Globalement, à la fin du XIX° siècle, la Fabrique lyonnaise repart à la hausse et reste la première puissance exportatrice de soieries du monde. Mais cette reprise se fait par à-coups, le niveau d'exportation des années 1850 à 1875 n'est retrouvé qu'en 1913 et surtout, plus que jamais, son sort est lié aux commandes extérieures. A lui seul, le Royaume-Uni., par exemple achète 45,75% de nos tissus de laine en 1909 et 1/4 de nos ventes de vêtements et lingerie. 72% des ventes françaises de tissus de soie sont assurées auprès de deux clients et un seul d'entre eux absorbe 46% de celles de tissus de laine 1385 . Plus que jamais, Londres est l'incontournable entrepôt, le centre de décision qui échappe totalement à Lyon qui en est réduit au rôle de centre manufacturier exposé aux caprices de la demande. Pariset confirme 1386 : bien que selon lui, au début du siècle, les produits de la Fabrique soient absorbés "pour plus de la moitié" par le marché intérieur, Paris reste le grand marché de centralisation des produits soyeux1387 et "Londres est devenu le plus grand marché distributeur de soieries dans le monde entier et le régulateur de leurs prix" 1388 . En position de force, "les acheteurs parisiens, anglais, américains (…) sont les premiers dès qu'ils voient poindre la satiété à déprécier le tissu favori dont ils activé la production". En outre, celui-ci précise: "Londres est le refuge des produits du continent que le marché américain ne peut pas absorber. (...) Le marché de New York en effet ne cesse d'être une cause de déception pour les fabricants européens" 1389 . Néanmoins, la force commerciale anglaise reste indispensable à Lyon. D'après un rapport du consul de Rangoon sur le marché des soieries en Birmanie par exemple, les étoffes venant de Londres et acheminées par des Anglais viennent en réalité de Lyon 1390 . C'est pourquoi les liens de Lyon avec ce pays sont très forts. En 1903, des parlementaires britanniques sont ainsi reçus à l'occasion d'un projet d'arbitrage permanent entre la France et la Grande-Bretagne, les machines en usage dans les filatures de soie à vapeur sont d'origine anglaise 1391 , la CCIL verse une allocation de 100 francs au Comité des English Evenings de Lyon en 1906 et celle-ci apporte tout son soutien à l'exposition franco-britannique projetée à Londres en 1908 "et par laquelle doit s'affirmer, sur le terrain commercial et industriel, l'entente cordiale avec l'Angleterre".
Globalement également, les modes de la période sont plutôt favorables à la Fabrique lyonnaise. C'est l'époque de la haute couture et "le goût est devenu un atout financier pour les femmes, particulièrement pour les couturières et les modistes" 1392 . En 1903, on distingue trois types d'articles textiles, trois couches sociales et trois modes de production, la société s'urbanise et toutes les classes sociales imitent les modes vestimentaires de la haute société 1393 . La fin du siècle est marquée par une grande diversité des styles, des matériaux, des changements fréquents de modes. La tendance est à la renaissance du grand façonné de soie pure et, "les fabricants, comme au milieu du XIX° siècle recherchent les soies les plus fines et les plus belles" 1394 . Peu à peu, entre Lyon et Paris, les relations évoluent enfin dans le sens d'une collaboration: "Paris détient le monopole de la création en matière de mode, Lyon celui de la création en matière d'étoffes. Une interdépendance entre la capitale et les activités lyonnaises s'instaure" 1395 et en 1903 par exemple, la CCIL proteste car il y a des problèmes sur la ligne téléphonique Lyon-Paris. Relancé dans les années 1880, le mouvement pour l'Art et l'Artisanat donne une nouvelle impulsion aux styles nationaux comme l'Art nouveau de Lalique pour lequel Bianchini-Ferrier & Cie fait des créations présentées au salon de la Société des Artistes français en 1907 1396 . Comme l'écrit M. Laferrère1397: "La Fabrique lyonnaise s'aperçoit tardivement du rôle des modes1398 mais l'utilise très bien de 1890 à 1914". En 1907, la mode remet à l'honneur les beaux dessins: "1907 est l'une des plus grandes années de la soierie lyonnaise (...) la soierie artificielle y débute vigoureusement dans la mousseline" 1399 . Deux ans plus tard, Serge Diaghilev présente son ballet russe avec de grandes tentures "suzani" d'Asie centrale et soies "ikat" qui ont une grosse influence sur les créateurs français. Si les grosses maisons spécialisées dans l'uni comme Bellon, Giraud et C.J Bonnet n'ont pas de succursale jusqu'au début des années 1890, l'entreprise J.B Martin et Beraud de son côté ouvre une filiale aux Etats-Unis 1400 . Brochier, créée vers 1890, a des succursales à Londres, en 1902, New York, en 1909 et Montréal, en 1922. Fructus et Descher est une autre maison fondée en 1896 sous la raison sociale "Ollagnier Fructus et Descher". Celle-ci fusionne en 1905 avec la maison parisienne "Coudurier" dont la maison de vente est à Paris mais dont les activités de création et de production se trouvent à Lyon. Enfin, J. Martin, quant à elle, fondée en 1843 à Tarare, ouvre une succursale à Paris dans les dernières années du XIX° siècle, idem pour Bianchini-Férier en 1898 et Coudurier Fructus et Descher en 1905 1401 .
Dans ce contexte, tout en se penchant sur son passé, toujours sous l'impulsion de la CCIL, la Fabrique lyonnaise commence à entrer dans l'Histoire. C'est ainsi qu'en 1901, la Chambre de Commerce accorde une souscription à l'Histoire de la Fabrique lyonnaise de Pariset 1402 et qu'en 1909, 1.200 FF sont alloués à M. Cuzin pour ses recherches dans les archives et à Florence sur les origines italiennes de la Fabrique lyonnaise de soieries 1403 . En 1896, une nouvelle école royale de teinture étant créée à Crefeld, "la Chambre syndicale de la Fabrique lyonnaise est frappée des efforts fournis en Allemagne" 1404 et du coup la CCIL projette la création à Lyon d'un Institut de la soie avec enseignement de la sériciculture jusqu'aux apprêts. En fait, ce n'est que la reprise d'un projet de 1877 1405 . Il s'agit de faire fusionner le laboratoire d'études de la soie, la section de tissage de l'Ecole de Commerce, l'école de tissage municipale, l'école de chimie industrielle et l'Ecole Centrale lyonnaise. L'année suivante, la Chambre syndicale des acheteurs de soieries est créée et en 1900, le total des dépenses de la CCIL pour des "encouragements à l'industrie sous diverses formes" atteint 1.501.357 FF, dont 693.281 de frais de participation aux principales expositions, soit 46,2% des dépenses 1406 . 18%, soit 271.151,90 FF, ont été consacrés à la Mission de 1895-1897. Fidèle à son souci de soigner l'enseignement professionnel, entre 1870 et 1899, le total des dépenses de la CCIL dans ce secteur atteint la somme de 1.216.226,10 FF dont 249.200 à l'Ecole Supérieure de Commerce, soit 20,5% 1407 . En 1911, le Comité lyonnais et de la région Sud-Est des conseillers du commerce extérieur de la France est créé suivi l'année suivante d'une bourse à l'école Berlitz de Lyon et, suite au projet de "Collège oriental" de l'Université, d'un projet de création, par fusion des anciens et des nouveaux cours, d'une série de cours analogues à ce qui existe à Paris à l'Ecole des Sciences morales et Politiques pour préparer aux carrières consulaires et diplomatiques.
A six années l'un de l'autre, Rondot et Pariset soulignent les progrès de l'équipement de la Fabrique 1408 . Le premier décrit l'ensemble du secteur français des soieries et compare la Fabrique lyonnaise par rapport à la concurrence 1409 . Par exemple, il rappelle que le nombre de métiers mécaniques dans le monde en 1871 était de 17.000 dont 5.000 en France et le reste en Europe. En 1892-93, il est de contre 67.600 dont 26.000 en France, ce qui signifie que la part française est passée de 29,4 à 38,4 % 1410 . A ce moment, il y a 15.000 métiers mécaniques aux Etats-Unis, 12.000 en Allemagne, 8.000 en Autriche, 7.800 en Angleterre, 7.200 en Suisse, 3.600 en Italie et 1.600 en Russie. Rondot estime la production française moyenne de soieries entre 1889 et 1893 à 614 M FF dont 370 millions pour Lyon. A elle seule, la Fabrique "pèse" 300 M FF, 520.000 personnes et 350 M FF "de salaires et de profits". Pour 1893, il estime à 16.000 le nombre de métiers intra-muros et 50 à 55.000 à la campagne, auxquels il faut ajouter 25.010 métiers mécaniques dans de grands établissements. Il semble qu'entre 1894 et 1901, la mécanisation continue de progresser à pas de géant et Pariset s'exclame: "l'armement de la Fabrique devient formidable", avec 33.000 métiers automatiques, soit l'équivalent selon lui de 99.000 métiers à bras, auxquels il faut ajouter 45.000 "métiers disséminés dans les départements qui avoisinent le Rhône et 8.000 métiers renfermés dans la ville. C'est un total de 152.000 métiers (...)". Toujours selon Pariset: "Les fabricants lyonnais, qui, jusqu'alors, pour lutter contre les concurrences étrangères, s'étaient contentés de l'abaissement des salaires réalisé par le tissage dans les campagnes, se tournent vers les machines. Ils font étudier et reproduire, avec les changements qu'ils jugent utiles, les engins mécaniques qui sont utilisés en Angleterre et en Suisse (...)". Entre 1872 et 1893, 25.000 métiers ruraux disparaissent et à la fin du siècle ils ne sont plus que 40.000. A l'inverse, le nombre des métiers mécaniques est quant à lui passé de 18 à 30.000 entre 1879 et 1898. Au total, en convertissant les 33.000 métiers automatiques en 99.000 métiers à bras, Pariset estime à 152.000 le nombre de métiers animés au sein de la Fabrique lyonnaise à la fin du siècle. Dans son tableau n°6, P. Cayez estime le nombre de métiers de la Fabrique à 93.000 en 1889 dont 22.000 mécaniques 1411 et 16000 en ville. H. Pommier est encore plus précise. Selon elle, en 1888, 19.319 métiers mécaniques sont rassemblés dans 182 établissements. En 1894, les 28 plus grands des 209 établissements que compte alors la Fabrique concentrent à eux seuls 9.454 métiers mécaniques. 68 de ceux-ci et 40% des métiers mécaniques appartiennent à des fabricants lyonnais. Néanmoins, le mouvement de concentration reste limité car en 1867 déjà, les 13 plus grosses entreprises concentraient 46,8% de la production soyeuse 1412 . En fait, la Fabrique est purement et simplement divisée en deux secteurs distincts: moderne et mécanisé d'un côté, rural et traditionnel de l'autre. Pour finir, Pariset parle en 1899 d'une "statistique sérieuse" qui estime à 49.000 le nombre de métiers à bras, dont 8.600 dans la ville de Lyon, et 33.400 le nombre de métiers mécaniques, dont 2.380 dans la ville de Lyon et les environs tandis que N. Rondot 1413 détaille la production totale française: 610 M FF plus 50 M FF d'importations, soit 660 M FF de "mise à la vente". 380 M FF de soieries sont exportées, ce qui fait 280 M FF restant pour la consommation intérieure, soit 73 %. Fait complètement nouveau, c'est donc le marché intérieur qui soutient désormais la croissance de la Fabrique lyonnaise. En 1900, la France importe même 40 à 45 M FF de soieries étrangères dont 15 à 20 M FF d'étoffes suisses, 9 à 11 millions de tissus anglais et 1 million de produits italiens 1414 .
Tous ces chiffres ne doivent donc en aucun cas masquer le fait que le secteur de la soierie français, et en son sein la Fabrique lyonnaise, connaissent de sérieuses difficultés en ce changement de siècles. Par exemple, l'industrie lyonnaise qui avait toujours négligé de présenter des représentants pour siéger à Paris au titre d'experts en douane car cela nuisait aux affaires et ne procurait aucune indemnité, présente enfin une liste en 1895. Autre exemple, la crise économique financière de 1907 oblige la CCIL à dépenser 5.000 FF de secours pour le chômage 1415 . Pour N. Rondot 1416 , ces difficultés s'expliquent par les droits américains sur les étoffes de soie, 50% "depuis 20 ans", et les mauvaises récoltes de blé, vin, sucre et huile, le renchérissement de ces denrées entraînant un recul de la consommation des populations rurales. Pour Pariset, en 1896, il faut incriminer la crise des valeurs minières à Londres et Paris, les fortes variations de change en Italie et Extrême-Orient, la pléthore du marché américain, le "délaissement momentané des façonnés" et la réapparition de l'influenza à Paris. Pour le même auteur, mais en 1901 cette fois-ci, la crise de 1891 est due à "l'état politique et financier de l'Amérique du Sud", aux changements de tarifs douaniers américains, à la violente crise commerciale en Angleterre et de nouveau à l'épidémie d'influenza à Paris. De son côté, E. Pellerey constate qu'entre 1894 et 1902, la consommation de soie en Allemagne a augmenté de 35%, en Suisse de 17%, en Italie de 92%,en Russie de 62% et en France de 10% seulement, ce qui lui inspire: "commercialement et industriellement, la France n'est plus la première nation du monde pour la soie. L'Italie s'est substituée à elle dans la manipulation et les Etats-Unis l'ont supplantée dans le domaine de la fabrication". Dans la production de soieries, il insiste: "les Etats-Unis nous ont enlevé notre rang en 1902" et, soulignant la sujétion vis-à-vis des pays fournisseurs de matière première, il constate qu'à cause des facilités de transport offertes par la Compagnie du Nord-Deutschland Lloyd via Gênes, depuis 1903, Milan supplante Lyon qui n'a plus le premier rang des marchés des soies en Europe 1417 . De son côté, N. Rondot regrette la disparition des "tisseurs-propriétaires-ouvriers" car c'était une "élite fière, ingénieuse et habile (...) d'une trempe rare". Il constate que : "la soie n'est plus réservée pour les étoffes de soie les plus rares. La fabrique de soieries n'a plus à ne chercher que l'invention des plus hautes élégances. L'excellence de la matière, la science et la correction de la tissure, l'art dans le dessin, la perfection dans l'exécution, sont devenus l'exception". Il rappelle que le grand façonné fait l'orgueil de Lyon et parle de Lyon comme du plus célèbre marché de toute l'Europe, "celeberrimum totius Europae emporium". Plus qu'il ne parvient à l'expliquer, Rondot sent bien qu'une page de l'Histoire lyonnaise est en train d'être définitivement tournée.
Il remarque qu'une partie des métiers "variable suivant les circonstances, ne battent pas. Ils représentent à eux seuls un capital immobilisé de 65 à 70 M FF et il ne faut pas compter moins de 40 M FF pour l'autre partie de l'outillage de la fabrique, c'est-à-dire pour la teinture, etc... (…) malgré les difficultés inséparables de notre condition, de nos habitudes de travail et de notre faiblesse relative en quelques points (...) nous voici entrés dans une période nouvelle, qui sera pour un temps, une période d'observation". Pour lui, la crise de la fin du XIX° siècle est due un malaise général, sur tous les marchés à la fois, alors qu'auparavant, tel problème à tel endroit du globe était compensé à un autre endroit, la croissance de la Fabrique n'étant ainsi jamais interrompue. Son analyse structurelle est la suivante: "(...) le jour où notre pouvoir consommateur se sera relevé, la mode remettra en faveur la soie pure, la belle soie, de récolte française, de filature française et d'ouvraison française. (...) Depuis vingt cinq ans, dans l'industrie de la soie, presque tout a changé (...) les concurrences plus nombreuses et plus pressantes (...). Aujourd'hui tout est si ardu qu'on ne peut, avec quelque certitude, que défendre et conserver les positions dont on est encore maître (...). Pour la soie, la soie de nos magnaneries, l'espoir est incertain (...) celles-ci [les difficultés] grandissent sans aucun doute et elles grandiront encore. Elles peuvent être surmontées jusqu'à un certain point, et c'est une question de salut public que d'en entreprendre la solution (...) il n'y aura de solution durable que par le progrès, que par une plus haute valeur des hommes. Cette plus haute valeur, elle s'acquiertsous nos yeux par le libre jeu du travail personnel (...) Nous n'en restons pas moins convaincu qu'on trouvera dans l'institution d'un système d'enseignement plus complet et plus large un des plus efficaces moyens de garder notre force et de l'accroître. (...) La marche de l'industrie est désormais liée à la marche de la science; il faut savoir tirer un meilleur parti de celle-ci (...) Le développement merveilleux des moyens de communication augmentant la pression de la concurrence internationale, l'action du commerce doit être plus directe, conduite avec plus de rapidité, et doit s'exercer sur un terrain plus étendu: nous n'avons pas encore tous les hommes propres à cette tâche, il faut les former". Cette analyse est symbolique de l'état d'esprit lyonnais en cette fin de siècle. Très patriotique et très libérale, elle s'appuie sur le perfectionnement individuels des hommes et l'adaptation aux techniques modernes mais elle ne fournit, ni ne propose, aucune politique, aucune méthode globale, aucune consigne. Elle se contente de prodiguer des conseils en attendant des jours meilleurs.
L'analyse que fait Pariset a de nombreux points communs avec celle de Rondot. Elle est libérale: "Avec le XIX° siècle une ère nouvelle s'est ouverte pour la Fabrique lyonnaise. Les barrières qui pendant trois siècles l'avaient tenue enfermée dans l'étroite enceinte du régime corporatif ont été renversées" 1418 . Elle aussi vante les réalisations lyonnaises et se félicite du recul à la fois des prix de la matière première grâce aux soies asiatiques et du coût de la main-d'œuvre grâce à la mécanisation: "Dans la seconde moitié du siècle, la Fabrique lyonnaise a utilisé avec un remarquable esprit d'initiative et une grande science pratique, l'abondance des soies asiatiques qui a déterminé une notable diminution des prix de la matière première1419, et l'introduction des machines qui ont été la cause d'un grand abaissement de la main-d'œuvre dans toutes les opérations industrielles". Néanmoins, Pariset, lui aussi regrette l'évolution à laquelle la Fabrique a été soumise: "l'importation des soies asiatiques a troublé le marché de la matière première déterminant dans les prix des variations fréquentes, brusques et dangereuses (...) quelle dure époque pour la Fabrique lyonnaise (...) entre 1877 et 1885, période qu'on peut nommer la période des étoffes mélangées". Si pour lui, 1885 est l'année d'un nouveau départ, c'est uniquement parce que la mode se tourne à nouveau vers les soieries unies: "Une ère nouvelle d'activité s'est donc ouverte pour la Fabrique lyonnaise, en 1885, avec le retour de la consommation aux étoffes de soie pure". Selon Pariset, la fin du siècle est donc une période d'apogée pour la Fabrique lyonnaise: "Non, la diminution désolante des métiers renfermés dans la ville de Lyon ne coïncide pas, à la fin du XIX° siècle, avec une détresse de la Fabrique lyonnaise semblable à celles que nous avons rencontrées à la fin du XVII° et à la fin du XVIII° siècle; c'est en 1899 que la Fabrique atteint son apogée, et qu'elle présente ce magnifique bilan de sa production (...)".
En réalité, ce discours triomphaliste dissimule mal un désarroi certain et une profonde amertume: "La production devient tout autre, et la Fabrique lyonnaise, tout en conservant le pouvoir de prendre, à certains moments, l'allure d'une fabrique aristocratique de grand luxe, doit le plus souvent se montrer fabrique plébéienne de grand bon marché. (…) Le fait regrettable pour la Fabrique lyonnaise c'est qu'il n'y a plus communion d'idées entre tous ses membres dans l'examen de ces mesures économiques. (…) La consommation est devenue insensible à la finesse et à l'élégance des tissus". Pariset est littéralement horrifié par les progrès du syndicalisme: "Dans l'usine, comme dans l'atelier, pénètrent l'action des politiciens et l'intervention despotique et violente des syndicats. (…) "Il [le syndicat] est appuyé par le gouvernement qui est représenté par le préfet. Il s'est donc produit dans le régime intérieur de la Fabrique lyonnaise en 1885, un changement; et il y a lieu d'insister sur son importance, car c'est lui qui a déterminé une nouvelle transformation dans l'outillage au détriment de l'atelier familial urbain, remplacé désormais par l'usine (...). Les ouvriers se sont constitués en un parti politique placé sous les ordres du socialisme militant. Ils sont enrégimentés; ils ont des chefs dont ils suivront aveuglément les ordres pour attaquer la liberté du patron". Et Pariset d'apporter une conclusion toute lyonnaise d'inspiration: "Ainsi, au commencement du XX° siècle la Fabrique lyonnaise est transformée d'une manière heureuse au point de vue industriel mais elle demeure troublée dans son régime économique et son régime social (...). Puissent les ouvriers, appréciant les conditions économiques de l'industrie et les règles de l'équité, se défendre contre les utopies du socialisme et du collectivisme! Puissent les fabricants, chrétiennement inspirés, remplir les devoirs de justice et de solidarité imposés par le lien moral qui devrait exister entre le capital et le salaire". Pariset n'est pas objectif. Rondot, au moins, constate que pour la période 1889-18931420: "chose étrange, il n'y a pas eu dans le personnel directeur une transformation pareille à celle qui s'est opérée dans le déplacement du travail et du matériel; cependant la transformation a commencé". Voilà sans aucun doute où se situe le problème de la Fabrique et de sa filière en ce début de siècle: les décideurs ont vieilli, méthodes et mentalités sont restées inchangées depuis un demi-siècle. A propos du projet d'impôt sur le revenu en 1896 par exemple, voci l'opinion de la CCIL: "Autorisant l'Etat à pénétrer dans le foyer domestique pour y découvrir les situations individuelles, il deviendrait avec son cortège inévitable d'investigation, de vexation, de délation, un impôt d'antagonisme et de discorde sociale. Il causerait un dommage particulier au crédit des industriels et des commerçants" 1421 . Lors de la réception d'une mission chinoise à Lyon, 27 avril 1905, Isaac proclame: "Nous travaillons pour la paix, pour le bien-être et pour le luxe" 1422 , vision idéaliste, noble mais tellement éloignée des réalités du moment. laissons le dernier mot à Lacour-Gayet 1423 : "l'industrie maintient avec entêtement ses habitudes, n'employant que des matières de choix, ne livrant que des objets soignés mais chers".
Braudel et Labrousse, Histoire économique et sociale de la France Tome I 1450-1660, 1029 p, PUF, Tome II 1660-1789, 775 p.
Pariset, Histoire de la Fabrique lyonnaise, Lyon, 1901, 430 p, p.400, p.403, p.385.
En janvier 1899, mention de la Chambre Syndicale de l'industrie et du commerce parisiens des soieries dans CCIM, Sériciculture et industrie de la soie, 1876-1909.
Des barrières protectionnistes poussent en Europe Centrale tandis que le marché anglais reste d'accès libre, quitte à sacrifier l'industrie textile soyeuse nationale.
Pariset, 1901, p.401.
CRT 1894
AN F12 7224
Histoire des Femmes, tome IV, p.258.
HESM, tome IV, p.126
Pariset, 1901, p.405.
H. Pommier, p.62.
P. Scott: p.218
p.127
"Les dessinateurs lyonnais de l'époque ne font preuve d'aucun sens de l'art décoratif: ils ne se préoccupent pas de la forme des vêtements et persévèrent dans les traditions de l'Ecole des Beaux-Arts qui, depuis sa création, s'est attachée à copier des tableaux." p.128.
Laferrère, p.105
H. Pommier, Archives et Mémoire de la soierie de Lyon, CNRS, 54 p.
idem
De son côté, la CCIM crée une chaire d'histoire et de géographie économique à la Faculté des Sciences en 1898. En 1895, création de la société philanthropique "Société pour le développement du tissage" dont la mission est de réunir les capitaux nécessaires à l'achat d'outillage. Selon Pariset, p.409, cette société fusionne au début du XX° siècle avec la Caisse de prêts.
CCIL 1909, p.111. En outre, une bourse de 1.200 francs est renouvelée à M. Cuzin en 1911.
CCIL / CRT 1896, p.84
travail de N. Rondot et délégation en Suisse et Allemagne.
En 1904 par exemple, 25.000 FF de subvention de la CCIL sont accordés pour l'Exposition de St Louis aux Etats-Unis.
En outre, les rubriques "primes à des inventeurs", "allocations et subventions diverses relatives à l'industrie de la soie", "primes à la filature de la soie" sont toujours présentes dans les CRT.
Respectivement N. Rondot, L'industrie de la soie en France, Lyon, impr. Mougin-Rusand, 1894, 147 p. (pp 85-86, 90-91, 105, 111, 416 pour l'essentiel) et Pariset, Histoire de la Fabrique lyonnaise, Lyon, 1901, 430 p (pp. 387, 401, 411 pour l'essentiel).
Selon lui, St Etienne fabrique pour 100 M FF, dont 92 M de rubans. En 1840, cette ville comptait 23.400 métiers dont 18.400 à une pièce, plus 5.000 métiers "à la barre avec métier Jacquard", 23.500 métiers dont 6 à 7.000 à une pièce en 1875 et en 1893, 26.615 métiers dont 3.216 mécaniques, "l'électricité a été introduite à St Etienne (...) dans de petits ateliers et a placé ceux-ci dans des conditions de travail plus économiques. C'est un progrès très intéressant". A cette date, 75% de la production stéphanoise de rubans est exportée. Dans le Nord, "les fabricants de Roubaix sont pour ceux de Lyon de redoutables concurrents en plusieurs articles". Sur 20 M FF de production de Roubaix - Tourcoing, 14 millions partent à l'exportation. Calais, Caudry confectionnent des tulles et des dentelles, Gard et Hérault sont spécialisés dans la bonneterie, Lyon, Tours, Nîmes, Roubaix, Tourcoing, Amiens, Bohain dans les étoffes, lacets, tresses et passementerie sont l'apanage deSt Etienne, St Chamond, Lyon, Paris, Nîmes, Ambert, ce qui fait dire à N. Rondot: "le tissage de la soie (...) est répandu dans dix cercles au moins, chacun d'un rayon différent. Dans aucun d ces cercles, la fabrique n'a le même caractère et la production y est fort inégale. Le nom de la ville qui en est le foyer principal suffit à marquer la nature du travail". Pour finir, la Picardie, qui produit gazes, crêpes et articles de nouveautés à partir de schappe avec laine peignée ou coton, se trouve dans l'orbite directe de Paris. Ses fabricants y résident ainsi que les créateurs de dessins, d'armures, de nouveautés, les directeurs du travail et les vendeurs. La fabrication rurale est dispersée, la production changeante.
Le tissage automatique a sa Chambre syndicale et un organe spécial, le Moniteur du tissage mécanique des Soieries qui paraît deux fois par mois Pariset, p.111.
et 25.004 métiers mécaniques en 1894.
cite Cayez p.631
p. 108
Pariset, p.403.
CCIL / CRT 1908
1894, p.11
La sériciculture coloniale et l'industrie française de la soie, Paris, 1905, 70 p, p.14, p.6, p.10.
pages 423, 406, 393, 397, 421, 422 et 430.
"(...) le tissu façonné a été livré à 100 francs, en moyenne, au lieu de 160 francs, le kilo; le tissu uni à 75 francs au lieu de 125 francs. Ces résultats ont été obtenus grâce à deux événements (...). Les progrès réalisés dans la construction des métiers automatiques (...). Le perfectionnement des soies grèges dites "filatures", importées de Canton et Yokohama (...)".
Période durant laquelle 300.000 ouvriers et employés vivent de la soie. Il y a alors à peu près 300 fabricants.
CCIL / CRT 1896, p.280
Fonds Réception, CCIL
Lacour-Gayet, Histoire du commerce Tome V, le commerce depuis le milieu du XIX° siècle, 1952, 441 p, p.195.