2.2. Universalité et relativité de la déviance

Si la déviance est un phénomène universel dans le sens où toutes les sociétés ont été amenées à réprouver et sanctionner certaines conduites, il existe très peu de comportements types qui seraient considérés comme déviants dans toutes les sociétés. En effet, si certains comportements tels que l'inceste et le meurtre sont généralement perçus comme des actes transgressifs par excellence, il existe des sociétés où ce n'est pas toujours le cas163.

Ainsi la déviance, en tant que reflet d'un système normatif particulier, est un phénomène relatif qui varie avec les sociétés et les époques164. Il s'agit donc d'une construction sociale qui ne reflète pas une réalité objective univoque165. De façon résumée, on peut dire que la norme sociale crée la déviance ; ce qu'E. Durkheim formulait déjà en son temps à propos du crime :

‘Nous ne le réprouvons pas parce qu'il est un crime, mais il est un crime parce que nous le réprouvons166.’

L'élaboration et l'application de telles normes fait intervenir un processus complexe de nature politique où divers groupements d'intérêts s'affrontent pour faire valoir leur point de vue. Seuls certains groupes sociaux suffisamment influents sont à même d'exprimer leur position et d'imposer leur définition de la déviance, souvent au détriment de la minorité concernée qui n'a pas toujours accès aux voies officielles pour se faire entendre.

Notes
163.

Dans certaines sociétés, les relations sexuelles entre parents et enfants sont considérées comme normales. Il existe également des sociétés où le meurtre du rival en cas d'adultère est toléré, c'est le cas de l'Iran où le nouveau code pénal de 1996 ne sanctionne pas l'homme qui surprend sa femme en flagrant délit d'adultère et qui décide d'assassiner les deux membres du couple adultérins.

164.

En ce qui concerne les sociétés occidentales et plus précisément la France, rappelons que l'homosexualité n'a été dépénalisée qu'en 1982.

165.

 P. Conrad & J. W. Schneider, Deviance and medicalisation, from badness to sickness, London, the C.V. Mosby Company, 1980.

166.

E. Durkheim, De la division du travail social, Paris, F. Alcan, 1893 ; cité par M. Cusson in : R. Boudon, Traité de sociologie, Paris, PUF, 1992, p. 391.