3.1. Familles politiques

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AFC périodes X noms propres de familles politiques (fréquence ≥ 3)
Noms propres de familles politiques - Axe n° 1 % d’inertie = 52 %
Formes +
(CTR = 77)
COR CTR Formes -
(CTR = 77)
COR CTR
Boyaux rouges
CGT
PCF
932
958
648
454
293
86
UDF
RPR
URC
CDS
FN
530
537
419
420
777
48
44
26
25
19
Périodes +
(CTR = 250)
COR CTR Périodes -
(CTR = 250)
COR CTR
Période 1 947 828 Période 2 396 162
Noms propres de familles politiques - Axe n° 2 % d’inertie = 28 %
Formes +
(CTR = 77)
COR CTR Formes -
(CTR = 77)
COR CTR
UPF
Nouvelle Démocratie
PS
312
225
97
712
888
970
RPR
UDF
URC
CDS
463
414
478
477
70
69
56
52
Périodes +
(CTR = 250)
COR CTR Périodes -
(CTR = 250)
COR CTR
Période 4 716 478 Période 2 563 424

Les trois formes propriales qui suivent le mieux l’allongement du premier axe à droite du graphique sont aussi celles qui contribuent le plus à sa création : « Boyaux rouges » (45 %), « CGT » (29 %) et « PCF » (9 %). De l’autre côté, tous les termes projetés, ainsi que la Période 2, n’apparaissent sur le premier axe qu’à titre illustratif. Mais seul « FN » (COR = 78 %) n’est pas représenté sur le deuxième axe, au contraire des quatre autres formes propriales qui l’accompagnent dans l’aire restreinte du quadrant inférieur gauche. A tel point que ce premier examen permet de placer en opposition ce qu’il est convenu de considérer comme les deux partis les plus éloignés a priori l’un de l’autre. Si l’on adjoint à « PCF » le syndicat « CGT » qui lui est traditionnellement affilié s’esquisse un hiatus plus prononcé encore, et qui peut trouver son origine dans une volonté éditoriale de publiciser successivement la vie de l’une et l’autre de ces “familles”. De fait, on ne peut s’empêcher de relever que c’est par rapport à ces formations que le journal produit des articles “de fond” qui sont le moins en prise avec l’actualité immédiate. Plus exactement, il y a un souci de sonder une progression sur le long terme ou ce qui pourrait s’apparenter à un mouvement de fond bouleversant les rapports établis. Pour le « PCF », et dans une moindre mesure la « CGT », c’est à ce qu’il appelle « le débat de rupture » que Lyon-Libération s’intéresse dans son discours éditorial, commentant les velléités de scission qui se sont fait jour dans la fédération du Rhône au début de l’année 1987 (même si le journal en vient à écrire qu’au bout du compte les « rénovateurs » qui s’interrogent sur le Parti ne sont pas prêts à le quitter, par-delà leur déclaration en forme de manifeste). A cette occasion, le journal fait parler un étudiant et un lycéen n’appartenant à aucun courant politique avec des militants « ré-novateurs ». Avec le « FN », c’est également vers la “base” que le journal se tourne, mais dans une tout autre optique. Il s’agit en effet de regarder à la loupe (et d’offrir au lecteur les résultats de cette dissection) la composition de son électorat. En marge du billet - intitulé “Gueule de bois” - publié au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, le journal souligne ce qu’il appelle la “poussée du FN” dans les “ex-banlieues rouges” et donnent à lire des graphiques rendant compte du vote en faveur de Jean-Marie Le Pen à Lyon intra-muros et sur l’ensemble de la communauté urbaine (n° du 26 avril 1988, pp. 3-4). A cet égard, Bernard Fromentin nous a précisé la chose suivante :

‘Quand le FN était dans la phase essentielle de son organisation, de sa stratégie dans les banlieues, de sa structuration sur la région et son mode d’implantation, on a sorti dans Lyon-Libération des papiers expliquant comment cela marchait, pourquoi cela marchait. On était les seuls à le faire, strictement les seuls. Et aujourd’hui, il y a un certain nombre de gens, qui à cette époque pensaient que c’était un peu alarmiste, qui réutilisent ces papiers pour essayer de comprendre pourquoi et comment le FN s’organise.303

Mais, dans son discours assumé, le journal ne confine pas le « FN » à ce seul registre. On a vu du reste que ce terme est en corrélation avec des phases de justification qui lui fournissent l’occasion d’indiquer à quel point ce parti est en position de dicter ses conditions aux autres formations, au premier rang desquelles celles qu’il qualifie de « droite civilisée ». En cela, le fait que « FN » soit proche de « RPR » et d’« UDF » sur le plan-graphique n’est pas accidentel. Il arrive même que ce rapprochement soit effectif dans le texte d’origine, à l’instar de l’extrait qui suit :

‘On peut (...) penser que le péril lepéniste [sous forme de chantage] sera d’autant plus important que sera solide l’union des deux partis de la droite. Car le FN - qui pourrait mathématiquement espérer emporter une primaire à droite FN-RPR-UDF dans cinq circonscriptions sur quatorze - serait en revanche irrémédiablement privé de ses deux sièges de sortants par une candidature unique RPR-UDF. [Après la dissolution de l’Assemblée nationale suite à la réélection de François Mitterrand comme président de la République en mai 1988.]304

Et de fait, le Front national va perdre dans le Rhône ses deux sièges de sortants après les élections législatives de juin 1988 (tenus jusqu’alors par Bruno Gollnisch et Jean-Pierre Reveau), non sans avoir fait pression entre les deux tours sur les candidats de l’« URC » en ballotage défavorable pour qu’ils sollicitent par écrit son soutien actif, épisode que le journal ne manque pas de commenter. On peut remarquer au passage que l’« URC », abréviation de l’Union du rassemblement et du centre qui représente la coalition électorale de l’UDF et du RPR, se trouve dans le graphique à la “jointure” des « Boyaux rouges » et de l’« UPF », auxquels il se trouve opposé respectivement sur les premier et second axes. Cette dernière appellation (Union pour la France) recouvre la confédération créée par le RPR et l’UDF en juin 1990. A l’instar de l’URC, elle n’a d’existence réelle que lors des consultations électorales. On a bien là affaire en effet à des nominations qui officialisent le regroupement d’entités ressortissant à la droite, que ce soit à l’échelle de partis comme pour l’« URC » et l’« UPF » ou d’individus comme pour la confrérie des « Boyaux rouges ». On se souvient que le journal, dans son discours assumé de la première période, a pris prétexte de l’appartenance de Florent Dessus à cette confrérie au moment de son accession à la tête de la fédération du Rhône du Parti radical pour faire de celui-ci un “repère d’ivrognes” très peu concernés par le devenir de la ville. Les deux types d’alliance au sein de la droite qui se font pendant sur le premier axe auraient par conséquent en commun le fait que ses membres sont empêchés d’agir, que l’incapacité de faire provienne d’une pratique interne au groupe ou externe, comme dans le cas où le FN impose ses conditions. L’opposition de l’« URC » et de l’« UPF » sur le deuxième axe provient de leur articulation avec des consultations locales. Pour le reste, l’« UPF » se distingue de l’alliance équivalente qui prend place dans la deuxième période en ce qu’elle n’est plus le support d’une appréciation défavorable. C’est à la « Nouvelle Démocratie » de Michel Noir et au « PS » qu’il revient désormais de bénéficier d’un tel traitement par le journal. Le PS, d’une façon que l’on a déjà eu le loisir de présenter (il est question à son égard de « déroute »), et la Nouvelle Démocratie en des termes peu amènes qui sous-tendent l’échec de Michel Noir - en particulier face à Charles Millon - dans sa tentative de traduire au niveau d’élections locales sa volonté de rénover la vie politique :

‘(...) les candidats de la Nouvelle Démocratie de Michel Noir (...) ont été battus à plate couture aux cantonales. Le maire de Lyon avait avancé ses deux champions dans deux cantons qui lui avaient donné la majorité de leurs suffrages aux élections municipales de 1989. Tous deux ont été largement distancés, dès le premier tour, par des candidats de l’UPF qui n’étaient pourtant pas des leaders régionaux. Certes, deux élections cantonales ne suffiront pas à enterrer la Nouvelle Démocratie. Mais elles posent pour les quadras régionaux qui rêvent - à droite comme à gauche - d’une rénovation de la vie politique, un problème stratégique épineux. Le succès d’estime rencontré par les rénovateurs de tout crin dans l’opinion ne remplit pas forcément les urnes. Michel Noir peut caracoler dans les hauteurs des sondages. Cela ne suffit pas à faire de sa Nouvelle Démocratie une machine à gagner les élections. [Au lendemain du second tour des élections cantonales de 1992.]305

Il est encore un point sur lequel il nous paraît important d’insister, c’est que si
« RPR », « UDF » et « CDS » sont montrées par le graphique comme formes plus fréquemment employées dans la deuxième période, il n’empêche que la prise en compte des contextes dans lesquels elles s’inscrivent laisse apparaître des nuances de taille. C’est ainsi que si l’alliance entre le RPR et l’UDF se traduit au moment des élections présidentielle et législatives de 1988 par des expressions telles que « axe RPR-UDF », « cohésion RPR-UDF » « équilibre actuel UDF-RPR », « candidature unique RPR-UDF » ou « union RPR-UDF », une scission tend à s’opérer par la suite dans le discours éditorial de Lyon-Libération. Tandis que « RPR » prend place à l’intérieur de syntagmes comme « l’état totalitaire RPR », « « l’hydre RPR » parisien » ou « une éventuelle « mainmise du RPR » sur la ville », « UDF » évolue vers des expressions du genre « système UDF » ou « l’édifice UDF lyonnais ». Les fragments cités sont en prise directe avec des déclarations publiques (ainsi de Raymond Barre avec « mainmise du RPR ») ou avec des dires “flottants” dont il n’est pas permis d’identifier avec précision l’origine mais qui participent d’un état d’esprit ambiant puisque le discours du journal les situe à Lyon. Mais tandis que la référence qui est faite au « RPR » dans ce genre d’énoncés ne sert pas au journal à discréditer ou faire discréditer une frange particulière de la classe politique locale (c’est ainsi que Michel Noir adopte le point de vue de Raymond Barre alors même qu’il dépend du parti incriminé), on ne peut pas en dire autant de l’« UDF ». Dans ce cas en effet, le journal donne l’impression d’embrayer sur la mort du président du conseil régional Charles Béraudier pour parler de « système UDF ». C’est d’ailleurs après la disparition de cet acteur que transparaît plus nettement la référence au « CDS », dans les mêmes termes que ceux mentionnés en amont par rapport au « RPR » - « la mainmise du CDS sur cette agglomération » - mais avec une portée on ne peut plus polémique puisqu’il s’agit dès lors du “site” lyonnais et non plus du centre parisien, de l’environnement immédiat et non plus différé. Comme si au bout du compte cette perte allait de pair avec la révélation par le journal de la véritable nature de l’UDF à Lyon, sorte de coquille vide doublée de sa composante « CDS », seule instance à monopoliser les marchés liés à l’urbanisme et à l’immobilier par l’entremise des sociétés d’économie mixte de la Ville.

Notes
303.

Entretien avec l’auteur le 8 septembre 1998. Ajoutons qu’au surlendemain des élections cantonales (premier tour) et régionales de 1992, celui-ci signe un article intitulé “Le Front national, à la ville comme aux champs” dans lequel est décryptée l’“incrustation” du Front national en zone rurale (n° du 24 mars 1992, p. 4).

304.

Alternatives, Billet Michel Lépinay, 17 mai 1988.

305.

Casse-tête, Commentaire Michel Lépinay, 30 mars 1992.