2. Populations et critères d'inclusion

L'échantillon se compose de quatre-vingt-trois sujets en cure de méthadone depuis au moins six mois. Il comporte plus de trois quarts d'hommes (77%), deux tiers de célibataires (66%) et l'âge moyen se situe à 32 ans (les extrêmes étant 22 et 42 ans). Nous allons maintenant expliciter la procédure de sélection adoptée pour la constitution de cet échantillon.

Notre choix de comparer un groupe de sujets qui poursuivent la consommation d'héroïne durant la cure de méthadone, avec un groupe de sujets assurant un certain degré d'abstinence, est lié au but thérapeutique que poursuit l'institution. Celle-ci a en effet pour mandat d'apporter une aide bio-psychosociale aux toxicomanes dont l'usage d'héroïne est supposé source de souffrance et doit donc se centrer sur cette substance.

L'institution est prioritairement organisée autour de la réduction des prises d'héroïne, même si des contrôles (beaucoup moins fréquents) sont également effectués pour d'autres substances (benzodiazépine, cocaïne, alcool, etc.). Ceci signifie qu'un abus permanent d'héroïne aura beaucoup plus de conséquences négatives sur la poursuite du traitement (possibilité de suspension voire d'arrêt du traitement) qu'un abus permanent d'alcool. Ce traitement différentiel des abus en fonction des substances ne va pas sans donner une signification spécifique à chaque type d'abus, avec notamment une connotation de transgression plus importante en ce qui concerne l'abus d'héroïne.

Afin de constituer deux groupes contrastés, les sujets ont été sélectionnés dans un premier temps sur la base de leur consommation d'héroïne au cours des six derniers mois. Nous avons ainsi constitué un groupe de 24 faibles consommateurs (au maximum trois analyses d'urines positives aux opiacés) et un second groupe de 36 gros consommateurs (au minimum 12 analyses d'urines positives aux opiacés). En raison de la sélectivité passablement forte des critères d'inclusion adoptés, il n'a pas été possible de constituer des groupes suffisamment importants. Aussi a-t-il été décidé de conserver les sujets ne répondant pas à ces critères pour former un troisième groupe intermédiaire de 23 consommateurs moyens. En fin de compte, cette sélection est proche d'un choix au hasard et l'échantillon constitué peut être considéré comme représentatif de la population des patients en cure de méthadone (de seuil moyen à élevé) de la région genevoise.

Cette sélection globale des sujets, dont l'unique critère d'inclusion retenu est celui d'une durée de cure minimum de six mois, s'est avéré d'autant plus utile que la catégorisation des patients en fonction de la gravité de la toxicomanie s'est faite par la suite en prenant en considération l'ensemble des prises de toxiques et non uniquement la consommation d'héroïne. Car la poursuite d'une consommation d'héroïne durant la cure de méthadone n'est pas un critère suffisant pour évaluer la gravité de la toxicomanie globale, c'est la raison pour laquelle nous avons constitué un indice de consommation globale de toxiques permettant une meilleure évaluation de l'importance de la toxicomanie.

De plus, la nature des résultats nous a poussés à comparer les sujets dans un premier temps sur la base de cet indice global de consommation de psychotropes pour n'analyser que dans un second temps les caractéristiques liées spécifiquement à chacune des substances. Cette démarche a été adoptée en raison du faible pouvoir différenciateur propre à chaque drogue prise séparément.

La catégorisation des patients s'est donc faite sur la base de leur consommation globale (basée sur huit catégories de psychotropes) au cours des six derniers mois et secondairement durant toute la durée totale de la cure. Ce dernier critère a été adopté car les phases de rechutes dans la toxicomanie sont très fluctuantes et ne considérer que les six derniers mois risquait d'inclure parmi les patients à faible consommation de gros consommateurs temporairement abstinents, toutefois au vu des résultats, cette prudence s'est avérée superflue.

Ainsi, si une sélection a priori des sujets a été tentée, celle-ci a été abandonnée pour les raisons évoquées ci-dessus au profit d'une sélection a posteriori des sujets en fonction de leur consommation globale de psychotropes au cours des six derniers mois (et accessoirement durant toute la durée de la cure).

En ce qui concerne le critère d'inclusion unique (durée de la cure supérieure à six mois), il est à noter que les patients les plus instables sur le plan du comportement et de l'abus de drogues ont tendance soit à abandonner le traitement soit à être renvoyés, et ce dès les premiers mois. Il en résulte que la sélection opérée quant à la durée minimum de la cure a probablement allégé l'échantillon quant aux patients très instables.