Troisième partie
Filière de la soie, colionialisme et relation sino-lyonnaises (1895-1927)

La crise des années 1880 et l'accélération impérialiste des années suivantes donnent naissance à un environnement totalement nouveau pour la filière lyonnaise. Les revers de cette dernière en Chine depuis vingt ans, les évolutions de la demande du secteur textile, l'efficacité de la concurrence font alors hésiter ses décideurs. Finalement, dans une atmosphère de désorientation et de doute, la scission des partenaires de la "soie agricole" à propos des droits de douane, le dynamisme d'un Ulysse Pila très entreprenant en Indochine et l'impérieux besoin pour la France de maintenir son rang dans le concert impérialiste du moment, poussent celle-ci à s'engager résolument sur la voie du colonialisme.

Cette solution va lui permettre de prolonger les activités de sa Fabrique jusque dans les années 1930 mais dans des conditions de complète marginalisation. Poursuivant leurs logiques propres respectives, les partenaires bancaires et logistiques finissent en effet par se détourner d'une branche du secteur textile qu'ils sentent en perte de vitesse. Les intérêts de chacun des membres de la filière sont désormais trop divergents pour garantir une unité et une efficacité indispensables afin de redresser une situation de plus en plus périlleuse .

Ce n'est que pendant la Première Guerre mondiale que Lyon prend vraiment conscience de l'ampleur des efforts à entreprendre afin de rendre performant le secteur séricicole chinois. De son côté, inspirée par le modèle japonais, la Chine cherche enfin à mettre en place une véritable politique de développement de ce dernier afin de financer son effort de modernisation. Mais cette synergie est trop tardive. Les flux de la soie traversent le Pacifique et Lyon, dépassée par Milan sur le théâtre européen, en est réduite à jouer les seconds rôles et à poursuivre une politique coloniale qui constitue désormais son seul échappatoire afin de maintenir l'activité de ses métiers…

Le costume et la mode, Gallimard, 1992