UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2
Thèse de doctorat
Sciences de l’information et de la communication
MESURES DU DISCOURS ÉDITORIAL DE LYON-LIBÉRATION (1986-1992) :
DIRE L’URBAIN AU QUOTIDIEN
Sous la direction du Professeur Jean-François TÉTU
16 Octobre 1999
Equipe de recherches médias & identités
Université Lumière Lyon 2

A la mémoire de mes père et grand-père.


Pour Eugénie et notre fille Anna.

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui, d’une manière ou d’une autre, par leur aide technique, leur éclairage et/ou l’apport de documents, ont permis à ce que ce travail aille jusqu’à son terme. Qu’elles trouvent ici l’expression de ma reconnaissance :

Kamel Belmadani (douce France...), Xavier Breton, Alain Brillon (archiviste de Libération), Etienne Brunet (Institut national de la langue française (CNRS), Faculté des Lettres de Nice), Pascal Chasson, Pierre Fiala (Laboratoire Lexicométrie & textes politiques de l’E.N.S. de Fontenay-Saint-Cloud), Soeren Kolstrup (Institut for informations, Université d’Aarhus), Thierry Lafouge (Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques de Villeurbanne), Bernard Lamizet, Albane Leveder, Sandrine Marazel, Philippe Rocher (mon coreligionnaire...) et Jean-François Tétu (directeur patient du cheminement sinueux qui a fini par déboucher sur le présent ensemble), ainsi que Bernard Fromentin, Eric Gerbe et Robert Marmoz, trois des acteurs qui, à des places différentes, ont participé à l’existence de Lyon-Libération. Enfin, à un tout autre niveau, j’adresse ma plus vive gratitude à ma mère, pour son accueil en un lieu propice à la rédaction de cette thèse, quelque part au pays des étangs.


J’écoute la vie filtrée dans les journaux,
assoiffée, tirant la langue, carbonisée,
c’est comme un brouillard sur une ville en eau.


Jean Cayrol, Poésie-Journal


[Karl Kraus, le créateur de la revue Die Fackel (Le Flambeau) qui joua un certain rôle dans la presse indépendante au temps de l’empire austro-hongrois,] a démontré comment un examen interne du langage, de l’écriture, de la ponctuation, des erreurs typographiques peut révéler tout un système moral ou politique. Cet examen se fait dans les termes du discours ordinaires ; il n’a pas besoin d’un langage artificiel, il n’oblige pas à se placer à un « niveau supérieur » où seraient effectuées des généralisations, où le langage examiné serait rendu plus clair. Le mot, la forme syntaxique sont lus dans le contexte où ils apparaissent - par exemple dans un journal qui, dans une ville, dans un pays donné, adopte certaines opinions sous la plume de certaines personnes. Le contexte syntaxique et lexicographique acquiert ainsi une autre dimension, non pas une dimension étrangère mais une dimension qui confère au mot son sens et sa fonction. C’était dans la presse viennoise durant la première guerre mondiale et après cette guerre, l’attitude des rédacteurs responsables vis-à-vis de la boucherie qu’était la guerre, vis-à-vis de la monarchie, de la république, etc. En fonction de cette dimension nouvelle, le mot tel qu’il est employé, la structure de la phrase acquièrent un sens et une fonction qui n’apparaissent pas dans une lecture « non médiatisée ». Les crimes qui sont commis contre le langage et qui apparaissent dans le style du journal relèvent de son style politique. La syntaxe, la grammaire, le vocabulaire sont des actes moraux et politiques.

Herbert Marcuse,
L’homme unidimensionnel

Table of contents

Avant-propos

A l’origine de ce travail, il avait été envisagé un traitement statistique - sous l’angle des noms propres qui y affleurent - des archives de Lyon-Libération correspondant à un peu plus de six années de production rédactionnelle, exploration rendue possible dès lors que les données magnétiques du journal avaient été transférées dans la base Unix de l’IEP de Lyon après sa disparition en décembre 1992. Le matériel ainsi recueilli ne put cependant être examiné qu’à hauteur des derniers mois d’existence de Lyon-Libération. La perte (ou la destruction ?) de la carte informatique qui aurait permis un décryptage plus poussé des bandes entraîna de fait l’abandon du projet, d’autant que la société qui avait été à l’origine de l’équipement du journal avait entre-temps disparu, rendant obsolète toute solution de rechange. Il n’est du reste pas assuré, même en disposant d’un corpus global, que nous eussions été en mesure de mener l’entreprise à son terme. Sur ce qu’il nous a été possible de passer en revue, nous avons pu constater en effet que les codes qui accompagnaient les textes des fichiers ne comportaient aucune indication susceptible d’être utilisée automatiquement, que ces informations ressortissent à la date de saisie des articles, à celle de leur publication ou au travail éventuellement opéré sur ces textes par le secrétariat de rédaction du journal. Même complète, nous nous serions donc trouvé devant une base qui aurait contenu l’intégralité du matériel rédactionnel produit par le journal sans que celle-ci corresponde pour autant à un ensemble effectivement élaboré, autrement dit compatible avec la collection “papier”.

A partir de là, nous avons résolu de faire un relevé systématique des noms propres à l’aune d’un corpus basé sur les éditoriaux, billets et commentaires, soit des éléments rédactionnels présents tout au long de l’existence de Lyon-Libération et qui, à leur tour et bien qu’à une échelle plus réduite, représentent un ensemble clos de plusieurs centaines d’unités par ailleurs parfaitement délimitables dans l’espace du journal. La stratégie de la thèse s’en est donc trouvée modifiée en faveur d’un traitement statistique qui prendrait en compte désormais tous les termes qui composent les textes retenus pour l’analyse. Si nous allons avoir tout loisir de revenir sur ceux sélectionnés prioritairement en dehors des noms propres, nous pouvons d’ores et déjà signaler que l’approche de ces derniers s’est faite dans le souci de montrer la mise en visibilité de l’espace “lyonnais” dans Lyon-Libération, à travers les acteurs qu’il implique. Ce choix a eu pour conséquence de nous faire abandonner provisoirement la voie que nous avions initialement envisagé de suivre - et qui demande de toute façon à être encore améliorée -, à savoir celle qui prône que les contenus de presse participent de la spatialisation du territoire et qu’il est possible de confronter plusieurs types de contenu à une échelle de performance des représentations.