La culture de l'écrit

Le livre est un "objet élitiste", comme l'écrit Martin (1991, 110), et la culture livresque est d'accès difficile : ‘"Celle-ci suppose que celui qui veut y accéder ait acquis tout un équipement intellectuel, que chaque mot, chaque expression, suscite en lui des connotations, provoque en quelque sorte des résonances"’. Foucambert (1994) propose un exercice, conçu pour des élèves de primaire mais applicable à tout niveau, pour évaluer cette culture de l'écrit. Il va permettre de saisir ce qui peut entrer dans cette culture qui favorisera un rapport de qualité avec l'écrit, ce que certains appellent le "plaisir de lire". Le principe en est simple. Il s'agit de retrouver parmi un lot de livres un passage qui a été extrait de l'un d'entre eux et qui ne conserve aucune marque de sa mise en page originale. Pour réussir, de nombreux savoirs et savoir-faire sont à l'oeuvre : une lecture efficace de l'extrait afin d'en repérer le sujet et sans doute des informations sur le genre, le public, l'auteur dans le but d'opérer une première sélection parmi les livres. Ce stade témoigne d'une compréhension de l'extrait et d'une familiarité avec la production écrite. Ensuite, les stratégies portent davantage sur le fonctionnement du livre, l'utilisation des aides de lecture, table, index, des ponctions dans les chapitres afin de déterminer de manière plus précise si l'extrait en question peut fonctionner parmi les titres, encore concurrents. Enfin, la dernière partie implique des capacités de recherche rapide, de survol, d'exploitation des hiérarchies dans la mise en page, etc..., pour trouver l'extrait ou passer à un autre ouvrage.

Nous ne sommes pas certains que des élèves de troisième, à l'issue des quatre années du collège, se sortent bien d'une telle épreuve parce qu'ils n'ont pu intégrer cette culture que procure une fréquentation assidue et diversifiée de la production écrite. Mais pour cela, comme le dit avec force Pantanella (1993, 22), il faudrait que l'école modifie l'enseignement de la lecture : ‘"Et si d'entrée on pratique le massacre analytique des textes fragmentés et choisis, si on attaque bille en tête la vivisection littéraire sous la forme des sempiternelles explications, lectures dirigées, méthodiques, des commentaires convenus, etc, on interdit l'expérience intime, la mise en branle indispensable de l'imaginaire, du merveilleux, que tout récit, tout texte fictionnel porte en lui. On met la charrue rhétorique avant que l'émotion n'ait creusé son sillon ! pour cultiver ses élèves, le professeur de Lettres doit d'abord provoquer cela en eux : comme une passion secrète dont ils n'ont pas à rendre immédiatement compte. Le plaisir premier de lire pour soi". ’

Aussi, la pédagogie de la lecture pourrait s'appuyer sur deux phases successives. Associé à un entraînement à la lecture, un travail de séduction conduirait à des lectures, quelles qu'elles soient, qui théorisées aideraient à la construction d'un savoir sur l'écrit.