Conclusion de la troisième partie

Ce troisième pan de notre travail nous aura permis de renouer avec la question de l’écriture de presse déjà abordée dans la première partie. Mais plutôt que de prendre appui sur des termes qui, d’une certaine façon, contraignent le texte à être orienté, il s’est agi ici d’isoler au préalable les noms de villes à proprement parler ainsi que, pour l’essentiel, des désignants territoriaux dont il n’est pas difficile d’admettre qu’ils appartiennent aux termes les plus usuels de la géographie précisément qualifiée d’“urbaine”. Alors que nous avions postulé que le terme « métropole » constituerait le fond invariant du discours éditorial de Lyon-Libération, tandis que les autres formes relevant de la désignation de l’urbain “coloreraient” ou “thématiseraient” variablement les quatre périodes rédactionnelles, nous avons dû admettre la non-validité de notre première hypothèse. Le terme « métropole » s’avère en effet sous-représenté dans la période dirigée par Robert Marmoz, en compagnie du reste de « région », ce qui a pour effet de singulariser cette partie du corpus. Cependant, il est possible de trouver une explication à ce déficit dans la surreprésentation des termes « agglomération », « banlieue(s) » et « quartier(s) ». Ce deuxième constat n’est d’ailleurs pas sans renforcer le sentiment de singularité dont il vient d’être question. Ces expressions donnent en effet à appréhender la ville depuis sa globalité d’une part et les fragments qui la composent d’autre part.

En y regardant de plus près, il nous a été permis de déceler que la co-présence de ces termes “antinomiques”, les rares fois où elle est avérée, sert à “irradier” à l’échelle de l’agglomération les effets d’une initiative pourtant cantonnée à un quartier périphérique. De la même façon, nous avons pu constater que le fait d’encadrer à plusieurs reprises la forme « banlieue » de guillemets, à l’intérieur d’une seule et même unité rédactionnelle, procure au journal matière à inverser ce qui ferait office de schème dominant, ce dont l’article qui jouxte ce billet rend bien compte en mettant en valeur combien la quête d’identité des établissements culturels du “deuxième cercle” se joue à un niveau spatial tout autant que dénominatif. C’est du reste également à la faveur de son appellation que le Grand Lyon est approché par le journal. Mais il s’agit cette fois de créer un espace de “débats” qui offrent l’occasion à ceux qui y participent d’interroger dans leur quasi-majorité le sens d’une telle expression relancée par Michel Noir, avant même d’apprécier le cas échéant les actions qui pourraient être engagées en son nom. Cette manière de consensus nous aura amené à interroger ce que l’apport de l’adjectif renforçatif « grand » peut avoir de significatif comparé à l’emploi de « Lyon » seul. Tout comme ailleurs la qualification de la ville par l’entremise de modalités aléthiques (vrai/faux) nous aura permis d’avoir accès à des effets de sens variables qui méritaient assurément qu’on s’y arrêtât.

Si le « Grand Lyon » a remplacé « Lyon » dans le discours éditorial de l’ultime période, nous avons été en mesure d’affirmer que le sur-emploi de « Lyon » dans la première période s’accompagne de ceux de deux de ses dérivés. C’est ainsi que le terme « lyonnais » sert entre autres choses à faire naître (ou à maintenir) chez les lecteurs un sentiment d’appartenance à la société qu’ils intègrent, tandis que « lyonnaise » est mis au service d’expressions stéréotypiques dont le journal s’efforce en certains cas de se distancier par guillemets interposés. Ce mouvement se produit en parallèle d’un autre, celui-là même dont nous avions postulé la prégnance dans cette phase du discours éditorial : la forte corrélation entre « Paris » et « Lyon ». Nous aurons essayé de montrer que celle-ci ne s’intègre pas à un seul type de configuration discursive, même si le fait que le journal soit obligé de désigner Paris - en plusieurs de ses extensions du reste (la ville-commune, le gouvernement, les ministères centraux, l’Etat) - pour que le lecteur sache de quoi il en retourne exactement, interdit au final toute représentation de Lyon depuis des règles d’action qui lui seraient propres.