PREMIERE PARTIE
UNE CRISE DE LA LECTURE ?

La "baisse de la lecture" et son corollaire, le "progrès de l'illettrisme", occupent, de façon cyclique, la une des journaux, les débats des plateaux de télévision, sans oublier les émissions de radio. La "crise" de la lecture existe, au moins dans les médias. Des chiffres sont lancés, rarement les mêmes, et tous de proposer des solutions. Parfois des responsables sont désignés sinon à la vindicte populaire, (elle a souvent d'autres soucis), au moins au courroux de certains milieux lettrés. Un exemple : le n°525 d'octobre 1996 de La Nouvelle Revue Française proposait ainsi un dossier avec un titre sans ambiguité, "L'école contre la lecture" 8. Avant d'accuser l'école, et, ensuite le plus souvent, de prôner un retour aux "bonnes vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves", il apparaît nécessaire d'observer le rapport à l'écrit selon une double approche. Tous ceux qui s'expriment sur la lecture sont des lecteurs. La première réflexion porte sur ce qui nous a conduit à être le lecteur que nous sommes, ceci pour éviter d'universaliser la position qui est la nôtre. Ce seul travail introspectif reste insuffisant s'il ne s'appuie pas sur la compréhension des conditions qui nous ont constitué en tant que lecteur. L'histoire de la lecture aide à prendre ce recul. Ensuite, si on désire promouvoir la lecture, il faudra répondre à la question essentielle, ‘"Pourquoi veut-on qu'ils lisent ? ".’ C'est de cette réponse que naîtra la politique à mettre en oeuvre.

Notes
8.

Dans ce dossier au titre explicite, six écrivains, Danielle Sallenave, Patrick Grainville, Richard Millet, Françoise Bettenfeld, Gérard Spiteri, Jacques Pêcheur, s'acharnaient contre l'école qu'ils jugeaient responsable d'une "crise de la lecture". "Un crime parfait (...). La victime désignée : le génie littéraire (...). Plus de sens, plus d'oeuvre" ; "Enseigner c'est s'accouder à l'abîme ; "Enseigner , c'est en vérité élire quelques esprits"... Les "criminels", puisque crime il y a, les pédagogues. On n'hésite d'ailleurs pas à faire rimer pédagogie et démagogie. La solution : le retour à l'école d'hier. "En primaire, l'apprentissage patient de la langue, de la grammaire, des leçons apprises par coeur, des listes de vocabulaire avant d'inviter l'élève à réfléchir sur ce qu'il fait - ce pont-aux-ânes des pseudo-scientifiques de l'Education sont les moyens les plus éprouvés de retrouver sa motricité".