une part et source d’adaptabilité de l’entreprise aux exigences de la clientèle d’autre part. On assiste à une promotion « du collectif » dans le travail, dans une logique d’accroissement des performances par l’expression et la construction collective.

Il existe en effet une interrelation étroite entre l’apprentissage individuel et l’apprentissage collectif. L’apprentissage requiert un constant échange d’informations avec l’ensemble de l’équipe, une seule personne ne pouvant détenir la totalité des informations. Ces informations peuvent être véhiculées de diverses façons : rédaction de procédures et consignes, réunions de synthèse (chez les infirmières, on parle de « relève »)... C’est la forme visible de la coopération, par ailleurs à la base de la pluricompétence

Le contenu du travail est à décliner en fonction de ce qu’attend le client : on part du client pour le construire et non du personnel. Les activités sont exécutées conjointement et/ou successivement par les divers membres de l’équipe. Dans cet esprit, la polyvalence inscrit le personnel sur les champs de la complémentarité et de l’entraide. Elle aboutit à une souplesse du collectif, facilitant la mobilité ponctuelle ou durable. Les niveaux de compétence individuelle ne sont pas équivalents sur l’ensemble des activités. Il sont cependant suffisants pour que chacun puisse, au sein de l’équipe, assurer temporairement une activité occasionnelle.

Polyvalence, compétence et qualification collectives ne sont pas antagonistes. « Le terme de qualification renvoie à l’idée de capacité à maîtriser un procès de travail. Il est suggéré ici que cette capacité n’est pas seulement le fait de personnes, mais du collectif en tant que tel dans lequel s’inscrivent les personnes. Il ne s’agit pas ici de la disparition ou de la dilution des qualifications des personnes, mais d’une capacité spécifique du collectif, qui est modifiée, dans un sens ou dans un autre si le collectif est modifié dans sa composition242 ».

Notre vision de la polyvalence et de ses processus mobilisateurs peut être synthétisée comme suit :

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Figure 33 : La polyvalence et ses processus mobilisateurs

D’après les résultats de notre recherche, il nous semble possible d’affirmer que les quatre processus doivent être maîtrisés pour qu’il y ait un exercice de la polyvalence efficace et efficient. Nous avons vu également que le champ d’action de la polyvalence est à circonscrire, en partenariat avec les acteurs concernés.

Les cas de polyvalence observés dans notre recherche ne font pas apparaître la maîtrise attendue des processus, exceptée la polyvalence intraservice comme le montre la figure ci-après.

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Figure 34 : Niveau de maîtrise des processus en fonction des cas de polyvalence

Afin d’éviter ces difficultés de maîtrise, il est important de cerner le champ d’intervention professionnel interne et externe au service d’appartenance et, par ailleurs, d’agir sur les processus mobilisateurs, inhérents à une bonne mise en oeuvre de la polyvalence.

Agir sur les processus mobilisateurs ne peut se faire sans la prise en compte de deux types d’éléments :

En conclusion, la polyvalence nous semble être une pluricompétence circonscrite, l’analyse des contenus de travail en constituant la base de réflexion. La mettre en oeuvre nécessite de prendre en compte quatre processus mobilisateurs comme leviers d’action et de management des compétences dans un objectif de gestion des ressources humaines à court, moyen et long terme.

La polyvalence est un choix managérial. Sa réussite passe tant par le degré d’implication des cadres que par leurs compétences à manager une équipe, dans une logique transversale institutionnelle. Nous avons pu constater que les compétences managériales des cadres étaient souvent insuffisantes. La logique de service prévaut encore sur la logique d’établissement. Accroître le champ d’action avec une vision inter-services, nécessite qu’ils se munissent d’outils stratégiques de pilotage, afin de pouvoir objectiver les pratiques. Ces recommandations nous paraissent d’actualité, au sein de la gestion des ressources humaines, dans son ensemble.

Notes
241.

BUNK (G) : « Transmission de la compétence dans la formation professionnelle en Allemagne » CEDEFOP, 1994, p 8 à 14

242.

TROUSSIER (JF) : « La dimension collective du travail » et al in « Les analyses du travail, enjeux et formes ». op. cit. p. 119