Politique extérieure, crises, évolution économique mondiale, infrastructures commerciales et financières: les années 1850-1870 sont pour la filière lyonnaise des années cruciales. Globalement, tout en tendant à s'en affranchir, les activités de production deviennent dépendantes des activités commerciales qui les alimentent en matières premières avant de diffuser les marchandises fabriquées. En cette période de crise et d'affirmation de la concurrence, les aspects commerciaux prennent un caractère de plus en plus stratégique et, si le nombre d'intermédiaires et de transformateurs reste encore élevé et les circuits complexes, grâce à l'amélioration des moyens de communication et de transport, la tendance est déjà à la simplification des filières et à la transformation des fonctions de négoce en fonctions de courtage tandis que les marchés s'organisent autour de quelques grandes places 463 . Le contexte de crise exacerbant les enjeux et la concurrence 464 , dans une ambiance de recherche de l'efficacité maximale, tant en aval qu'en amont, on assiste globalement à une multiplication, une spécialisation et à une hiérarchisation des fonctions commerciales. Globalement encore, en amont, les volumes et les fréquences des transactions, posent désormais des problèmes de logistique qui imposent d'avoir des endroits et des personnels permettant de gérer simultanément les transactions physiques et les transactions financières. Bourses, marchés à terme, caisses de liquidation, entrepôts, se développent, la formule la plus fréquemment retenue étant celle du courtage 465 . Volumes et périodicité régulière des récoltes autorisent alors la mise en place des infrastructures nécessaires à leur acheminement et à leur vente, notamment les marchés à terme car la concentration y est possible. Sur ces derniers, les transactions sont faites directement entre les parties. Les courtiers agissent soit à la demande du vendeur, soit à celle de l'acheteur. Ils sont organisés en sociétés de personnes, ce qui les rend responsables sur leurs biens propres et ils peuvent agir auprès des importateurs pour le compte d'industriels. Souvent, ils travaillent sur plusieurs produits à la fois et, à côté des grandes maisons internationales, il existe de nombreuses firmes de courtage nationales, départementales et même cantonales, pour les truffes ou le vin par exemple. C'est d'ailleurs à cette époque que naissent les principales maisons françaises de courtage que sont Duclos et Fils et Goldschmidt 466 . A la façon des grandes compagnies du XVIII° siècle qui faisaient de même dans leurs magasins, le courtier organise des ventes aux enchères et fait la publicité la plus large possible. Il est responsable du bon déroulement des opérations, notamment financières, car les organismes de compensation ne sont organisés que tardivement 467 et il doit se couvrir par des appels de marge réguliers sur ses clients.
Par ailleurs, les fonctions se spécialisant, le commerçant n'a plus à se soucier du transport, de l'assurance ou des questions de crédit. En aval, les voyageurs de commerce ou "placiers" sont de plus en plus nombreux à partir à la conquête de débouchés tandis qu'en amont, les "commissaires-transitaires" ou "facteurs en douane" font leur apparition pour s'occuper des formalités douanières qui sont de plus en plus précises et, éventuellement, assurer l'expédition du port débarquement ou de la gare-frontière vers le lieu de destination final. Dans les ports, surtout anglo-saxons, on trouve des "négociants portuaires" dont le rôle est très important du fait surtout de leurs capacités de stockage. Sur les différents marchés, les négociants ont recours aux consignataires, leurs agents à des courtiers locaux et les courtiers agissent de plus en plus pour leur propre compte, sans compter l'intervention des armateurs, assureurs et agents de change. Les usages veulent que les conditions établies sur une place de commerce pour la réception, l'achat et la vente des marchandises soient approuvées par les Chambres de Commerce, la coutume ayant force de loi. De puissantes sociétés de commerce naissent, contrôlant d'importants moyens de transport tandis que des firmes de production réalisent de véritables concentrations verticales qui échappent plus ou moins au commerce international. Le marché lyonnais des soies a ceci d'original qu'il se distingue totalement de cette évolution globale. Au lieu d'en favoriser la rationalisation, toutes les innovations de l'époque en encourage au contraire l'atomisation. L'animation traditionnellement importante de ce marché, à cause des prix forts pour de faibles volumes de marchandises qui autorisent de nombreuses et lucratives transactions, est en effet encore renforcée par l'élargissement de l’éventail des fournisseurs et des acheteurs, donc des opportunités, grâce aux progrès des moyens de transport et de communication, ainsi que la multiplicité des récoltes asiatiques. Une telle évolution se fait par conséquent au détriment du courtage et des magasins Généraux, formules trop peu souples, notamment en période d'accélération de renouvellement des modes, et en faveur des marchands et négociants en soie. Cette évolution est lourde de conséquences car, si elle empêche toute concentration et tout monopole, à moins d'une entente parfaite entre tous les animateurs 468 , elle interdit également la constitution de puissantes firmes intégrant toutes les opérations, notamment de transport et de banque, comme cela se fait alors pour le coton ou d'autres matières premières.
Ceci explique que les Magasins Généraux et le courtage ne connaissent pas le développement attendu. Entre 1863 et 1865, les ventes publiques en soies progressent de 3.450 à 4.487 francs mais au même moment, on vend pour 28.903 francs d'autres marchandises 469 . La valeur des soies dans le dock des soies des Magasins Généraux étant alors de 9.886.932 FF en 1865 contre 4.911.000 pour les autres marchandises, ceci nous permet de déduire que 0,05% des soies sont vendues aux enchères contre 0,59% pour les autres marchandises. De 1860 à 1868, dans l'établissement de Lyon, 22 ventes aux enchères publiques ont lieu mais les ventes se composent surtout de marchandises qui n'ont pas trouvé preneur de gré à gré 470 . Selon J. Bouvier 471 , les Magasins ont un autre défaut: ils ne peuvent délivrer des warrants "avec valeur garantie". Ce n'est pas tout à fait juste car les warrants ont tout de même valeur de traites et la qualité de la marchandise qui leur sert de gage a été contrôlée par des courtiers. Le second défaut, beaucoup plus important, tient dans le fait que "les habitudes de discrétion, chères au commerce lyonnais, ne permettent pas aux prêts publics de se développer. Personne ne veut avoir l'air d'emprunter pour faire ses affaires. On conserve une défiance instinctive à l'égard de toutes les institutions officielles" 472 . A cela, il faut ajouter les inévitables tensions en période de crise, Labassse, parlant déjà à propos de la crise de 1811, "d'exaspération de l'esprit de clocher et des particularismes locaux" 473 . Dans son discours de 1869, A. Dufour, qui fait partie d'une commission pour la réforme du courtage et l'encouragement du Magasin Général, témoigne: le Magasin a fait l'objet "d'attaques" suffisamment violentes pour provoquer la démission de ses membres. Toujours selon cet orateur, ces mêmes attaques seraient à l'origine de l'ouverture des succursales d'Avignon et Marseille pour "chercher (…) les éléments de vitalité qui jusqu'à ce jour avaient manqué à Lyon". Deux pages plus loin, en affirmant son engagement en faveur des ventes publiques à Marseille, il dit: "l'intérêt privé de quelques intermédiaires influents en a décidé autrement (…) et depuis Marseille n'a fait que baisser au lieu d'augmenter. Lui aussi confirme que l'expertise officielle de la soie est lente et froisse les susceptibilités mais il défend le système des warrants qui, selon lui, a fait du Havre un grand marché du coton.
Il convient donc de nuancer le bilan du Second Empire. La puissance lyonnaise est à son summum mais en 1865-68, la CCIL en est encore à prédire un bel avenir à Lyon "quand le développement des docks et des établissements de crédit lui auront créé de bonnes conditions (...)" car Londres est toujours un centre spéculatif dont elle dépend. La CCIL se plaint par exemple que, à partir de Shanghai, que ce soit pour Londres ou Marseille, le prix de la tonne transportée par les MM est identique et signale qu'en 1868, le Parlement anglais envisage de faire partir ses navires toutes les deux semaines alors que les MM n'assurent qu'un départ mensuel. Autre exemple, le transport des soies du Portugal via l'Espagne est peu aisé, il faut donc les faire passer via Le Havre ou Porto ce qui provoque d'ailleurs la plainte de la maison Charles Meynard de Valréas. De son côté, Marseille réclame une "politique de coordination entre la voie maritime et la voie fluviale" 474 . Selon Paul Masson 475 , "le percement de Suez fut pour l'armement marseillais un stimulant puissant", néanmoins, "d'une manière générale, la fin du Second Empire est marquée par un désenchantement certain (…)" 476 . Les Marseillais ressentent en effet un fort sentiment de centralisation économique au profit de la capitale. En 1863, Alexandre Clapier constate notamment 477 : "Dans les dix années qui viennent de s'écouler, le système de centralisation a pris pour Marseille des proportions jusqu'à ce jour inconnues. Marseille ne semble plus s'appartenir. La plus riche partie de sa navigation à vapeur est concentrée entre les mains d'une compagnie dont le siège est à Paris et qui ne s'administre que par les agents que Paris lui envoie (…); c'est à Paris que siègent les administrations de ses chemins de fer, de ses docks et de son bassin de radoub; son crédit foncier a été absorbé par le crédit foncier de Paris; l'éclairage de ses rues, la propriété des terrains qu'elle conquiert sur la mer appartiennent à une compagnie parisienne". Quinze ans plus tard, O. Teissier 478 , cite à son tour la CCIMP qui, en 1866, se plaint que: "depuis quelques années, nous constatons avec regret que notre marché des soies perd de plus en plus de son importance (...). Nous trouvons la cause de ce fait dans la transformation opérée, au point de vue des relations commerciales, par le grandes entreprises et dans la facilité des rapports qui tendent à supprimer le rôle des intermédiaires en mettant le consommateur en face du producteur". Une citation du Courrier de Marseille du 14 août 1868 vient parfaire le tout: "l'état actuel des choses ne peut changer que (…) par la formation d'une grande compagnie d'importation des soies (…). Hors de là, il n'y a rien à faire et Marseille devra se résigner à voir transiter purement et simplement par ses docks (…) une marchandise de prix dont elle aurait pu devenir le marché privilégié".
En outre, même si elle est largement dominante, la situation de la filière lyonnaise des soies reste exposée tant en amont qu'en aval. Sa production de soie dégringolant à cause de la pébrine de 1.607 tonnes en 1863 à 826 tonnes en 1865, soit - 49 %, les producteurs italiens réagissent vigoureusement, se regroupent en coopératives et envoient des "hommes spéciaux au Japon" 479 pour se ravitailler en cartons de graines. A ce moment, la concurrence milanaise n'est pas encore un danger pour Lyon, loin s'en faut, mais le dynamisme transalpin est réel puisque par exemple, la CCIL estime qu'en 1865, l'Italie capte les 2/3 des cartons japonais de graines 480 . En aval, malgré l'aide apportée par les traités de 1860, la supériorité anglaise est toujours évidente. Celle-ci réside essentiellement dans la primauté et la précision de ses informations, ses docks "tenant à la disposition du commerce et de la spéculation une statistique mensuelle détaillée et parfaitement exacte du stock invendu et des livraisons. Notre seul guide sur le continent, les établissements de Condition publique, déjà bien viciés par leur multiplicité et bien imparfaits pour suivre le mouvement des soies d'Europe, le deviennent plus encore lorsqu'il s'agit des soies asiatiques". Autre supériorité anglaise, la vente "au prompt" protège le vendeur du recul éventuel des prix entre la date de vente et celle de livraison, la date d'achat faisant foi et garantissant à l'acheteur la marchandise achetée qui peut être livrée trois mois après l'achat 481 . Le marché des soies de Londres reste donc un concurrent de taille. En 1864, ses stocks contiennent toujours 36.284 balles, dont 21.191 de Chine, 8.760 du Japon et 6.333 du Bengale 482 et en 1869, la CCIM rapporte que la Suisse et l'Italie vont toujours chercher leurs soies à Londres. Sur le circuit de distribution, l'évolution des types de tissus produits à Lyon favorise le transfert du commerce vers Paris, ce qui pose le problème de l'échantillonnage 483 . Parce qu'elle regroupe les productions françaises et étrangères, et par conséquent peut répondre plus facilement aux commandes très hétérogènes qui deviennent la règle, Paris commence à affirmer de plus en plus sa supériorité sur Lyon. Sur le plan financier, les marchands de soie doivent désormais chercher à représenter des placements au moins aussi attractifs que les autres secteurs industriels alors en pleine expansion. Dans la Revue des Deux Mondes du 15 mai 1865, Bailleux de Marisy note déjà: "l'activité productrice des nouvelles industries dépasse de beaucoup les anciennes" 484 . Les banques privées n'ont pas les moyens de soutenir les tentatives des soyeux en Extrême-Orient 485 . Selon Bouvier, celles-ci sont originaires de l'aristocratie et ont pour clients l'aristocratie. La banque privée Droche-Robin, par exemple, pourtant originaire du négoce de la soie, liquide "son commerce accessoire des soies" en 1861 et suite à la perte de 700.000 francs de la succursale du Crédit Lyonnais à Marseille en 1866, les premiers dirigeants de cette banque sont alors remplacés par des représentants de la sidérurgie et des mines du Massif Central, sans doute moins enclins à s'engager dans le négoce de la soie dont ils ne connaissent pas toutes les subtilités.
Développé par P. Cayez mais surtout M. Laferrère 486 , le cas de l'industrie de la teinture est un très bon exemple de l'évolution d'une industrie lyonnaise qui, sous le Second Empire, s'affranchit de plus en plus du secteur textile et devient une concurrente pour celui-ci dans la course à l'obtention de capitaux bancaires. En 1870, en effet, cette branche de l'industrie est déjà sortie de l'artisanat et Gillet emploie 750 personnes utilisant 950 chevaux-vapeurs pour un CA de 7.000.000 FF 487 . Le cas de la fuschine est édifiant et illustre parfaitement "l'incorrigible fluidité industrielle de la soierie lyonnaise" 488 . Suite à une série de procès, les propriétaires de la fuschine, les frères Renard, parviennent à garder le monopole de la fabrication de ce colorant et fondent en 1863 une SARL au capital de quatre millions de francs au nom de "La Fuschine". En fait, celle-ci est dissoute dès 1869, ce qui fait écrire à Laferrère: "l'intransigeante attitude des propriétaires de la fuschine de 1859 à 1869 a eu de graves conséquences sur le développement de l'industrie chimique française, sur les affaires lyonnaises en particulier (...). Dès 1863 les effets économiques de la décision de justice de 1863 en faveur de La Fushine furent comparés à ceux de la Révocation de l'Edit de Nantes". En effet, Etienne Marnas quitte Lyon en 1860 pour continuer ses recherches à Bâle "chez A. Clavel, un ancien compatriote installé dans cette ville" tandis que Jean Gerber-Keller perd trois fois son procès en 1863. Il quitte Mulhouse pour s'installer à Bâle où il fonde en 1864 une usine qui fusionnera en 1898 avec la Société pour l'Industrie Chimique à Bâle 489 de Clavel. De son côté, Prosper Monnet, chimiste principal à La Fuschine pendant trois ans s'installe près de Genève en 1868 dans une usine appartenant à un fabricant de produits chimiques lyonnais, Marc Gilliard où il reste jusqu'en 1883, date à laquelle il revient à Lyon fonder la Société Monnet et Compagnie qui deviendra Rhône-Poulenc. Laferrère écrit: ceci "(...) illustre l'attitude générale des milieux de la soierie lyonnaise en face des grandes découvertes des XIX° et XX° siècles: on les utilise, parfois avec audace et profit, mais il faut un concours exceptionnel de circonstances favorables pour que le fabricant ou son façonnier engage toutes les ressources de son entreprise sur une technique nouvelle (...) c'est pourquoi la modernisation de la soierie lyonnaise fut si lente". De plus, ce même auteur souligne que les Renard se doutaient bien du déclin inéluctable de leur produit car, en "bons connaisseurs des rythmes propres de la soierie lyonnaise", l'affaire datant de la fin du XVIII° siècle", ils connaissaient bien le caractère fugitif de la mode.
Claude Fohlen 490 , dans ses conclusions sur l'évolution du secteur textile durant le Second Empire, notamment la branche de la laine, écrit que c'est une période de passage d'une industrie familiale à une industrie capitalisée avec mécanisation, spécialisation régionale, élargissement des fournisseurs, achats à terme remplaçant ceux en disponible et concentration financière. Il note le recul du travail à domicile et l'exode rural, la fin du régionalisme et la hausse de la concurrence entre centres producteurs, la recherche de l'efficacité maximale par les procédés de vente et la diversification des productions pour vendre au plus grand nombre, la dépendance enfin entre industriel et commerçant, le commissionnaire qui, en fait, dirige la production. Selon lui 491 , le monde patronal du Second empire se divise alors en quatre: le patriciat, issu de l'Empire 492 , les anciens marchands-fabricants issus de la proto-industrialisation aux modes d'ascension divers, nombreux mais aux moyens faibles, les anciens commerçants et commissionnaires qui ont acheté des entreprises et ceux qui sont venus à l'industrie "par accident". Ils font confiance dans l'Empereur mais considèrent l'entourage de celui-ci comme étant composé d'aventuriers. Les structures familiales sont solides, ce qui fait la force de l'industrie textile, les filiales étant confiées aux enfants. Leurs préoccupations économiques concernent avant tout le régime douanier et le volume des bénéfices 493 . Ils ne font pas de calcul du prix de revient et cherchent plutôt à approcher au mieux le prix que peut payer l'acheteur potentiel, ce qui s'apparente à de la spéculation. Les associations se font toujours avec des buts précis et sont éphémères. Finalement, "si le capitalisme textile s'est fondu dans le courant des échanges, il demeure encore essentiellement régional" et "la seule différence qui subsiste au sein du patronat, c'est l'inégal développement de l'esprit d'entreprise" 494 . Il est très malaisé de comparer le patronat lyonnais de la soierie, encore trop mal connu, au patronat des régions d'industrie lainière. Dès lors, il faut savoir se contenter des CRT de la Chambre de Commerce et des avis des contemporains, encore une fois trop rares. La CCIL se rend bien compte que: "la prospérité de notre industrie (…) dépend presque uniquement de nos rapports avec l'étranger; elle lui doit son activité dans les moments heureux, son salut dans les mauvais jours, et toute atteinte portée à ses relations extérieures peut devenir pour elle un coup mortel" 495 . Une enquête de la commission des exportations souligne le peu de débouchés en Afrique, en Extrême-Orient et en Inde du fait du peu de consommation. Elle estime la lutte contre les produits indigènes impossible, notamment en Asie, et les droits de douane trop élevés, que ce soit en Amérique, en Russieou en Espagne 496 . L’exercice 1864-1865 étant particulièrement difficile, la situation ne s’améliorant que quatre ans plus tard, les Lyonnais se contentent d'expliquer cette crise par un "excès de fabrication", c’est-à-dire une surproduction qu'ils attribuent à la hausse du coût de la soie et aux difficultés des pays acheteurs européens 497 . La CCIL prévoit donc un bel avenir à Lyon mais uniquement "quand le développement des docks et des établissements de crédit lui auront créé de (bonnes) conditions (…)" car Londres est considéré comme un centre spéculatif dangereux 498 . En 1869, Lilienthal insiste sur le fait que les Français n'ont aucun fret à expédier vers l'Extrême-Orient, à la différence des concurrents qui "reçoivent leur soie en grande partie à titre de retour et qui en faisant avec le même capital une opération double en diminuent évidemment le risque" 499 . Dans ce même discours du 24 avril, l'orateur regrette que les Italiens aient supplanté les Français dans le commerce des graines et prône la coopération entre tous, voulant "abandonner à tout jamais l'esprit de défiance, de jalousie et de cachotterie qui pendant longtemps présidait aux opérations commerciales". Il appelle de ses vœux la fondation d'une Bourse de la soie pour tous ceux qui la travaillent, rappelant au passage qu'à Lyon, les soies sont stockées dans 30 ou 40 maisons alors qu'à Londres elles le sont dans deux docks. Enfin, pour couvrir l'assurance du transport jusqu'à Lyon et non plus jusqu'à Marseille, il propose la création d'une société d'assurances maritimes sur Lyon qui serait préalablement déclaré "port de mer". Toutes ces idées sont adoptées dans l'enthousiasme par les membres du Congrès agricole de Lyon devant lesquels ce discours est tenu et le 21 juillet 1869, les Lyonnais créent la Société d'Assurances Maritimes au capital de 6 M FF répartis en 1.500 actions auxquelles souscrivent les banquiers Aynard, Cambefort, Morins-Pons, Letourneur et P. Germain et les marchands de soie C. Payen, Lilienthal, Guerin, Palluet et Desgrand, entre autres. Le 17 novembre 1869, le canal de suez est inauguré. De 12.000 km, la distance séparant la Chine de la France passe à 7.000 km. La performance est de taille mais, signe des temps, après avoir été vice-président du Conseil Municipal de la concession française, c'est justement dès 1870 qu'Henri Meynard repart de Shanghai pour devenir maire de Valréas où il fait construire une maison avec de grandes pièces pour pouvoir y loger notamment un grand lit chinois. A la veille de l'accélération des années 1870, voilà qui n'est sans doute pas de très bon augure…
Source : CCIL 1855-1864
Source : Wei Tsing Sing, 1960
Source : O. Tessier, 1878, p.148
Source : Teissier, 1878
Source : O.Teissier, 1878
Source : Teissier, 1878
Source : Teissier, 1878
Pour toute cette partie sur les évolutions fondamentales du commerce, P. Chalmin, Négociants et chargeurs, la saga du négoce international des matières premières, Economica, 1985, 299 p.
"Alors qu'avant il convenait d'avoir une clientèle fixe et circonscrite qu'on attendait patiemment (…) la nouvelle école se soucie avant tout de provoquer ou de multiplier les besoins et de recruter des acheteurs pour ses produits"; Lacour-Gayet, Histoire du Commerce, tome 5, 1952, 441 p, p.131.
En effet, les ventes publiques de laine ont lieu à dates fixes à Londres, en février, mai, juillet et octobre, au Royal Exchange qui fait alors office de centre mondial des transactions et du clearing. Pour le coton il y a des bourses spécialisées au Havre, à Liverpool et à Brême.
Respectivement fondées en 1874 et s'occupant de marchandises diverses pour la première et en 1866 et spécialisée dans les céréales pour la seconde.
La caisse de liquidation du marché parisien n'est créée que dans les années 1920 par exemple. P. Chalmin, p.32.
Chose irréalisable dans le milieu de la soie où l'attachement à la liberté individuelle est très fort.
CCIL 1865-1868
CCIL 1865-1868
p.21: les opérations de banque sont interdites au Magasin Général et les warrants ne peuvent être délivrés avec valeur garantie, même s'ils peuvent être achetés par la Banque de France.
Gueneau; "les avances sur warrants ont toujours été faibles".
p.33
CCIMP 1949, p.32
1906, p.518
CCIMP, 1961
Cité par P. Guiral, "Quelques notes sur la politique des milieux d'affaires marseillais (1815-1870)" in La Provence historique 1957, pp.155-174.
O. Teissier, Histoire du commerce de Marseille 1855-1874, 1878.
selon un discours de Lilienthal.
Lilienthal, discours, p.10.
Lilienthal, discours du 24 avril 1869.
CRT 1859-1864
Ce qui est différent du temps où l'on ne faisait que de l'uni noir car le choix réduit rendait faciles les commandes à passer.
Cependant, d'après l'enquête de 1866, le CA de la Fabrique est de 300 M FF environ contre 40 à 50 M FF pour le secteur de la métallurgie, 30 à 40 pour les produits chimiques et environ 10 M FF pour la métallurgie différenciée, la fabrication de chaudières et machines à vapeur atteignant quant à elle un chiffre de 6 M FF et le commerce des denrées coloniales, 41 M FF.
"Elles ne sont que les intermédiaires de la haute banque parisienne pour ce genre d'affaires", Bouvier.
M. Laferrère, Lyon, ville industrielle, essai d'une géographie urbaine des techniques et des entreprises, PUF, 1960, 541 p, pp. 158 à 161.
P. Cayez, Histoire de Lyon: "(...) dès les années 1870, l'industrie de la teinture était sortie de l'artisanat: Corron employait 300 personnes, Guinon et Marnas 600 (...) mais l'entreprise Gillet était largement dominante avec 750 employés, 950 chevaux-vapeur et un CA de 7 M FF".
Laferrère p.164.
CIBA fondée en 1884.
C. Fohlen, L'industrie textile au temps du Second Empire, Plon, 1956, 534 p.
p.79
comme les Motte dans le Nord
p.93
p.95
CCIL 1869-1870, p.18
CRT 1859-64
CCIL / CRT 1859-1864
CCIL 1865-1868, p.551
Sigismond Lilienthal (1834-1919), commissionnaire puis marchand, cumule divers négoces et joue un grand rôle dans le commerce oriental. C'est lui notamment qui, partir de 1868, équipe la nouvelle armée du Mikado et désigne Paul Brunat pour organiser la filature impériale de Tomiuka, en échange de quoi il reçoit de la soie. A.N, dossier Desgrand, F. 12 7288 et L. Gueneau, p.93.