Une telle insécurité incite à la prudence et les parades sont bien fragiles en regard des risques encourus. La première et la plus élémentaire de celle-ci consiste à diversifier ses activités, soit horizontalement, soit verticalement. Dans le premier cas, divisées en "sections" ou "départements", les maisons qui pratiquent le commerce de la soie s'occupent également de négoce d’huile d’olive ou de tomate, denrées toutes deux en rapport avec les régions où elles ont l'habitude d'opérer au début du XIX° siècle. Dans le second cas, elles décident de se lancer, soit en amont, dans la filature ou le moulinage, soit en aval, dans la fabrication ou la distribution de soieries. C'est alors que le marchand devient marchand-fabricant. Ceci explique que bien souvent, le rôle du marchand ou du négociant en soie ne se borne pas à celui de simple intermédiaire commercial. "Du côté de la production son action oscille autour de trois termes: simple écoulement de la matière première, préparation de cette matière, intervention dans la sériciculture elle-même. Du côté de la consommation, il soutient les fabricants sérieux en les encourageant par de longs crédits et leur permet de travailler sans à-coups en leur fournissant les variétés innombrables de grèges et d'ouvrées dont ils ont besoin pour confectionner les étoffes" 36 . La seconde parade consiste à limiter au maximum la durée pendant laquelle on va être propriétaire de la marchandise dont on doit assurer l'écoulement. Il existe alors deux formules: commissionnaire 37 et consignataire. Dans le premier cas, le marchand assure une transaction sans être propriétaire de la marchandise, il n’apparaît pas en nom dans les opérations et il prélève une commission comprise entre 1,5 et 3% pour tout salaire 38 , c'est d'ailleurs la raison pour laquelle peu de rabais sont accordés. Les soies qui entrent dans le magasin de Guérin par exemple n'y sont que consignées par les propriétaires réels de celles-ci, des mouliniers du Midi ou de grands négociants français et italiens, à charge pour Guérin de les vendre au meilleur prix 39 . Dans le second cas, le marchand prend effectivement des soies dans son magasin pour le compte de leur propriétaire légal mais seulement pour tenter de les vendre au plus haut cours possible. Dans le cas d’une marchandise importée, le consignataire peut être appelé "facteur" 40 , c'est-à-dire celui à qui l’on adresse le chargement, qui doit s’occuper de la transaction en son nom mais toujours pour le compte du propriétaire légal ou "commettant" 41 . Sur le marché de la soie, toute l'astuce consiste à manier habilement l'une et l'autre des deux formules au gré des évolutions ou des opportunités pour réaliser les gains les plus intéressants possible. De ce fait, un jour, on peut être simple commissionnaire et n'agir que pour le compte d'un client qui vous donne sa marchandise à placer, le lendemain, on peut agir en qualité de consignataire. Le marchand a tout à fait la possibilité de travailler pour son propre compte, c’est ce que fait Guérin lorsqu’il opère en "compte à demi", c’est-à-dire quand il assure la trésorerie d’un achat de grège pour le compte d’un moulinier momentanément désargenté et en lequel il a confiance, mais cette opération n’est pas intéressante pour deux raisons: une importante somme dont il a besoin par ailleurs se retrouve immobilisée et sa commission est supprimée. Il s'agit plutôt d'un service rendu à titre gracieux.
Tout cela fait que "tout le monde vit en contact étroit et chacun a son rôle. (…) chacun a ses nouvelles, venues des contrées les plus lointaines, et les colporte (…) le marchand lyonnais doit se tenir constamment au courant des conditions changeantes du marché: connaître au jour le jour les aléas de la récolte des cocons, supputer les cours qui prévaudront initialement pour les grèges, s'enquérir des foires et des marchés locaux et, à l'autre extrémité du circuit, suivre la vente des tissus, l'ouverture et la fermeture des débouchés, les fluctuations de la mode, la conjoncture politique. Cela représente un immense effort (...)" 42 . Le marchand, tout en ayant un œil sur les cours de la soie et ses livres de comptes, doit aussi courir d'un bout à l'autre de la filière pour y glaner les renseignements de première main qui lui permettront de devancer les tendances et par conséquent d'éviter de prendre de funestes décisions. Sur toute filière, et particulièrement celle de la soie, notamment si celle-ci couvre un large espace géographique, le renseignement est en effet le seul et unique véritable "nerf de la guerre". Lui seul permet d'établir le plus sûrement possible la qualité de ses interlocuteurs et par conséquent de réaliser les affaires les plus sûres. Lui seul permet d'anticiper. L'anticipation est la parade suprême du marchand ou du négociant en soie. Voilà pourquoi on retrouve les marchands à tous les stades de la filière, des marchés de feuilles et de cocons pour estimer le volume et la qualité de la production de fils aux salons chics de Paris pour prévenir les tendances de la mode. Constamment à la recherche d’informations de première main, on les retrouve logiquement aussi bien dans les différentes commissions de la CCIL que présidant des conseils d’administration de banques ou de sociétés maritimes. Au début du XIX° siècle, c'est le souci d'être parfaitement informé qui pousse ainsi les marchands à entretenir une abondante correspondance avec leurs différents partenaires et à régulièrement sortir de leur entrepôt pour "rafraîchir leurs informations" 43 . Labasse lui-même insiste: "l'information joue un rôle décisif (...) le marchand lyonnais doit se tenir constamment au courant des conditions changeantes du marché (...) la prudence reste la vertu suprême 44 . Dans cet univers où "les rapports entre d’affaires font une large part à la psychologie et aux contingences sociales" 45 , tout va donc reposer sur la confiance qu'inspire le marchand. C'est elle qui fait toute la différence entre les "grands" et les "petits". Ainsi, "avec des entrepreneurs malheureux mais honnêtes, les arrangements sont fréquents : un négociant de Livourne réputé pour sa droiture (…) obtient de l’unanimité de ses créanciers un délai de quelques semaines et sans autre garantie que sa parole (…). La grosse maison Richetti de Turin est admise à apurer ses dettes sur dix huit mois, en termes semestriels à 6%. Un fileur offre avec succès le travail gratuit de sa filature à ses fournisseurs de cocons qu’il n’a pu régler" 46 . C'est clair et c'est logique: dans un univers où tout peut se jouer en une transaction, les marchands dignes de ce nom se doivent avant tout d’être des hommes de parole à la réputation sans faille. C'est pourquoi les faillites sont toujours mal vues par le monde des affaires et mal vécues par ceux qui les subissent. "L'intervention du ministère public dans la procédure [de faillite] est toujours considérée comme désastreuse" 47 . Dans cette perspective, évoluer dans le commerce de la soie depuis plusieurs décades sans avoir fait faillite est une incontestable preuve de compétence. Encore de nos jours, s'il est "pratiquement impossible d'évaluer le nombre de sociétés qui dans le monde font en permanence ou bien par à-coups du négoce de matières premières" 48 , ce qui rend toujours aussi difficile d'établir avec précision une typologie des firmes de négoce, ceux qui se sont penchés sur ce délicat problème continuent de faire une classification par la taille et les origines historiques des entreprises. Finalement, mise à part la fortune accumulée, preuve flagrante de réussite, ce qui fait la grande distinction entre eux, c’est la durée dans le temps en regard des risques pris.
L’histoire des Guérin 49 , qui se confond avec celle du commerce de la soie, remonte par exemple à 1464. Guillaume Guérin est alors un notable d’Annonay, dans l’Ardèche, une des régions françaises les plus anciennement impliquées dans la sériciculture. En 1661, Dominique, le premier soyeux de la famille, s’établit à St Chamond pour y exercer la profession de marchand de soie. Trente sept ans plus tard, son fils est reçu bourgeois de Lyon et en 1716, la maison prend une dénomination qu’elle ne quittera plus, "Veuve Guérin & Fils". Au début du XIX° siècle, à la différence du négociant local ou national, au rayon d’action limité, ou de celui travaillant au niveau international mais qui ne s’occupe en aucun cas de la gestion physique du produit avec lequel il réalise les transactions, H. Louis Guérin exerce déjà un contrôle physique sur la marchandise par le biais de son transport et de son stockage. A la manière des sogo-shosas japonaises actuelles qui assurent l’approvisionnement céréalier de leur pays, il pratique l’importation de la soie mais en se limitant à des opérations bilatérales à partir de son espace national 50 . Sans autre point commun avec ses prédécesseurs du XVI° siècle que de pratiquer à la fois affaires de soie et affaires de banque, il n’opère pas plus loin que l’Italie où, sur les marchés de Turin, Gênes, Venise ou Naples, il passe par l’intermédiaire de négociants réputés pour se fournir en grèges. En réalité, la plupart du temps, son champ d’action directe se limite plutôt au Sud de la France. Lui aussi a appris à se garantir des aléas de la conjoncture en pratiquant plusieurs types de négoces, lors de la crise de 1811, par exemple, il se rattrape sur le commerce du riz, de l'huile d'olive et des denrées coloniales, et il exerce les fonctions de banquier. Guérin obtient même la reconnaissance de sa maison comme banque en 1834. A cette occasion, il doit d'ailleurs acquitter un droit fixe à la patente de 500 FF au lieu des 300 habituels pour le seul commerce des soies et Labasse précise: "les activités bancaires de Guérin sont subordonnées à l'aisance du commerce des soies". Tour à tour plusieurs commissionnaire puis consignataire, Guérin vend les soies qu’on lui confie, soit à des mouliniers du Midi, soit à des négociants de grandes villes françaises ou italiennes. On imagine aisément les marchandages et les discussions entre les uns et les autres, notamment lorsque la vente est décevante. Hugues-Louis Guérin n'intervient pas sur le marché des cocons, il se tient juste informé par l'intermédiaire de correspondants présents sur les principaux marchés locaux. Lorsqu'il veut acheter pour son propre compte, il passe par un commissionnaire local ou bien envoie son préposé itinérant. Il a peu de relations directes avec les fileurs qui sont les animateurs du second de ces marchés. Ceux-ci ne vendent en effet que sur place ou dans les foires, où, encore une fois, Guérin a ses informateurs.
Parmi les filateurs, les seuls avec lesquels il entretient des rapports réguliers sont ceux qui ont une certaine envergure, c'est-à-dire qui ont intégré le moulinage dans leurs opérations et qui mettent chez lui des soies ouvrées en consignation 51 .Par contre, il se rend régulièrement en Italie ou à Paris où il touche les manufacturiers du Nord. Là, en prise directe, il capte les tendances respectivement de la production et de la demande. Régulièrement, il envoie aussi un préposé dans le Midi faire des affaires pour son compte mais aussi surveiller les tendances qui se dessinent sur les marchés locaux. Il collecte alors les commentaires de ses correspondants pour fixer ses propres prix en fonction de ses estimations personnelles. Ces dernières sont ensuite complétées au moment des foires car c’est là que se déterminent réellement les prix qui serviront de références pour les transactions. En définitive, Hugues-Louis Guérin possède incontestablement quatre grandes qualités. La première, que l'on devine en regardant le parcours et les méthodes de l'homme, c'est l'entretien soigné d'une culture marchande, composé de lectures 52 et de souci permanent de se former et de s'informer. La seconde, c'est de savoir s'entourer, de savoir choisir les auxiliaires fiables auxquels il pourra déléguer des responsabilités. Troisièmement, il ne prend jamais de risque inconsidéré et il ne recherche pas le profit à court terme. Enfin, et c'est sans doute ce qui lui vaut l'estime et le respect de ses pairs, il n'hésite pas à rendre lui aussi service et à jouer le rôle d'informateur: "(…) un Guérin, après avoir profité lui-même de la documentation recueillie, en fait bénéficier ses amis en répondant à leurs questions dans un délai qui, en 1810-1811, n'excède jamais une semaine. Une partie de son prestige auprès d'eux vient de là. Tout pousse Guérin à l'extension infinie de ses relations d'affaires et s’y emploie tant pour grossir son chiffre d’affaires que pour perfectionner son outil de travail. (...) Tout, sauf la nécessaire sélection des hommes et des risques. (...) Spéculateur ? Le qualificatif a cours, mais avec une acceptation laudative, en opposition aux petits fabricants dont les achats s'arrêtent quand leur bourse est vide. Si spéculation il y a, les limites en sont soigneusement tracées. Les possibilités de perte étant admises, on n'hésite pas à les prendre pour soi, quand il est nécessaire, afin d'arrêter les frais. (...) Quoi qu'il arrive, Guérin garde la tête froide, aidant ses meilleurs correspondants à se ressaisir au milieu de la tourmente. De quel ton il reprend l'un d'eux, affolé par l'ampleur de la crise: vous nous donnez l'autorisation désespérée de vendre à tout prix. Nous ne l'acceptons pas. Veuillez nous écrire de sang-froid. (...) S'il ressent vicement les pertes qu'éprouvent ses amis, il n'omet pas de leur rappeler qu'autant qu'aux événements, ces pertes sont dues à leur entêtement à ne pas vendre ou garder opportunément leurs ballots, selon les cas".
Guérin est donc le parangon du marchand ou du négociant en soies. Bien peu atteignent ce stade. Pour comparer, prenons maintenant l'exemple des Parlier 53 . En 1587, Guillaume, l’ancêtre, tout en pratiquant le prêt à intérêt, en argent ou en nature, est marchand de laine, de draps et de cuir. Il est possible que son fils aîné, en se faisant appelé "sire", ait pu acquérir un titre de noblesse mais le fait n’est pas certain et ce n’est qu’à la mort de celui-ci, en 1765, que Laurent abandonne le commerce qui avait fait la fortune de sa famille, celui de la laine et des cadis 54 , pour se lancer dans celui de la soie. Ses débuts sont timides, prudents, il limite ses transactions à quelques clients bien choisis. Les marchands comme Parlier disposent déjà de leur réseau d’informations, celui-ci étant constitué de parents, d’amis, de fileurs ou d’associés qui le renseignent : "Nous eûmes ici quelques rôdeurs que Plantier fit surveiller" ou bien : "pendant tout vendémiaire, trois coureurs étrangers sont venus alternativement d’un jeudi à l’autre fureter jusqu’aux plus petits hameaux les soies pour aller de suite les vendre à Andouze". Mais si les Parlier ont quelques connaissances qui leur permettent de se moquer d'éventuels concurrents plus inexpérimentés 55 ou moins malins, ils n'en ont pas suffisamment pour se maintenir dans le milieu et dès 1804 56 , Jacques, le fils de Laurent récemment décédé, abandonne la profession. Etre marchand de soie ne s'improvise pas et Jacques devient rentier du sol. Les trois entrepreneurs avignonnais qui suivent sont plus prudents, sans doute plus fortunés au départ, et réussissent mieux 57 . En devenant propriétaire d’un moulin à blé, d’une fabrique de garance, d’une papeterie et de deux fabriques de soie, l’une à Bédarrides, l’autre en Avignon même 58 , le premier d'entre eux, un fils de notaire, Eugène Poncet, se lance vigoureusement dans les affaires. En 1840, sa fabrique avignonnaise fait travailler 60 hommes, 60 femmes et enfants sur 50 métiers, pour une production de 240 pièces de 120 mètres de long chacune, sa consommation de soie ouvrée atteint 900 kilo. Eugène ne semble pas avoir connu de déboires, puisque vers 1840 toujours, celui-ci dispose d’une fortune immobilière non commerciale d’un montant de 275.000 francs, sa fortune totale atteignant 820.029,05 francs sept ans plus tard. François Balthazar Sixte et Charles Guillaume Jacques Thomas appartiennent eux aussi à ce groupe de marchands qui se lancent dans l’industrie de la soie à la faveur du dynamisme de la première moitié du XIX° siècle. Le premier est un fils de commerçant d’Avignon qui s’associe à son propre père en 1817 et lui succède à sa mort en 1825. Quinze ans plus tard, il est devenu l’un des principaux fabricants-négociants de soieries. Sa fabrique de "florences" qui traite 750 kilo. de soie et produit 24.000 mètres d’étoffe est la seconde de la ville. Elle exporte directement vers Paris, Lyon ou la Belgique et entretient des relations avec des négociants d’Angleterre, de Russie et de Belgique. A sa succession, sa fortune se chiffre à 1.886.193,34 francs de valeurs mobilières, plus un domaine, une usine à vapeur ainsi que six magasins et maisons, le tout pour un total de 2 millions de francs.
Le second, né en 1787, décédé en 1871, paraît être doué d’une grande intelligence, d’un sens inné des affaires, animé par une grande ambition, très organisé et travailleur. Il monte des moulins pour ouvrer la soie dès 1804 et six ans plus tard le voilà déjà fabricant d’étoffes de soie avec une succursale à Paris. Il en ouvre une seconde à Lyon en 1830, sept ans avant de mécaniser ses métiers à tisser, modernisation qu’il est le seul à effectuer en Avignon. Entre 1840 et 1850, il dirige une filature à vapeur et renforce ses activités dans la production de la garance, plante tinctoriale nécessaire à la coloration de ses étoffes. Même si celle-ci se traduit par des réalisations philanthropiques indéniables, comme les marchands de soie, leur participation à la vie publique est loin d'être totalement désintéressée. Comme chez les marchands, celle-ci fait bien au contraire partie intégrante d'une politique méthodique de recherche d'informations fiables et exclusives. E. Poncet par exemple, en citoyen actif de sa ville, soutient la création d’une école de tissage en 1828, fait souscrire les actions de la Compagnie de chemin de fer de Marseille et se distingue en qualité de 1er adjoint lors de la vague de choléra de 1834-35. Il est logiquement élu plusieurs fois député en 1837, 1839 et 1846, occupant également les postes de conseiller général et de président du Tribunal de Commerce. De son côté, François Balthazar Sixte fait construire un hospice en Avignon pour les ouvriers, les négociants ruinés et les commis malheureux en 1851-52. Toujours attaché au sort des ouvriers, il est, lui aussi, membre du conseil municipal d’Avignon entre 1830 et 1845, date à laquelle la Légion d’Honneur vient récompenser sa carrière. Enfin, pour sa part, Charles Guillaume Jacques Thomas intervient également dans la vie publique puisque, entre autres charges, il est membre du Conseil général du Commerce et des Manufactures. Nadège Constantin elle-même remarque judicieusement que "ces diverses responsabilités au sein des services publics lui [Thomas] permettent de connaître l'évolution de la situation des industries et du commerce, les causes de la prospérité et du déclin (...) [cela l'a sans doute aidé à prendre des mesures permettant de s'adapter aux changements]".
Les Meynard de Valréas, en Vaucluse, appartiennent encore à une catégorie différente. Ils sont en effet originaires de la partie amont de la filière. A l'origine, ils ne sont ni avocats, ni commerçants mais sériciculteurs. Par rapport aux autres négociants, c'est ce qui fait toute leur originalité. L'aventure commence en 1822 et 1838, lorsque Hilarion-Chrisostome Meynard (1782-1853) fait successivement construire deux filatures de cocons à vapeur dans son village. En 1841, la maison "Hilarion Meynard" qu'il commande emploie déjà 145 personnes à l'année, en majorité des femmes et des enfants. Quatre ans plus tard, le fils aîné, Marius (1816 - 1861) est associé aux activités de son père et la société devient "Hilarion Meynard et Cie". Très impliqué dans la sériciculture locale, dès 1843, Marius publie un ouvrage indiquant le moyen de faire une deuxième éducation en automne et l'année suivante il postule pour participer à l'Exposition publique des Produits de l'Industrie à Paris. C'est à cette occasion que, tout en soulignant la qualité de ses produits, le jury d'admission, déclare: "(…) depuis trois ans son exploitation va s'améliorant et ses succès peuvent rendre à la France un service immense en l'affranchissant d'une grande partie du tribut considérable que nous payons aux étrangers, si l'expérience de quelques années encore sanctionne les essais faits en généralisant la deuxième récolte en automne" 59 . En définitive, ces quatre personnages appartiennent à une même catégorie d’hommes nouveaux dans le secteur de la soie qui ont su profiter des occasions que leur présentait la conjoncture. Les trois premiers sont plutôt des fabricants qui, petit à petit, par souci de contrôle sur la partie amont de leurs activités de tissage, sont intervenus dans la filature ou la production de garance. En aval, ils ont des contacts réguliers avec des négociants étrangers afin d ‘écouler au mieux leur marchandise et ils font certes fortune mais leur aire d’influence reste régionale. Ils constituent de micro-concentrations verticales sans véritable souci de modernisation ou d’innovation, se contentant d’exploiter un filon auquel leur fortune de départ leur a permis d’accéder. Les Meynard, eux, sont originaires du milieu séricicole et étendent leurs activités en aval. Des quatre capitalistes méridionaux, ce sont sans aucun doute eux qui connaissent le mieux le rythme, les caractéristiques et les risques du milieu au sein duquel ils évoluent. A cette époque donc, force est de constater que bien peu de marchands intervenant d'une façon ou d'une autre dans la filière de la soie ont atteint l'envergure des Guérin. Il faut dire que la soie est élaborée partout dans le Midi et que ce serait prendre des risques inutiles que de chercher à aller s'approvisionner ailleurs. Néanmoins, un tel état de grâce ne saurait être éternel…
Labasse p.36.
Pariset: le terme date de 1718, date d’apparition des premiers achats de soieries à l’étranger sur échantillons.
L. Gueneau, en 1923, sans mentionner d’autre repère chronologique que « jadis » (p.163), avance 1,5 à 2%.
Contre une commission de 3 %; Labasse, p. 47.
Le terme est surtout utilisé entre le XVI° et le XVIII° siècle.
Le marchand-consignataire peut en outre être chargé le l’armement et du désarmement du navire…
Labasse. Dans La famille Morel en Lyonnais et ses alliances (tomes I et II, Montbrison, 1911, 1051 p.) concernant Joseph Morel en 1816, on lit: "entraîné par les opérations de son état [il était agent de change] (...) et de leur nature très pénible puisqu'elles assujettissent celui qui l'exerce à des courses journalières et continuelles qui l'exposent à toutes les intempéries (...)", celui-ci souffrait de rhumatismes, "maladie commune à Lyon à raison de l'humidité habituelle du climat (...)" (tome I, p.267).
Pas trop souvent néanmoins car, en cas d'absence, les courtiers achètent ailleurs! Labasse, pages 26- 28.
Pages 29-30.
Labasse, p.34.
Labasse.
Labasse, p.32.
Philippe Chalmin, dans Négociants et Chargeurs, la saga du commerce international des Matières premières (Economica, 1985, 299 p., pp. 159 et 165).
Labasse, Le commerce des soies à Lyon et la crise de 1811, PUF, 1957, 136 p. L'essentiel des informations concernant cette famille est issu de cette incontournable étude ou de L. Gueneau, page 85.
P. Chalmin parle de firmes ethnocentrées.
Labasse, p.49.
mais lesquelles ?
Article de Jean-Paul Chabrol, "Laurent Parlier, négociant en soie" in Gé-Magazine n°130, pp. 24-26, extrait de son livre Les seigneurs de la soie, trois siècles de la vie d'une famille cévenole (XVI° - XIX°) paru aux Presses du Languedoc, 1994, 317 p.
tissu en laine bon marché, rustique et solide.
"Les marchands de soie qui vont à pied et de maison à maison pour faire leurs achats méritent d'être bien reçus [lorsqu'ils portent des fonds] par les propriétaires nantis de quelques paquets défectueux. Ces hommes n'y connaissent rien (...). J'en fis hier l'immense expérience puisque trois marchands de ce genre, et différents (...), eurent l'honnêteté ou la bêtise de n'y trouver d'autre défaut que le manque de couleur. (...) Voyez par là que les sottises d'autrui servent à faire des affaires".
D’autres Parlier continuent à faire du négoce mais dans une branche du secteur textile beaucoup moins exposée cette fois-ci, à savoir le commerce des indiennes en coton.
Ces exemples sont tirés de: Nadège Constantin, "la soie à Avignon, la dernière floraison d'une vieille industrie dans la première moitié du XIX° sc, les "hommes de la soie" in Cahier n°21 de Sauvegarde et Promotion du Patrimoine Industriel en Vaucluse, 1994, 47 p.
Nadège Constantin in Sauvegarde et Promotion du Patrimoine industriel en Vaucluse, Cahier n°25.
J.P Locci et M. Baussan-Wilczynski, les Meynard, sériciculteurs à Valréas in n°25 des Cahiers pour la sauvegarde et la Promotion du Patrimoine industriel en Vaucluse, 1996, 47 p. Hormis les indications particulières du Ministère des Affaires étrangères, dûment annotées, l'essentiel des renseignements très précis concernant cette famille est extrait de cette excellente étude.