6.5. Ecole et déviance sociale

L'institution scolaire représente une des principales instances de socialisation de l'enfant. Elle s'appuie toutefois sur les normes et les valeurs propres à la culture dominante, ce qui peut représenter un handicap adaptatif pour les élèves issus de milieux socioculturels défavorisés.

Par ailleurs, si sa fonction est avant tout la transmission du savoir et l'enseignement de compétences cognitives de base en vue de l'intégration future dans la société, elle tend également à jouer un rôle d'exclusion et de stigmatisation pour ceux qui ne répondent pas aux critères de réussite exigés. Il s'ensuit pour ceux-ci des retombées plus ou moins graves sur leur évolution psychosociale.

En effet, lorsque les expériences scolaires s'avèrent négatives en raison de la stigmatisation liée aux mauvais résultats obtenus, il s'ensuit un désinvestissement de l'école qui risque par la suite de se muer en une véritable attitude de méfiance généralisée à l'ensemble des institutions officielles.

Il a été montré qu'en ce qui concerne l'évolution vers la délinquance, d'une part les expériences scolaires antérieures ont plus d'importance que les conditions familiales et d'autre part ce sont beaucoup plus les mauvais résultats scolaires qui induisent des comportements délinquants que l'inverse. Dans un tel contexte, la qualité du lien avec l'enseignant joue un rôle protecteur important321.

Il n'est pas rare en effet de trouver des adultes traumatisés par un parcours scolaire qui fut jalonné d'échecs à répétition et marqué par le développement d'une image sociale négative et stigmatisante, suscitant le rejet de la part des professeurs, voire de la part d'autres élèves.

Si les individus ne sont pas tous égaux dans leur capacité à bénéficier de l'apport socialisateur de l'école, les institutions scolaires pour leur part présentent également des disparités quant à la qualité de leur rôle d'agent socialisateur.

Certaines recherches ont tenté de mettre en évidence les caractéristiques des établissements qui facilitent l'intégration des élèves ou au contraire qui augmentent la déviance comportementale, dont les abus de toxiques.

Ainsi a-t-il été démontré que le climat socioculturel du milieu scolaire a un impact tant sur le taux de délinquance que sur celui de consommation de toxiques. En effet, les établissements "produisant" peu de déviance se caractérisent par un corps enseignant qui s'intéresse à son travail et à ses élèves, se montre stimulant et encourageant à leur égard, a recours à des sanctions disciplinaires rares mais claires et connaît moins de conflits avec la direction322.

La structure institutionnelle en terme de taille a également un impact sur les prises de toxiques. Une étude a montré que des établissements scolaires de moins de 150 élèves présentaient des taux de consommation de toxiques significativement inférieurs à ceux d'établissements de plus de 2000 élèves323.

Ainsi, l'affaiblissement du lien social aux institutions scolaires, s'il n'est pas contrebalancé par d'autres modalités de supports relationnels, peut représenter une porte d'entrée vers la déviance sociale.

Notes
321.

L. Walgrave, op. cit. L'induction de comportement agressif par les mauvais résultats scolaires a également été mis en évidence. Cf. M. Reuchlin, Les différences individuelles à l'écoles, Paris, PUF, 1991.

322.

L. Walgrave, op. cit.

323.

H. Chabrol, op. cit.