2.6. Approche interactionniste et déviance

La perspective interactionniste s'inscrit dans le second courant de l'Ecole de Chicago dont le psychosociologue G.H. Mead181 (1863-1931) fut le précurseur. Ses idées sur la construction sociale de l'identité grâce au jeu dialectique de l'apprentissage de rôles suscités par les attentes des partenaires sociaux ont fortement influencé ses successeurs au sein de cette même école.

Dès le début de ce siècle, l'Ecole de Chicago développe une sociologie fortement influencée par l'anthropologie, notamment au niveau de sa méthode (observation participante, monographie de terrain), bénéficiant ainsi d'un éclairage nouveau qu'elle applique à l'étude des sociétés modernes. H. Blumer, en 1938, successeur et disciple de G.H. Mead, invente le terme d'interaction symbolique. Ce terme sera repris plus tard pour qualifier ce courant théorique qui débute182. Par ailleurs, en raison de son abord qualitatif des problèmes sociaux, l'interactionnisme s'opposera à la sociologie dominante basée sur les méthodes quantitatives.

L'interactionnisme symbolique étudie les relations entre groupes et individus, il appartient à la microsociologie ; il s'oppose au behaviorisme dans la mesure où il envisage l'organisme non pas comme déterminé du dehors par un ensemble de stimuli matériels, mais comme sélectionnant les stimuli de l'environnement en fonction de la signification subjective attribuée au monde extérieur. Les stimuli deviennent alors des symboles porteurs d'une signification partagée183.

Il en découle que le sujet construit et définit la situation par le biais de cette attribution de significations aux actions et événements sociaux. Construction qui s'élabore sous l'influence d'autrui, dans le jeu des interactions.

L'étude des groupes déviants représente l'objet de choix de l'interactionnisme symbolique. Les travaux de H. Becker184 figurent parmi les apports majeurs de cette approche, l'auteur analyse les processus d'entrée dans ce qu'il nomme la carrière déviante. Il situe au centre de son approche l'idée que la déviance n'est pas une qualité de l'acte commis, mais qu'elle réside avant tout dans la réaction de la société qui le sanctionne. C'est pourquoi cet auteur propose de distinguer le comportement déviant étiqueté comme tel par la réponse d'autrui et le comportement transgressif des règles qui peut ne pas avoir été reconnu comme tel.

L'accent est mis sur la dynamique du processus qui confronte le sujet transgresseur avec les instances responsables de la production et de l'application des règles. L'étude de la déviance ne peut donc se faire qu'en étudiant simultanément ces deux partenaires sociaux.

Notes
181.

G. H. Mead, Mind, Self and Society, Chicago, 1934.

182.

G. Lapassade, L'ethno-sociologie, les sources anglo-saxones, Paris, Méridiens Klincksieck, 1991.

183.

G. Lapassade, Les microsociologies, Paris, Economica, 1996.

184.

H. Becker, Outsiders, Studies in the Sociology of Deviance, New York, The Free Press, 1963.