La socialisation des écrits des élèves

Lire et écrire sont deux activités symétriques et complémentaires. Il est donc préférable de ne pas couper la lecture et l'écriture puisque chacune de ces activités fonde l'autre et en améliore la pratique. Au collège, on écrit pour apprendre à écrire. L'élève ne produit un texte que pour un seul destinataire : le professeur. Ce fonctionnement en circuit fermé débouche sur une non-expérience de l'écriture qui retentit profondément sur la lecture car, comme le rappelle Foucambert (1986), c'est en anticipant sur la manière dont un lecteur va attribuer du sens à son texte que l'auteur prend conscience de ses propres stratégies de lecture et les fait évoluer.

Il s'agit de sortir les productions d'écrits du circuit traditionnel : un élève écrivant pour un professeur seul lecteur de ses textes. Ces écrits ne possèdent aucun statut social en dehors du milieu scolaire. Célestin Freinet a montré comment la productions d'écrits véritables pour des destinataires réels aidait à créer les conditions d'une communication effective et, de cette manière, à lier l'écrit et la vie de l'enfant. Ainsi nous lisons dans L'Educateur du 15 novembre 1945 : ‘"Toutes nos techniques visent en effet à replacer l'effort éducatif dans le circuit normal de la vie, à retrouver les éléments fonctionnels qui poussent irrésistiblement l'individu à aller de l'avant, à monter, à se perfectionner (besoin naturel et normal de connaître, de chercher et d'agir pour triompher des obstacles qui s'opposent à cette marche en avant, ajustement permanent des outils et des techniques, naturels ou créés par l'homme, qui aident à ce triomphe)"’. Dans l'apprentissage de l'écriture, il semble important de mettre l'élève dans une véritable situation de communication. Aussi le traitement de texte apparaît comme un outil précieux pour produire de l'écrit. Ainsi l'élève peut voir son texte dans la meilleure forme, prendre du recul par rapport à son travail, l'abandonner pour le reprendre ensuite. Le texte peut être facilement reproduit au moyen d'une imprimante. Photocopié, il devient ainsi un objet de lecture pour la classe, pour l'école ou son environnement immédiat. L'ordinateur, l'imprimante, et la photocopieuse remplacent très avantageusement, sur le plan technique, l'imprimerie de Freinet.

Il ne peut exister une application rigide de ce que nous appelons une politique de lecturisation puisque sa mise en place nécessite la connaissance préalable de ceux qui doivent en bénéficier. Les six critères qui définissent cette politique, si on met à part le premier, le refus de l'imposition, qui est impératif, constituent un cadre souple qui s'adapte aux élèves auxquels il est destiné. C'est le substrat théorique sur lequel s'appuie la politique de lecturisation qui ne change pas. Il est fortement lié aux raisons pour lesquelles le professeur voudrait que ses élèves lisent. C'est cet horizon théorique qu'il importe de ne jamais oublier car tout ce que feront les élèves dans le long et complexe apprentissage de l'écrit prendra sens par rapport à celui-ci. Le champ des activités pédagogiques peut, à cette condition, s'élargir et, laisser alors, au professeur, une marge non négligeable de créativité.