2.4. LES BALBUTIEMENTS DU MARCHE LYONNAIS DES SOIES

Les Lyonnais sont-ils bien informés de ce qui se passe en Chine ? Ce n'est pas sûr du tout 226 . Il est très difficile d'apprécier l'état du marché lyonnais à ce moment-là. Dans une lettre de 1862 par exemple, Desgrand dit pour sa part que "depuis 10 ans la consommation des soies de Chine en France a été en moyenne de 2 millions de kilo par an (…)" et "jusqu'en 1850 la France n'employait pas les soies de Chine". Toujours selon cette source, de 1851 à 1854 Desgrand lui-même importe des soies de Chine, alors que la production française de 1856 n'est que de 600.000 kilo 227 . Si l'on se fie au discours d'A. Dufour de 1869, le marché se trouve au contraire en mesure d'exporter jusqu'à 654.000 kilo de soies grèges et ouvrées dès 1854. En définitive, il semble que du fait d'une crise à laquelle on tarde à trouver une solution, la consommation de soie soit à la baisse. La France qui en consommait 4,1 millions de kilo. en 1854-55, après être montée à 4,4 millions en 1855-56, n'en consomme plus que 3,7 en 1856-57. Aux dates identiques, la consommation de l'ensemble des pays concurrents passe de 6,4 durant les deux premières périodes à 5,5 millions de kilo 228 .En plus des difficultés évoquées sur le terrain chinois, ces dernières données explique plus sûrement qu'en se milieu du XIX° siècle, le marché lyonnais des soies se cherche encore, la plus grave question à laquelle il doit alors répondre étant: faut-il abandonner la sériciculture française ? Un ouvrage pèse alors de tout son poids dans le débat, il s'agit de: La soie c'est de l'or de S. Lamb publié à Lyon en 1856. A propos de la production séricicole nationale, tout d'abord, l'auteur fait remarquer que les fabricants français "se trouvent à la merci de quelques éducateurs du Midi", que le climat et le manque d’attention des agriculteurs rendent les récoltes irrégulières et insuffisantes, et que, finalement, "c’est une production saisissable et trois ou quatre maisons anglaises pourraient parfaitement et sans trop se gêner, l’accaparer et transporter le marché des [nos] soies indigènes sur la place même de Londres" 229 . Toujours selon Lamb, il ne faut plus compter sur l’apport italien car celui-ci part désormais de plus en plus vers les fabriques concurrentes de Suisse, d’Allemagne et de Grande Bretagne. Il s’en prend alors à ce dernier pays et affirme que si "le cotonnier américain a fait la fortune de la broche anglaise", la soie chinoise fera celle de Lyon. D'ailleurs, pour lui, si l’Angleterre voit d’un très mauvais œil le projet de percement du canal de Suez, ce qui la rend "jalouse, cauteleuse, peut-être même un peu chinoise", 230 c’est parce qu’elle voit que la soie chinoise va lui échapper. Cautionnant les efforts lyonnais en direction de la Chine, il proclame: "il y a au fond de l’Asie des placers bien plus riches que ceux de l’Australie ou de la Californie". Enfin, il souligne et déplore le fait qu’un seul négociant français se trouve à Macao et deux seulement à Shanghai. En regrettant cette indifférence et le manque de service maritime 231 , cet auteur suggère de s’allier avec les Américains pour pouvoir bénéficier de leur marine 232 et se rendre en Chine. Pour ce faire, il expose une méthode où se mêle tout à la fois pacifisme, patriotisme, religion et agressivité: "entrons à Shanghai comme acheteurs (...) la Chine n’est pas défendue (...) on peut tout obtenir du gouvernement chinois par l’intimidation, on peut même le renverser (...) mais cette œuvre accomplie il en reste une autre plus périlleuse à tenter. C’est celle de contenir une population de 361 millions d’habitants (...) L’Angleterre préfère le protectorat à la possession" 233 . Il se prononce donc sagement contre l’occupation de ce pays rappelant que l’on "n’est plus au temps de Pizarre" et, tout en soulignant l’action des missionnaires, propose que l’on se contente de chercher à faire augmenter sa production, soit par la pression, soit par des traités diplomatiques: "notre rôle, quand le moment sera venu, ne sera qu’un rôle politique (...) la diplomatie française finira là-bas ce que le catholicisme a commencé" 234 .

A nouveau, l'exemple des Meynard illustre parfaitement les dilemmes et tendances de l'époque. Dans un premier temps, Marius s'associe avec un cousin, Henri (1818-1885) pour fonder une maison à Shanghai. Par un acte du 15 décembre 1855, la maison de commerce Hilarion Meynard et Cie se lie à la maison suisse de Fleurier, Bovet Frères et Cie, pour l'achat de cocons en Chine et, dès janvier 1856, Henri part pour Shanghai où il s'installe en achetant un terrain de 50 ares en qualité d'inspecteur des achats. Le contrat est prévu pour cinq ans et stipule que les frais du voyage, ceux liés au logement, à la nourriture et au blanchissage restent à la charge de la maison Bovet ainsi que le salaire annuel de 8.000 francs. Mais, parallèlement, en 1856, Marius, crée également une école de grainage afin de tenter de relancer l'activité séricicole dans la région. Parfaitement conscient de l'importance de la réputation dans le métier de graineur, il n'hésite d'ailleurs pas cette même année à détruire tout un lot de graines qu'il avait fourni à des sériciculteurs de l'Hérault et qui s'étaient révélées être de mauvaise qualité. La tendance générale reste cependant à l'internationalisation du marché. En 1856 par exemple, la maison Desgrand, déclare faire du commerce direct de soie et de laine non seulement avec la Chine mais aussi l’Inde, l’Australie, La Plata, le Chili, la Perse et le Levant 235 . Le CA de cette dernière est déjà de 20 M FF en 1855 236 et en 1856, Desgrand demande au Ministère des lettres de recommandation et d'introduction auprès des consuls pour ses agents qui partent sonder la Turquie et la Grèce ainsi que les provinces danubiennes 237 . Selon Tcheng Tse-sio 238 , la consommation lyonnaise de balles chinoises en 1852 qui n'était que de 85 seulement, ce que confirment les statistiques douanières, bondit à 58.000 l'année suivante pour atteindre 92.000 en 1856 et finir par osciller ensuite de 55 à 75.000. Néanmoins, aucune, toujours selon Tcheng Tse-sio, ne parvient par voie directe, ce que confirment partiellement Maybon et Frédet, quand ils disent qu'en 1856, sur des exportations de Shangaï de 86.671 balles, 10.000 seulement sont adressées à Marseille. De son côté, Buissonnet situe l'apogée des exportations chinoises de soie en 1856-1857, date à partir de laquelle celles-ci se mettent à décroître, "les approvisionnements accumulés étant épuisés, la production ayant baissé d'une manière notable (...) par le fléau de la rébellion" 239 et la consommation locale s'étant remise à augmenter après la pacification". Les événements s'accélèrent et les initiatives s'enchaînent.

Un titrage est créé à la Condition 240 et en avril 1857 un négociant parisien, Sautel, propose l'institution à Lyon d'un entrepôt de produits séricicoles commercialisant pour 325 millions de soies avec commission de 3%, l'ensemble étant accompagné d'une institution de crédit, le tout garanti par l'Etat sur la base d'un revenu de 4% 241 . Lyon s'y oppose avant de reprendre le projet dès l'année suivante. Parallèlement, l'aménagement des infrastructures est poursuivi. En 1857, grâce au tunnel de Fourvière, même si celui-ci sonne le glas de Lyon en tant qu'entrepôt entre le Nord et le Sud de la France, de coûteuses ruptures de charge sont désormais économisées, contribuant à abaisser le prix des marchandises. En 1858 surtout, la Compagnie Universelle du Canal de Suez est constituée, son capital de 200 M FF réparti en 400.000 actions de 500 francs chacune. La même année, les Magasins Généraux sont installés sous la forme d'une société anonyme place Michel Servet. Leur fonction est triple: magasinage et entrepôt 242 , succursale de la douane et dépôt avec récépissé, enfin délivrance de warrants 243 . Le premier président en est A. Dufour, fabricants et banquiers de Lyon et Paris composant son conseil d'administration 244 . Complétant le dispositif, Marseille, de son côté, est devenue le port d'arrivée des cocons de Turquie et d'Asie Mineure 245 qui doivent compenser les défaillances de la sériciculture française et ainsi permettre aux filatures de continuer à exercer. Entre 1837-46 et 1847-56, leur importation passe de 149.000 à 448.000 kilo 246 et en 1858 le grand port méditerranéen se dote même d’une Condition qui est installée juste à côtédes docks 247 pour pouvoir traiter plus rapidement les arrivages. Au même moment, les relations entre le Japon et l'Europe sont elles aussi amorcées, notamment le 28 juin 1859, date à laquelle un Anglais achète à Shibaya Seigoro six balles de 30 kilo de soie chacune 248 . La même année, le premier consul français, Duchesne de Bellecourt, arrive à Edo accompagné de Louis Bourret représentant la maison Rémi Schmidtqui envoie illico en France 25 cartons de graines qui serviront à régénérer les éducations françaises, ce que confirment les études de Li Jin Mieung quand celui-ci affirme: "La belle soie japonaise fut connue en Europe à partir de 1859, dès l'ouverture du Japon, en même temps que les graines de vers à soie" 249 . Toujours en 1859, les premiers coups de pioche du chantier du canal de Suez sont donnés, tandis qu'à Marseille, la Compagnie des Docks et Entrepôts est constituée et qu'à Valréas, Henri et la maison Hilarion Meynard et Cie créent une société appelée Meynard Cousins et Cie ayant pour but: "l'achat et l'expédition en Europe de produits chinois de même que la vente en Chine de produits européens, l'affrètement de navires, en général toutes les opérations commerciales qui peuvent exister entre l'Europe et la Chine". La crise du milieu du siècle n'est plus qu'un mauvais souvenir et en 1860, afin que Marius obtienne la Légion d'Honneur, deux adjoints au maire intercèdent en sa faveur auprès du préfet en ces termes: "(…) le premier, et malgré les cris de la routine, il a organisé entre le Levant et la France le commerce des cocons, inventant le procédé de séchage et d'emballage à la presse, qui permet maintenant le transport de ce produit, autrefois si encombrant. Grâce à monsieur Meynard nos usines qui ne travaillaient que trois ou quatre mois l'été, travaillent aujourd'hui toute l'année (…)" et de surenchérir: "Monsieur Marius Meynard a organisé le commerce des cocons en Chine. A l'heure qu'il est, il n'y a encore en Chine sur le marché soyeux qu'une maison exclusivement française, c'est la maison Meynard Cousins et Cie, à Shanghai (…). Tels sont en résumé Monsieur le Préfet, les titres de Monsieur Marius Meynard à l'attention de notre auguste empereur, comme industriel. Si vous vouliez bien lors du passage de sa Majesté l'Empereur les placer sous ses yeux, les soussignés espèrent que grâce à votre intervention, une distinction serait accordée à notre maire, appelé récemment dans un discours vivement applaudi, la deuxième Providence de Valréas." L'enthousiasme est alors à son comble et dans son ouvrage L'Isthme de Suez et l'industrie de la soie R. Lançon proclame: "Qu'il s'ouvre donc, l'isthme de Suez, pour laisser passer les richesses de l'Orient et parmi ces richesses, les graines de vers à soie, les cocons et les soies de Chine!" 250 .

Une fois passé le temps de l'enthousiasme vient celui de la réflexion et des débats. Aller en Chine, oui, mais comment et pourquoi faire ? En 1860, N. Rondot présente devant les membres de la Chambre de Commerce de Lyon son Rapport sur le commerce de la France avec la Chine 251 . Ce rapport est brillant car, tout en démontrant que la soie chinoise sera à l’avenir indispensable à une Fabrique en train de passer à l’ère industrielle, son auteur jette habilement les bases de la forme que prendront les relations sino-lyonnaises dans le demi-siècle à venir et répond aux éventuels pessimistes 252 . Celui-ci fait un premier constat: "Par différentes voies, la France reçoit 30.000 balles de soies de Chine253 (…) ce qui représente (…) la valeur (…) de 90 M FF" et il enchaîne: "Il ne faut pas croire que ce commerce ait un caractère transitoire et que, si les récoltes de soie en Europe reprennent leur ancienne importance, on abandonnera les soies de Chine; cela n’aura certainement pas lieu"254. Parfait connaisseur des tendances du marché, Rondot sait que désormais les quantités de soie et de produits dérivés consommés par la Fabrique seront sans cesse croissantes et qu’il ne sera plus possible de l’approvisionner en s’adressant uniquement aux fournisseurs habituels que sont les pays riverains de la Méditerranée. Ce faisant il cherche à convaincre les filateurs qu'ils ont tout intérêt à voir se fixer en France le marché international des soies s’ils ne veulent pas voir cesser l’activité des 400 filatures rescapées de la crise 255 . Lucide, il proclame: "Lyon qui est le premier marché de soies n’est pas le plus grand entrepôt de cette matière!" et le schéma directeur qu’il expose ensuite pour attirer en France les soies du monde entier est complètement orienté en faveur de la métropole rhodanienne: "Il le deviendrait certainement s’il disposait d’une partie des ressources et des instruments du commerce anglais. La France n’a pas dans les mers de la Chine et de l’Inde de service à vapeur (…) pas une seule banque (…). Pour les transports elle est à la discrétion de l’Angleterre (…) la Compagnie Péninsulaire donne naturellement la préférence en Chine aux chargeurs (et ce sont les anglais) qui lui fournissent le plus de fret à l’aller. (…) Les opérations absolument directes de France en Chine et de Chine en France sont l’exception et n’ont véritablement, dans l’état actuel des choses, qu’un intérêt secondaire. (…) Il faut que la France ait aussi dans ces contrées lointaines plusieurs banques (…) Les banques anglaises refusent tout papier qui est tiré en francs et payable en France(…) de sorte que le tiré français doit supporter les pertes résultant des changes et des commissions de banque256". Enfin, c’est sur les effets négatifs des droits de douane qui gênent la formation du marché international des soies à Lyon que, tout en se contredisant quelque peu, Rondot insiste plus particulièrement : "Elles [les relations commerciales France-Chine] ont acquis une régularité, une largeur et une solidité qui ne laissent à désirer que par le fait de circonstances indépendantes de la volonté du commerce" 257 . Notre commerce avec la Chine monte à près de cent millions (…) malgré les obstacles que nos lois de douane opposent (…) Si nous sommes arrivés aux chiffres que j’ai indiqués (…) c’est (…) grâce à l’intelligence et à l’activité des négociants français qui sont moins comprimés par la rivalité étrangère que par les effets de nos tarifs [de transport]" 258 . Enfin, pages 22-23: "Je me résume en disant: Le commerce actuel de la France avec l’Inde, la Chine et l’Australie est considérable; il dépasse 400 millions. Il est arrêté dans son développement par les droits de douane sur les matières premières et les denrées coloniales, par les droits différentiels en faveur des entrepôts et par ceux qui frappent si sévèrement le pavillon étranger, par l’absence de banques pareilles aux banques coloniales anglaises259 et de grands services à vapeur français". Mêlant adroitement intérêts commerciaux régionaux et intérêts "logistico-stratégiques" nationaux, Rondot exploite également le fait que la France entretienne une flotte importante en Asie 260 pour appuyer sa demande de création de banque en ces termes: "On aura compris qu’une institution financière de cette portée se rattacherait naturellement aux banques coloniales et qu’elle permettrait peut-être d’améliorer promptement la condition monétaire et financières de nos colonies". Enthousiaste, la CCIL approuve ce rapport qui en définitive précise ou sous-entend les grandes lignes de ce que sera la "politique extérieure lyonnaise" pour les cinquante années à venir: une politique réfléchie, ambitieuse, résolument orientée vers l’Asie et à cause de son coût et de ses objectifs, étroitement associée à celle de l’Etat.

Ce qui est très intéressant, c'est que grâce à plusieurs articles écrits par Lapareille dans La Sériciculture pratique, journal édité à Valréas, centre séricicole et de filature du Vaucluse, on connaît également l'opinion des sériciculteurs du Midi. Dans un premier temps, c'est-à-dire en 1859, ce journaliste rappelle avec émotion la maxime courante dans les campagnes de Provence dix ans plus tôt: "hors des soies de France, pas de salut 261 et rajoute: "tel était en 1849 le dernier mot de tout le commerce des soieries". Dans le numéro du 18 mars 1860, Lapareille, lui aussi prône l'ouverture vers la Chine. Il écrit: "Allons en Chine, c’est la patrie du ver à soie, c’est la mine inépuisable de ses produits (…). Si par suite du fléau qui décime nos magnaneries on était amené à organiser le projet dont nous venons d’indiquer les bases il nous semble que nous pourrions presque nous écrier « heureux malheur »!". Mais rapidement, les avis divergent entre Lyon dont l'espace commercial traditionnel est international et les départements séricicoles français. A l'image du département où il s'exprime, l'opinion de Lapareille évolue effectivement vers des positions beaucoup plus radicales. Dans un article intitulé "De l'établissement des filatures françaises en Chine", en septembre 1860, celui-ci se penche sur le problème de la qualité des soies chinoises et estime que leur perfectionnement est impossible car: "(…) les Chinois sont le peuple le plus mou et le plus mal organisé industriellement qui soit au monde". Réfléchissant sur le rôle néfaste du climat qui lui paraît trop humide, il insiste sur "la mauvaise foi instinctive, accompagnée d'une inertie de la plus haute puissance" qui semble caractériser le peuple chinois. Ripostant à M. Jouve, le rédacteur en chef du Courrier de Lyon qui prétend que "les renforts [nous] viendront de la Chine, cette mine inépuisable de produits soyeux", il affirme au contraire que la Chine n'acceptera d'exporter qu'en fonction du prixoffert, sous-entendu…il faudra y mettre un prix beaucoup trop élevé. Par l'intermédiaire du journal dans lequel il écrit, Lapareille, qui a lu le rapport Rondot, en répercute le contenu dans les campagnes du Sud-Est de la France mais en lui donnant une connotation franchement patriotique, anglophobe, voire anti-lyonnais, ce qui le distingue, cela va de soi, de son homologue: "Ce n’est pas sans raison que nous avons conduit notre lecteur jusqu’au fond de la mer de Chine (…) Tout cela était nécessaire au but que nous nous proposions d’atteindre; but élevé, grandiose et par dessus tout éminemment national262 (…) veut-on s’affranchir de l’humiliante tutelle des anglais; veut-on voler de ses propres ailes et secouer ce tribut, droit de capitation de l’industrie lyonnaise qui se paie à nos concurrents d’Outre-Manche; que l’on aille fonder des banques en Chine au lieu d’en fonder à Lyon (…). Allons créer des banques car sans cela pas de traites sur la France. Pas de traites sur la France, n’est-ce pas dire presque pas d’arrivages pour la France? (…). Le vent est aux grandes entreprises. Aurons-nous le bonheur de voir organiser une vaste association ayant le commerce de la Chine pour objet ? (…) Oui, l’entreprise que nous appelons de tous nos vœux est une entreprise nationale, par son but car il s’agit de s’affranchir d’une dépendance et d’un tribut, nationale surtout par ses moyens car (…) il faut tout en créant des facilités d’achats, organiser encore des moyens de transport (…). Puis, en rapportant les délibérations de la CCIL suite au rapport de N. Rondot, celui-ci ajoute: "le gouvernement sera prié de favoriser (…) l’établissement d’un service direct de transport par bateau à vapeur entre la France, l’Inde et la Chine et d’une banque française des Indes et de la Chine". Dans le numéro du 18 août 1860 il réclame en complément de ce programme une "intervention énergique pour ramener le calme en Chine" car les troubles intérieurs interrompent l’approvisionnement en soie de la France. Il y a au moins un point sur lequel les uns et les autres sont alors d'accord en 1860. Comme Brosset, président de la CCIL, tous réclament trois créations: une compagnie de navigation, une banque de l'Inde et de Chine et un magasin général des soies 263 . Jouve de son côté annonce que "plusieurs filateurs français, grandement patronnés, vont partir pour la Chine, afin de fonder en ce pays des filatures à l'européenne". Citant Paul d'Aspremont de la Revue d'Economie rurale, dans son article paru dans la Sériciculture pratique du 18 novembre 1860 intitulé "Les filatures françaises à Shanghai", Lapareille rapporte qu'Hilarion Meynard "organise pour la saison prochaine" une nouvelle filature qui "aura sur la sériciculture chinoise une influence qu'il est difficile de calculer d'avance".

Notes
226.

Rétrospectivement, le CRT de 1891, dans "Question des droits sur la soie" évoque juste l'augmentation de ceux pesant sur les soies asiatiques entre 1850 et 1860.

227.

AN F12 7288

228.

CCIL, fonds "Condition des soies; 1847-58"; Importations de grèges de Chine, statistiques.

229.

pp.15-16.

230.

p.29.

231.

Il déplore également, comme C. de Montigny, le manque d'adaptation des produits français proposés à l'exportation.

232.

Sans doute songe-t-il aux Instructions nautiques de l'américain Maury qui, en insistant sur le rôle géo-stratégique des points de ravitaillement en charbon pour les navires de l'époque, ont mis en évidence la nécessité pour les grandes nations en cours d'industrialisation de posséder de tels points partout sur le globe.

233.

pp 30 à 38.

234.

p.117; 42 et 102.

235.

P. Cayez op.cit. p.566 et A.N; F.12 7288. Dans ce même dossier il y est déclaré que cette maison a envoyé un mandataire en Inde et au Japon en 1859 et qu'il y est resté jusqu'en 1862. Mais, encore une fois, il subsiste un doute quant à l'exactitude des déclarations de Desgrand pour l'année 1856, puisque, à nouveau, nous n'avons trouvé aucune trace d'importation directe de soie en provenance de Chine dans les statistiques des douanes pour cette année-là.

236.

contre 28 millions en 1856, Laferrère, note 1 p.287.

237.

AN F 12 7288. 1861 pour les provinces danubiennes.

238.

"Les relations de Lyon avec la Chine", thèse , Paris, bibliothèque de l'Institut de Géographie de l'Université de Lyon et des Etudes Rhodaniennes, 1937, 182 p, p.73.

239.

De Pékin à Shanghai, p.33.

240.

Gueneau, p.175.

241.

P. Cayez, thèse.

242.

Ils reçoivent les soies en dépôt pour 90 jours avec commission de 1% sur la valeur et organisation de ventes publiques.

243.

négociables auprès des banques, soie expertisée par les courtiers à 7 ou 8% en-dessous de sa valeur. Les banques lyonnaises escomptent alors le papier à 4%, les banques Aynard et Ruffer à 3 ou 3,5%. La Banque de France ne pratique pas alors la méthode des avances sur marchandises, sauf négociation de warrants.

244.

Pour toute cette partie sur les Magasins Généraux, Gueneau, Lyon et le commerce de la soie, 1923, 266 p, p.170.

245.

Selon R. Lançon en 1859: 14 kilo en 1849, 148.988 l'année suivante, 722.192 en 1853, 947.162 en 1856.

246.

Pariset; op.cit. p.367.

247.

Cette Condition est créée le 15 juillet 1858; ses services seront petit à petit étendus à tous les textiles puis au mesurage et au classements des bois. ADBR 14.M2.45. "Soies 1883-1927" et CCIM; La Chambre de Commerce de Marseille, passé, présent, avenir, 1599-1949; 1949;110p; p.26

248.

BCEO, novembre 1926

249.

Li Jin Mieung, Lyon et le Japon à travers le commerce de la soie 1859-1914, Lyon, colloque 17-19 novembre 1994 "Lyon et l'Extrême-Orient" in Cahiers d'Histoire.

250.

R. Lançon; L'Isthme de Suez et l'industrie de la soie; 1859; p.7.

251.

Lyon Perrin, 1860, 26 p.

252.

Rapport sur le commerce de la France avec la Chine; Lyon; Perrin; 1860; 26 p.

253.

Selon Lamb, page 74 de son ouvrage, les exportations de Shanghai vers Londres en 1855 étaient alors de 2.750.000 kilo dont 300 à 350.000 pour la France.

254.

p.10. Souligné par nous.

255.

Chiffre de 1851; elles étaient 600 en 1850 dont beaucoup de petites unités à caractère familial.

256.

P. Cayez citant A. Dufour en 1856: "les consignataires fournissent à 6 mois les 3/4 du montant sur une maison de Londres qui reçoit les encaissements" (p.568)

257.

p.9

258.

p.12

259.

Et Rondot de citer comme exemples: l'Oriental Bank Corporation "fondée en 1851 et qui compte 950 actionnaires, un capital de 31,5 M FF, une réserve de 6,3 M FF, 118 M FF de dépôts (...) Elle a donné un dividende de 15% pour 1857 (...) et de 12% pour 1859 (...) L'action vaut 1.000 francs"; la Chartered Mercantile Bank of India, London and China "créée en 1854 au capital réalisé de 12,5 M FF. Le siège principal est à Bombay (...) Le dividende de 1850 a été de 14%. L'action vaut 750 francs" et enfin l'Union Bank of Australia qui "date de 1837, (...) 1.200 actionnaires, (...) capital de 25 M FF (...) ses dépôts montent à 70,3 M FF (...) Ses dividendes ont été de 20% pour 1857 (...) 16% pour 1859. L'action (...) vaut (...) 1.450 francs en Australie. Le siège principal est à Londres; elle a 23 succursales en Océanie (...)".

260.

Celle-ci impliquant par conséquent d'importants mouvements de trésorerie exigeant à leur tour une totale indépendance vis-à-vis de toute banque étrangère; p.21.

261.

Lapareille, la Chine, les warrants et l'avenir du commerce des soies, 1859, 47 p, p.35.

262.

Passages soulignés par nous.

263.

P. Cayez, p.568 de sa thèse.