1.4. Instabilité professionnelle : ses liens avec l'intégration sociale et la psychopathologie

1.4.1. Introduction et hypothèses

Après avoir évalué le rôle respectif de l'intégration sociale et de la psychopathologie dans la poursuite des prises de toxiques durant la cure de méthadone, la logique de la démarche veut que nous nous intéressions maintenant à la nature des liens représentés par le troisième côté de notre triangle conceptuel en faisant abstraction de la variable toxicomanie :

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Ce troisième côté du triangle consiste donc dans les rapports de l'intégration sociale avec la psychopathologie. Dans l'analyse qui va suivre, nous avons choisi le paramètre des liens avec la société conventionnelle comme variable indépendante, et plus précisément le lien avec le monde du travail. Sur notre second axe d'analyse, cet aspect correspond à la dimension économique de l'intégration sociale.

Notre abord des liens de la psychopathologie avec l'intégration sociale est donc beaucoup plus centré sur la dimension économique que relationnelle de l'intégration sociale450, ceci afin de diminuer la complexité des analyses. Nous aborderons toutefois succinctement les relations entre intégration professionnelle et relationnelle.

Notre variable indépendante consiste donc dans l'indice d'instabilité professionnelle qui nous a permis d'identifier 32% de l'échantillon (N = 77) comme ayant des difficultés d'adaptation professionnelle. En tant que le travail a un poids symbolique de taille, ces sujets sont considérés comme faiblement reliés à la société conventionnelle, contrairement aux sujets du reste de l'échantillon qui ne présentent pas ce type de difficultés.

Cette catégorisation va nous permettre de mettre en évidence les caractéristiques des sujets en difficulté d'insertion professionnelle quant aux antécédents de déviance, à leur situation socio-économique et relationnelle, et quant à la psychopathologie (variables dépendantes).

Nous avons déjà fait l'hypothèse que la psychopathologie, en tant qu'elle représente un handicap face à l'adaptation sociale en général, sera liée à la désinsertion professionnelle. Nous nous attendons à un même constat en ce qui concerne les antécédents de déviance juvénile et adulte en raison de l'hypothèse des "vases communicants", propre à la théorie du contrôle social : liens faibles avec la société conventionnelle (ici le monde du travail) - liens forts avec la sous-culture drogue.

Rappelons que, contrairement à une évaluation ponctuelle de la situation professionnelle, telle que le fait d'être actif ou non professionnellement à un moment donné, l'indice utilisé permet de minimiser les effets de la conjoncture ou du hasard qui peuvent amener toute personne à vivre une situation temporaire de non-emploi. En effet, l'indice utilise entre autre la plus longue période de travail continu en la pondérant en fonction de l'âge, de même que la durée du chômage actuel. De la sorte, les personnes évaluées comme instables par le biais de cet indice peuvent être considérées non pas tant comme des victimes de la situation socio-économique difficile que nous connaissons en ce moment, mais plutôt comme des personnes présentant des difficultés d'adaptation aux exigences du monde du travail. Difficultés que l'on peut comprendre comme la conséquence à la fois d'une psychopathologie spécifique et d'une conception de la vie en société empreinte de valeurs propres à certains milieux marginaux.

L'indice d'instabilité professionnelle va donc au-delà d'une simple mesure de l'intégration économique et englobe aussi des aspects relationnels de l'ordre des compétences sociales.

Notes
450.

Une analyse complémentaire a toutefois montré que la psychopathologie (selon l'indice de psychopathologie durable du MMPI et les antécédents psychiatriques) était indépendante du fait d'avoir ou non une partenaire privilégiée, de la durée de la relation, de même que du fait d'habiter seul ou non. La psychopathologie n'affecte donc pas les aspects de l'intégration relationnelle évalués.