4 Conclusion

L’identification des SN avec article zéro ne peut pas être résolue seulement au moyen de l’observation du contexte syntaxique mais aussi grâce à un raisonnement logique. Nous avons déjà fait quelques remarques là-dessus dans l’analyse des contextes présentés dans cette section.

L’idée principale de l’approche des syntagmes nominaux est que ceux-ci sont en relation avec la réalité extralinguistique de l’auteur en opposition aux mots clés. Les mots clés, souvent composés d’un simple mot de la langue, ne font pas référence aux objets du monde réel, ce sont des signes sans références. On a ici intervention de la logique intensionnelle où le signe ne désigne qu’un ensemble de prédicats. On parle alors du générique. En revanche, lorsqu’on parle du syntagme nominal on parle du spécifique. C’est l’intervention de la logique extensionnelle. Le syntagme nominal fait référence à la réalité extra-linguistique car il est un prédicat lié, déterminé soit par un article, soit par un autre type de déterminant (adjectif démonstratif, un pronom indéfini, etc.). Un prédicat lié est donc la transition entre la logique intensionnelle et la logique extensionnelle. Le prédicat lié fait référence, encore sans détermination, à une réalité extralinguistique.

Nous avons observé, dans les contextes des SN extraits du corpus de notre mémoire de DEA, que l’omission d’article se trouve souvent devant des prédicats liés parce que ceux-ci sont des termes déterminés, soit par un syntagme prépositionnel, soit par des noms abstraits. On trouve encore des termes qui sont au pluriel, ce qui permet de penser qu’il s’agit d’une référence à la réalité extralinguistique. On peut supposer que l’auteur, au moins dans sa pensée, fait référence à plus d’un objet du monde réel.

En ce qui concerne les noms abstraits, Marie-Noëlle GARY-PRIEUR fait une parallèle entre ceux-ci et les noms propres. Selon elle, ‘ « l’absence d’article caractérise on le sait l’usage le plus typique des noms propres. On a souvent relevé que les noms abstraits, eux aussi, ont plus longtemps que d’autres ‘résisté’ à l'article » 93 .

Cette affirmation, d’ailleurs signalée par M. LE GUERN, vient de corroborer ce que nous avons vu dans les exemples montrés ici.

Marie-Noëlle GARY-PRIEUR dit encore que tant les noms propres que les noms abstraits font renvoi à des entités uniques.

‘« Contrairement aux noms concrets, les noms propres et les noms abstraits à travers les variations d’un discours à l’autre, renvoient toujours au ‘même référent’. On peut illustrer rapidement cette propriété par la comparaison des SN suivants :’
a) la sagesse de Pierre
   la sagesse de Paul
   la sagesse de Jacques
c) le chien de Paul
   le chien de Zola
   le chien de Pierre
b) le Paris de Zola
   le Paris de Hugo
   le Paris de Maupassant
d) l’eau de la Seine
   l’eau de la mer
   l’eau de cette bouteille
‘Les SN (c) et (d) renvoient à des objets différents : ce n’est ni le même chien ni la même eau qui sont visés dans chacun des trois exemples. En (a) et (b), au contraire, c’est la même qualité (sagesse) et la même ville (Paris) qui sont visés à travers différents aspects définis par le complément du nom. » 94 .’

La procédure d’extraction des SN doit tenir compte des considérations faites ici. On peut suivre deux démarches pour la construction de cette procédure : 1) traitement des cas d’omission d’article en mettant un article où il faut ; et 2) extraction des syntagmes nominaux. Dans la première démarche, on fait une double analyse, tandis que dans la deuxième démarche, on résout l’omission d’article au fur et à mesure qu’on extrait les SN.

La deuxième démarche est plus acceptable car on fait l’analyse lexique une seule fois. Il reste, par contre, la question de remplacer l’article zéro par un vrai article. LE GUERN a proposé, dans son article sur la syntaxe des titres 95 , de mettre l’article devant les syntagmes nominaux avec article zéro dans les titres. Cette solution est très simple et elle a l’avantage de donner une homogénéité à l’ensemble des SN, sinon on aurait deux SN avec le même sens et de forme distincte. Or, il faut tenir compte des contextes des SN dans le discours car dans certains cas les prédicats liés sont ouverts et si on met un article défini, en fait, on procède à une fermeture logique. Il faut réfléchir sur cette nuance logique et les avantages de la solution proposée par LE GUERN. Avec l’homogénéité d’ensemble des SN obtenue à cause d’apposition d’article devant les SN, on a aussi une économie d’espace de stockage et une meilleure interaction avec l’utilisateur.

« Le désordre c’est l’ordre vu différemment. »
HYREN , 283 av. JC

Notes
93.

Marie-Noëlle GARY-PRIEUR. « A propos du fonctionnement sémantique des noms propres et des noms abstraits.». In. : Nelly Flaux, Michel GLATIGNY et Didier SAMAIN. Les Noms Abstraits : histoire et théories. Collection Sens et Structures. Paris : Presses universitaires du Septentrion, 1996, p. 136.

94.

Marie-Noëlle GARY-PRIEUR. « A propos du fonctionnement sémantique des noms propres et des noms abstraits.». In. : Nelly Flaux, Michel GLATIGNY et Didier SAMAIN. Les Noms Abstraits : histoire et théories. Collection Sens et Structures. Paris : Presses universitaires du Septentrion, 1996, p. 137-138.

95.

Michel LE GUERN. « Traitement automatique et variation linguistique : la syntaxe des titres ». Opérateurs et constructions syntaxiques : Evolutions des marques et des distributions du Xvème siècle. Paris : Presses de l’Ecole Normale Supérieure, 1994, p. 79.