6.3. Milieux socio-économiques défavorisés

Les enquêtes réalisées dans la population générale ont montré encore récemment une surreprésentation des cadres parmi les parents des adolescents s'initiant aux drogues illégales307.

Si une tendance semblable s'observait également dans les populations cliniques dans les années 1980308, on note depuis les années 1990 une prolétarisation de l'origine sociale des héroïnomanes avec une surreprésentation des enfants d'ouvriers, d'employés et de sans profession309. Par ailleurs, une origine sociale modeste est également une caractéristique des populations de délinquants récidivistes.

Il s'avère que les basses classes sociales offrent un milieu propice au développement des toxicomanies en raison du contexte socio-économique défavorable qui les caractérise. En effet, dans ces milieux les jeunes sont fortement exposés au groupe des pairs, ce qui infléchit leur socialisation dans le sens d'un risque accru d'usage de toxiques. Ces populations sont en outre passablement coupées de la vie socio-économique en raison du taux de chômage élevé qui frappe ceux dont la formation est souvent inexistante ; absence d'emploi qui aggrave une situation économique déjà précaire au départ.

L'incapacité à expérimenter des rôles sociaux gratifiants pousse à adopter des rôles alternatifs tel que celui de dealer, afin de dépasser un sentiment d'échec qui mine l'existence. L'impossibilité d'établir des projets d'avenir favorise l'adoption d'un style de vie axé sur la recherche de gratifications immédiates, or l'on sait que cette disposition psychique joue un rôle important dans le comportement toxicomaniaque.

Il en ressort que les milieux sociaux défavorisés distillent une sous-culture qui facilite l'abus de drogues illégales. Un tel phénomène est caractéristique de certaines banlieues de grandes villes occidentales. Dans ces cités délabrées et désertées par les entreprises, le commerce de la drogue représente le revenu principal pour un nombre croissant de jeunes sans emplois.

Ce type de déviance est consécutif au phénomène d'urbanisation qui a induit le développement de zones de résidence aux rapports sociaux pauvres, anonymes et distants310. Il existe en effet dans les grandes villes des aires de déviance où la criminalité, le suicide, l'alcoolisme et la toxicomanie sont particulièrement élevés en raison d'un manque d'intégration sociale.

Notes
307.

M. Choquet et al., 1992, op. cit.

308.

F. Davidson, J. Defrance et F. Facy, Recherche d'une typologie des jeunes toxicomanes, Psychiatrie de l'enfant, 1982, XXV, 2, pp. 295-318.

Les auteurs montrent une sur-représentation des cadres et professions libérales parmi une population clinique de toxicomanes comprenant 77% d'héroïnomanes.

309.

H. Lagrange et A. Mogoutov, Un retardement de l'entrée dans la toxicomanie, Déviance et Société, 1997, 21, 3, pp. 289-302.

310.

M. Cusson, 1992, op. cit.