ANNEXE 9. Entretien structuré abrégé pour l'évaluation des troubles de la personnalité

Note de l'éditeur de la version électronique : Donnée absente de la version électronique.

ANNEXE 10. Protocoles des entretiens libres sur les consommations de drogues

Cas 1 : Gérard

I : Je voulais vous poser une question, si vous pouvez me dire dans quel contexte vous prenez de l'héroïne, c'est à dire...

P : Quand j'ai commencé ?

I : Non, ces derniers temps. La dernière fois ça remonte à...

P : Dans quel contexte ?

I : C'est à dire dans quel état d'esprit vous êtes...

P : Ahh, ouais, qu'est-ce qui me pousse à la prendre au fait ? Bon, ces dernier temps, c'est clair en étant au chômage c'est plus dur quand même quand on travaille pas c'est quand même beaucoup plus dur, quand je travaille ça va encore, la semaine, y a pas de problème quoi... en travaillant ça va bien, j'y pense pas. C'est clair, quand je suis au chômage c'est un peu plus dur parce que la journée on travaille moins, c'est juste en fait l'histoire d'être occupé. Dès que je fais rien de particulier ça me travaille plus dans la tête disons mais bon c'est chaque fois...

I : C'est des moments d'ennui ou bien ?

P : Ouais, voilà, on peut dire que c'est plus des moments d'ennui, ouais je crois que c'est surtout ça. Si je suis vraiment occupé, si je travaille vraiment à fond et tout j'y pense pas, je crois que c'est beaucoup à cause de l'ennui aussi. Ouais parce que quand je travaille, si je suis occupé, si je pars skier ou je fais quelque chose disons, si je suis occupé, ça me vient pas à l'esprit, ouais, j'y pense pas, ça me dit rien, ou bien même si je pars en vacances tant que je m'amuse, je suis bien, ça ne me vient pas à l'esprit, mais dès qu'il y a un certain ennui ou, ouais, dès que je m'ennuie, je sais pas trop quoi faire et tout, je tourne un peu en rond et tout, là je suis plus tenté, ça me vient plus à la tête disons...

I : Mmh...

P : C'est surtout ça.

I : Est-ce qu'il y a des sentiments dépressifs en fait quand vous êtes dans ces moments ?

P : Pff, dépressifs, disons euh...

I : C'est à dire est-ce que vous êtes dans un moment où vous avez goût à rien, vous arrivez pas à prendre de l'intérêt pour une activité...

P : Ouais ! Ouais, on peut dire, j'irais pas jusqu'à dire dépressif, mais c'est vrai que j'ai beaucoup de mal à disons réapprécier un peu les choses comme avant, parce que avant la prise de drogue, je faisais plus de sport, plus d'activité, plus d'entrain à faire des choses, c'est vrai que maintenant, j'ai plus de peine à faire des activités ou bien à vraiment me lancer dans quelque chose quoi.

I : Mmh... Et puis une fois que vous prenez de l'héroïne, ça peut être dans n'importe quel moment de la journée ?

P : ouais bon, n'importe quel moment, quand même pas le matin, ça m'est jamais arrivé trop le matin, mais bon..

I : plutôt le soir ?

P : Ouais, plutôt le soir, la journée ouais bon peut être moins, mais plutôt le soir surtout ouais. La journée ça va encore, c'est tout une histoire d'occupation, dès que je m'occupe un peu la journée ça va quoi, mais bon le soir, plus souvent ouais, puis bon quand je travaille, c'est surtout le week-end, où j'ai plus de peine, parce que bon quand je travaille pas et puis ouais, si j'ai rien à faire de spécial, j'y pense pas mal ouais. Ça me travaille pas mal dans la tête disons.

I : Ouais. Donc en fait vous y pensez beaucoup, c'est à dire..

P : Ouais, c'est vrai qu'à un certain stade quand c'est plus physique c'est psychique, bon là y a la méthadone qui me comble physiquement mais y a quand même le psychique qui reste... je trouve quand même quoi.

I : Mmh..

P : parce que la méthadone c'est bien, on est pas mal physiquement, mais dans la tête je trouve ça travaille toujours pas mal quoi. Moi je sens que même les jours où je prends pas de poudre ben disons le dosage de méthadone que je prends, je suis à 110mg, je dis pas que c'est comme si j'avais pris de la poudre, mais disons il y a quand même une certaine... vous voyez ce que je veux dire, ça ressemble un peu, pas l'effet, mais... je sais pas comment expliquer, ouais, le fait d'avoir pris de la méthadone c'est comme si j'en avais un peu pris, c'est aussi une drogue synthétique..

I : Mmh

P : Vous prenez de la poudre, vous prenez de la méthadone, c'est un peu pareil, seulement l'effet, seulement la méthadone c'est plus...

I : Plus diffus ?

P : Ouais, voilà, mais autrement dans la tête et puis je veux dire tout ce qui est question pour sortir, faire des choses, c'est un peu pareil. Même en prenant pas la poudre, au dosage ou je suis de méthadone, ça me ramollit quand même pas mal, je veux dire dans le sens où j'ai moins envie de faire des choses, de bouger, de sortir, d'aller faire du sport ou...

I : Mmh

P : Ça joue un certain rôle disons. Bon pour le travail ça aide. J'admets que quand je prends de la méthadone je suis bien pour aller travailler, ça c'est clair, pour le travail ça va bien. Mais bon, les jours de congé ou comme ça c'est pas toujours évident non plus. Bon c'est bien physiquement, on est bien et tout, mais c'est comme si sans prendre de l'héroïne on en prenait un peu, je veux dire c'est comme une drogue dans le corps c'est comme si on en avait un peu pris je veux dire, on est tout autant pété, ouais, c'est le cas de le dire, moi quand je prends de la méthadone le matin j'arrive au boulot, c'est un peu limite que les gens ils ne remarquent pas...

I : Mmh

P : Comme si j'avais pris quelque chose, vous voyez ce que je veux dire ? Les yeux, la tête, ça se voit quand même pas mal quoi

I : Mmh

P : Je veux dire, l'effet est quand même un peu pareil... l'héroïne monte d'un coup, tandis que la méthadone c'est plus...

I : Vous vous sentiez un peu dans un moment d'euphorie...

P : Ouais la méthadone ça monte plus lentement mais je veux dire l'état est le même. Vous attendez une heure que la méthadone monte, puis une heure après avoir pris la poudre, c'est un peu le même état... hein je veux dire c'est un peu pareil.

I : Et vous parliez de manque, enfin d'effet psychologique qui vous pousse à consommer...

P : Ben disons l'effet psychologique, c'est comme vous disiez avant, c'est l'envie surtout je crois, surtout à Genève, je veux dire vous sortez à Genève, vous allez n'importe où, il y a toujours quelqu'un qui est là dedans, il y a toujours quelque chose qui vous remet la dedans, qui vous remet ces trucs en tête je veux dire, à part si vous vous cloîtrez chez vous et vous sortez plus, autrement, même dans les boîtes de nuit, il arrive toujours que je croise quelqu'un qui en prend, qui en vend ou qui a quelque chose à voir là dedans disons...

I : Mmh

P : Alors ça ramène des souvenirs et automatiquement ça travaille la tête, quoi...

I : Dans une boite de nuit par exemple, l'état dans lequel vous vous sentez, il y a quelque chose qui vous manque, vous avez besoin de...

P : Ben disons ça dépend. Ouais bon c'est clair qu'avec la méthadone, si je prends la méthadone, j'ai pas envie d'aller en boîte de nuit honnêtement, parce que je suis trop raplapla, c'est clair, la méthadone à haut dosage, ça rend mou, je veux dire, ça donne pas envie d'aller bouger, il faut reconnaître, ça rend vachement calme ouais disons, on a plus envie de faire des choses calmes que des choses bruyantes ou des choses comme ça, on a plus envie d'aller au ciné, bouquiner, il y a moins l'envie de s'éclater, de faire du sport, de vraiment faire quelque chose qui bouge, vous voyez ce que je veux dire ?

I : Mmh. C'est comme si vous recherchiez un état de passivité où les sensations viennent en vous, alors que vous êtes un peu passif ?

P : Ouais, c'est clair, avec la méthadone, je vois, depuis deux trois ans que j'en prends, j'ai beaucoup de peine à retrouver les, comment dire, les joies de vivre que j'avais avant de prendre de la drogue. C'est clair, aller faire du foot, sortir, m'éclater, bon prendre une cuite de temps en temps, rigoler avec les copains, je veux dire vraiment, bien s'amuser, profiter de la vie, là c'est vrai que j'ai du mal, même avec la méthadone, j'ai beaucoup de mal...

I : parce que vous voyez moins de monde ?

P : Ouais, j'ai moins envie, moins envie d'aller au contact des gens, moins envie de sortir, j'ai moins envie de faire des choses bonnardes, j'ai moins envie.. ouais, de faire du sport...

I : Mmh

P : Ça enlève un peu, ouais, moi ça m'enlève un peu le goût de faire des choses bien, on a plus envie de rester peinard, tranquille, par exemple si un samedi soir j'ai pas envie de sortir, je reste chez moi ça me fait rien, mais je veux dire, il y a trois quatre ans en arrière, avant que je sois dans la drogue, c'était tout le contraire, je pouvais pas rester un week-end chez moi, il fallait que je sorte tout le week-end pour m'amuser, rester un samedi soir chez moi, j'étais mal à l'aise, tandis que maintenant ça me dérange pas, j'apprécierais peut-être plus, il y a plus cette envie de bouger, de s'éclater, ouais, de s'amuser en bougeant, en faisant du sport, en allant voir du monde, en allant au contact, en allant à la foule, déjà aussi voir la foule quand vous êtes un peu fatigué, la méthadone ça ramollit tellement, on a pas beaucoup d'entrain.

I : En fait ça vous coupe un peu de l'extérieur ?

P : Ouais disons ça... ouais, si on veut, ça coupe un peu c'est clair.

I : Mmh, c'est un peu comme si ça vous mettait dans un état d'autosuffisance ?

P : Ouais, voilà, si on veut ouais. Bon c'est peut être dû au dosage hein, c'est clair, je sais pas...

I : Mais est-ce que c'est pas quelque chose que vous recherchez justement, le fait de pouvoir vous suffire à vous même ? De pouvoir être chez vous...

P : Non, non, non, la je prends ce dosage parce que c'est le dosage qu'il me faut mais si honnêtement j'avais le choix de pouvoir me dire, parce que là je prends 110mg, que si 50mg ça me suffisait pour être bien, moi je préférerais prendre 50mg que 110mg et puis quitte à retrouver justement plus d'entrain à faire des choses, à faire des activités, mais là je prends ce dosage parce que c'est ce dosage qui me convient du point de vue physique et tout quoi.. mais si j'avais le choix, je préférerais être moins dosé hein, si j'avais vraiment le choix, mais bon si c'est pour être moins dosé et justement après tout le temps faire des conneries, parce que en étant moins dosé c'est encore pire après, être dosé limite, c'est encore beaucoup plus dur, c'est pas non plus une solution disons.

I : Parce que quand vous prenez de la drogue par exemple si vous êtes dans une boite et vous prenez de l'héroïne, là vous ne souffrez pas d'ennui...

P : Ah non. Là c'est pareil, moi avec l'héroïne j'ai jamais été trop en boîte, je sais pas, je trouve que l'héroïne c'est un truc qui donne pas envie d'aller en boîte, en tout cas moi non, moi je vois pas les choses comme ça, je sais qu'il y a des gens qui aiment bien aller en boite après avoir pris de l'héroïne...

I : Donc quand vous en prenez vous êtes chez vous ?

P : Voilà, ouais, déjà je déteste être au milieu de la foule si j'en ai pris, je déteste être dans un bistro quand tout le monde vous voit ou bien même si je croise des gens du travail ou n'importe quoi, je suis vachement... un peu pudique on va dire.

I : Mmh

P : Disons que moi je bosse déjà dans une banque alors j'aimerais pas trop rencontrer des gens dans une boîte de nuit qui voient dans l'état où je suis, ça me gène vis-à-vis des gens et ça me donne même pas envie, le fait de prendre de l'héroïne et de la méthadone ça rend tellement mou que j'ai pas envie d'aller danser ou comme ça

I : ouais..

P : J'apprécierais plus d'aller voir un film au cinéma... une soirée tranquille.

I : Donc en fait quand vous prenez de l'héroïne vous êtes seul avec vous même, vous vous retrouvez avec vous même ?

P : Ouais, ou alors je peux être chez un copain, discuter aussi, ou aller au cinéma avec un copain, je dis pas forcément seul, mais c'est vrai que ça donne envie des fois plus d'être seul ça c'est vrai, à long terme je remarque, avant j'avais beaucoup de peine à être seul, mais maintenant, j'apprécie des fois des moments de solitude quoi..

I : Mmh

P : C'est vrai que plus on va de l'avant puis plus j'apprécie ouais des fois c'est vrai faut reconnaître, avant c'était tout le contraire, je pouvais pas être seul une soirée, je pouvais pas quoi, je tenais pas en place, tandis que maintenant j'apprécie plus, de temps en temps.

I : Vous l'appréciez mais vous avez toujours besoin d'un élément pour supporter l'ennui que la solitude vous procure ?

P : Je comprends pas tellement ce que vous voulez dire...

I : C'est à dire que vous acceptez la solitude, mais avec le moyen de la drogue, de l'héroïne..

P : non, non, ouais, disons, on accepte.. c'est un peu dur à répondre...

I : Parce que vous dites que dans ces moments là vous pouvez ressentir un certain ennui...

P : Ouais, non, ouais, non, disons l'ennui, c'est pas le fait de ressentir un ennui, c'est le fait d'avoir pas envie de faire des choses qui, je sais pas, des activités comme du sport, vous devez courir, vous voyez ce que je veux dire disons, déjà vous dépenser physiquement, c'est pas forcément l'ennui, mais je veux dire, faire des choses plus calmes.

I : Ouais, vous dites que maintenant vous êtes plus capable d'être seul, de rester seul..

P : Ouais, je dis ça comparé à, il y a quatre cinq ans en arrière, quand je prenais pas de poudre, quand j'avais jamais pris de la poudre, ben je sortais tout les week-end c'était vraiment le contraire, je pouvais pas être seul, je supportais pas d'être seul si ce n'est qu'une heure chez moi, je devenais fou, fallait que je bouge, je pouvais pas passer une soirée chez moi seul, c'était vraiment l'opposé

I : Ah ouais,

P : Bon il y a peut-être l'âge qui fait, je sais pas c'est possible aussi, peut être je me dis c'est ça, mais il y a peut être aussi le fait de... à l'époque, j'avais peut-être 19 ans, maintenant j'en ai 24, il y a peut-être un peu de ça aussi

I : Ouais. Mais est-ce qu'il y a pas toujours la même difficulté à être seul, seulement maintenant vous utilisez justement l'héroïne ou la méthadone qui vous permettent de supporter cet état ? Cette solitude ?

P : C'est dur à exprimer... ouais...

I : Parce que vous dites que vous êtes à haut dosage, ça vous met dans un état où vous êtes plutôt fatigué, vous avez pas envie de faire beaucoup de choses

P : Ouais, si on veut, c'est vrai, si un copain me proposait d'aller faire quelque chose vraiment physique, de se dépenser vraiment physiquement ou comme ça, avec la méthadone j'aurais beaucoup de peine, ouais, c'est vrai, j'ai beaucoup de peine, disons c'est beaucoup dû à ça, avec un gros dosage quand même. Bon c'est pas une drogue, c'est un médicament, à haut dosage vous êtes comme si vous aviez pris de l'héroïne, bon vous me direz, à la longue, on s'y fait, mais justement à la longue on est tellement habitué à la méthadone que petit à petit à long terme... Bon moi je sais pas ça fait trois ans que j'en prends, mais je sais pas, un gars qui en prend pendant dix ans, je sais pas dans quel état il est dans dix ans. C'est clair qu'à long terme ça me semble un peu euh... Moi j'ai pris la méthadone, j'avais pas trop le choix, je travaille, alors c'est clair quand on travaille c'est l'idéal, y a pas de problème pour ça.

I : Mmh

P : Pour travailler et tout, quand on fait une cure, la méthadone c'est ce qu'il y a de mieux parce qu'on peut pas se permettre d'arrêter son boulot une année parce qu'on fait une cure sans méthadone, mais...

I : Mais est-ce que vous pensez que l'utilisation d'héroïne ou bien de méthadone qui vous procure un effet, est lié à des problèmes psychologiques, à quelque chose qui n'est pas résolu en vous même, est ce que vous pensez que c'est...

P : non, non c'est pas dû à des problèmes quelconque, hein, non on peut pas dire ça, c'est un enchaînement de choses. Je veux dire, au début je prenais un petit peu, petit à petit, plus les années avancent et puis plus... c'est clair que si je continue sur ce rythme là, si je prends encore peut-être six ans de la méthadone, là j'aimerais pas trop voir le résultat quoi, moi à mon avis, je risque de devenir vraiment pépé avant l'âge on peut dire, c'est comme aller draguer, aller voir des filles, ça aussi ça, y a l'envie mais moins qu'avant, on sent qu'il y a une certaine lassitude un peu...

I : Mmh

P : C'est tout là l'enchaînement, au début c'était pas autant, mais c'est clair qu'après, petit à petit à la longue, on a l'impression que ça augmente un peu..

I : C'est comme si vous trouvez une source de satisfaction artificielle ?

P : Ben disons je trouve une source de satisfaction, j'ai pas tellement le choix ! Si j'avais le choix de me dire maintenant, tac, je prends plus de méthadone, si je serais bien, si j'avais vraiment le choix, je préférerais ne pas prendre de méthadone puis être bien en moi !

I : Ouais, mais quand vous prenez de l'héroïne, vous avec le choix...

P : Ouais, c'est clair, on a le choix, des fois j'en prends et après je regrette d'en avoir pris, ouais, c'est comme je vous dis, des fois c'est tellement l'ennui, ou bien tomber sur des gens qui vous en proposent et puis, moi j'admets, je suis assez faible pour résister, disons si quelqu'un m'influence, je suis vachement influençable, ça c'est vrai, faut reconnaître, bon, si je vois des gens qui m'en proposent, j'ai beaucoup de peine à... je suis très influençable, mais bon, voilà quoi...