2.4. Les fonctions sociales de la déviance

En raison de son universalité, E. Durkheim175 considère le crime (une des formes principales de la déviance avec la maladie) comme normal et même nécessaire aux sociétés dans la mesure où il remplit d'importantes fonctions sociales : il initie le changement social 176 (le déviant d'aujourd'hui peut être l'innovateur de demain) et favorise la solidarité soit en canalisant les pulsions agressives hors du groupe vers un ennemi extérieur177 soit en unifiant les membres du groupe autours du projet commun de venir en aide au déviant.

A. Cohen178 a également mis en évidence un aspect positif de la déviance en montrant que si un degré trop important de déviance menace l'organisation sociale, lorsqu'elle reste dans certaines limites, elle peut être un soutien de l'organisation sociale. En effet, une tolérance modérée envers la déviance diminue les tensions sociales dues à ceux qui ne peuvent ou refusent de satisfaire les règles de la société. On évite ainsi de provoquer une surcharge de frustrations qui pourrait mener à des attaques directes contre le système social. En offrant un exutoire à certains, la déviance tolérée joue le rôle de soupape de sécurité.

Notes
175.

E. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, (éd. originale 1895), Paris, PUF, 1993.

176.

Pensons ici à l'avortement, considéré autrefois comme un crime (avant la loi de 1975 sur l'I.V.G. pour la France) et aujourd'hui comme un droit de la femme à disposer de son corps propre.

177.

Article : "Deviance", in : The concise Oxford Dictionary of Sociology, G. Marshall (ed.), Oxford Univ. Press, 1994.

178.

A. Cohen, La déviance, (éd. originale 1966), Tr. fr., Gembloux, Duculot, 1971.