4.1. Opium et classe ouvrière au XIXe siècle : un "médicament" contre la pauvreté

Il est aujourd'hui bien connu que la pauvreté et les conditions de vie précaires forment un terreau fertile pour le développement des toxicomanies ; l'Europe du début du XIXe siècle, et principalement l'Angleterre, nous en offre un exemple parlant.

L'Angleterre est alors la première puissance économique mondiale et la révolution industrielle bat son plein ; l'afflux massif de main d'oeuvre vers les villes crée à la périphérie de celles-ci une couche de population extrêmement démunie, vivant dans des logements insalubres et souffrant de malnutrition. L'alcool et l'opium se répandent parmi ces masses prolétaires qui les utilisent comme palliatifs à leur déchéance sociale et comme stimulant pour affronter les dures conditions de travail.

L'opium s'obtient facilement dans les pharmacies sous forme pure ou comme ingrédient de divers médicaments. Il est ensuite consommé par ingestion. Les médicaments opiacés sont la référence pour les pharmaciens qui les vendent sous des compositions multiples. En Allemagne, on dénombre plus de deux cents sortes de médications à base d'opium. On en loue les vertus et facilite les prescriptions, tant et si bien qu'en Angleterre, comme en Allemagne, une centaine de personnes en meurent chaque année. La France est toutefois moins touchée par l'opiophagie.

Pur produit d'un libéralisme économique, la paupérisation des masses laborieuses amènera les états, dans la seconde moitié du XIXe siècle, à repenser l'organisation de la société et à élaborer des réformes sociales. L'état va progressivement défendre la santé et la sécurité des individus, en témoignent les premières lois sur les accidents de travail qui datent de 1880 pour l'Angleterre. Ce sera la fin du libéralisme orthodoxe et la naissance de la prise en charge du social par l'état, dont les conséquences pour l'utilisateur de psychotropes seront abordées plus loin à travers la naissance de l'hygiène publique.