4. Caractéristiques et mise en forme des données quantitatives

4.1. Evaluation de la consommation de psychotropes et création d'indices d'intensité de la toxicomanie

L'évaluation des prises de drogues et d'alcool est basée sur trois types de sources d'information : autoévaluation du patient ; résultats des analyses d'urines faites en laboratoire ; et à titre de contrôle, indications des soignants ayant des contacts fréquents avec les patients.

Sept catégories de psychotropes ont été prises en considération, il s'agit de l'héroïne, du cannabis, des benzodiazépines (non prescrites médicalement), de la cocaïne, des hallucinogènes, des amphétamines et de l'alcool.

En ce qui concerne la consommation récente, le sujet remplit un tableau de fréquence de consommation au cours des six derniers mois (cf. annexe 4)372. Ces fréquences de consommation constituent sept degrés allant de 0 (aucune prise, ou pour l'alcool aucune ivresse) à 6 (une prise ou une ivresse par jour ou plus). La consommation d'héroïne est évaluée grâce aux analyses d'urines, dont le nombre de positifs est converti en une échelle semblable allant de 0 à 6. Lors de l'analyse des résultats ces notes sont utilisées à titre de variables continues afin de permettre des comparaisons de moyennes.

Dans le but d'obtenir un score global de consommation récente de psychotropes ces notes sont additionnées entre elles, mais seulement après avoir été converties en une échelle ordinale à trois degrés d'intensité de consommation : le degré 0 correspondant à une consommation nulle ou négligeable, le degré 1 à un abus d'intensité moyenne et le degré 2 à un abus important ou à une dépendance (prise quotidienne ou presque)373.

En ce qui concerne l'héroïne, on ne saurait parler de dépendance dans le cadre d'une cure à la méthadone, aussi la note 2 correspond-t-elle à un nombre d'analyses d'urine positives supérieures ou égal à six au cours des six derniers mois. De plus, afin de pondérer la gravité de la dépendance alcoolique le petit nombre de sujets sous Antabus (disulfirame) est affublé de la note 3. Enfin, l'ensemble des drogues rarement consommées (cocaïne, hallucinogènes et amphétamines) sont regroupées sous une seule note allant de 0 à 1 étant donné l'absence de dépendance rencontrée pour ces substances. L'addition de chacune de ces notes donne un score global374 allant de 0 à 10, correspondant à un indice de toxicomanie récente. Le maximum effectif est de 8, ce qui démontre l'absence d'effet plafond et donc l'adéquation de l'échelle élaborée (l'ensemble des indices constitués figurent dans l'annexe 5).

Les prises de substances non prescrites durant la cure représentent un continuum de comportements allant de l'abstinence quasi complète (rarissime) à la polytoxicomanie la plus destructrice. Sur la base du score global de consommation de psychotropes au cours des six derniers mois les sujets ont été répartis en trois groupes de façon à obtenir trois catégories de consommateurs. Une première catégorie, les faibles consommateurs (FC), se caractérise par une consommation globale faible (une note au score global inférieure à 3 et une absence de dépendance), la seconde catégorie, les consommateurs moyens (CM), représente une consommation moyenne (score global entre 3 et 4), et la troisième catégorie, les gros consommateurs (GC), renvoie à une consommation importante (score global supérieur à 4).

La comparaison des résultats aux différentes variables pour chacun de ces trois groupes constituera une partie importante de l'analyse quantitative.

L'évaluation de la consommation sur l'ensemble de la durée de la cure porte également sur les sept substances psychotropes susmentionnées. Les résultats de l'évaluation précédente portant sur les six derniers mois sont pris en considération ainsi que d'autres éléments d'information provenant des patients, des soignants et des analyses d'urines. Le système de cotation de la fréquence de consommation pour chacune des substances reprend l'échelle à trois degrés explicitée ci-dessus. Le critère de dépendance correspondant à la note 2 est celui d'une consommation abusive quotidienne sur une durée minimum de trois mois, l'héroïne restant un cas à part (la note 0-2 est basée sur le nombre moyen d'analyses positives par mois). De même que précédemment l'addition de chacune de ces notes donne un score global de gravité allant de 0 à 10 (avec un maximum effectif de 8), correspondant à un indice de toxicomanie générale.

L'évaluation du comportement toxicomaniaque tout au long de la cure a été entrepris afin de pouvoir contrôler l'éventuelle présence de faux positifs dans notre mesure basée sur les six derniers mois. La toxicomanie étant souvent sujette à fluctuation en fonction des aléas de l'existence, nous étions en droit de craindre un tel biais. En effet, il est tout à fait imaginable qu'un gros consommateur traversant une phase de stabilité temporaire de quelques mois, vienne à figurer dans la classification basée sur les données récentes parmi les faibles consommateurs. Pourtant, de telles situations se sont avérées rarissimes et la comparaison des deux classifications, basée respectivement sur les six derniers mois et sur toute la durée de la cure, a montré que les groupes constitués selon l'un ou l'autre critère étaient globalement équivalents.

L'évaluation de la consommation au cours des six derniers mois s'avérait donc fiable quant à l'évaluation de la gravité de la toxicomanie. C'est pourquoi, après cette vérification, il nous a été possible de conserver une classification unique basée sur les six derniers mois. Une période plus courte (un mois par exemple) aurait sans doute été beaucoup moins fiable.

Notes
372.

L'auto-évaluation de la consommation de drogues par les patients s'est avérée très fiable au regard des analyses d'urines selon une étude récente réalisée par la Fondation Phénix (J.-J. Déglon et al., 1996, op. cit.).

373.

La délimitation sur l'échelle de fréquence de consommation (0 - 6) des seuils correspondant aux notes 0,1 et 2 s'est faite différemment en fonction des substances, de façon à obtenir des catégories suffisamment importantes. Ainsi, la note 0 correspond pour les ivresses alcooliques et le cannabis à un usage maximum de deux fois (fréquence 0 - 1), et pour les benzodiazépines à une absence d'usage (fréquence 0). La note 2 représente pour les ivresses alcooliques et les benzodiazépines un usage d'au moins quatre fois par semaine (fréquence 5 - 6) et pour le cannabis un usage quotidien (fréquence 6). La note 1 pour ces trois substances correspond à l'intervalle de fréquences intermédiaire.

374.

Ce qui ne va pas sans poser des problèmes méthodologiques difficilement surmontable, en effet comment situer sur une échelle de gravité de toxicomanie un abus multiple par rapport à une dépendance unique ? De plus, certains cas d'abus unique peuvent prendre des formes plus préjudiciables qu'une dépendance.