Des actions lecture en collèges

Dans un article de la Revue Française de Pédagogie en 1984, Manesse écrivait que l'I.N.R.P. n'avait pu rédiger un recueil de toutes les actions de "soutien-lecture" dans les collèges expérimentaux à pédagogie différenciée, car leur caractère hétéroclite, empirique avait rendu cette publication impossible 92. Les enseignants, souvent dans l'incertitude de ce qu'ils faisaient, semblaient conclure de manière unanime que l'efficacité de ces heures était directement liée au fait qu'elles étaient consacrées à faire autre chose que ce qui se réalisait habituellement en classe. L'auteur précisait que le caractère "expérimental" des collèges ne devait pas faire illusion. Aucun élément programmatique, aucune innovation de contenu n'a accompagné les bouleversements de structure successifs de ces collèges expérimentaux.

Dans une enquête de la "Mission Lecture", en 1993, dans le département de Loire Atlantique, quatorze établissements sur soixante-dix déclaraient une action significative d'apprentissage continué de la lecture, prenant en compte en grande partie, voire totalement pour six d'entre eux, un niveau d'élèves. Ces actions concernaient principalement le cycle d'observation, soit la 6e ou la 5e. Dans ‘"un département réputé contestataire du système éducatif et novateur en pédagogie’" comme l'écrit Michel Plée, le responsable de cette Mission, cela fait une action lecture pour environ 1700 élèves 93.

De nombreux établissements mènent des actions lecture qui restent souvent ponctuelles dans le temps et limitées à un niveau de classe. Peu ont bâti leur projet d'établissement autour de la lecture-écriture. Aussi l'expérience menée par le collège public de Saint Ambroix (Gard) depuis septembre 1989 semble intéressante pour deux raisons. Il s'agit d'une action globale, une "politique de lecture" qui affecte un collège dans son ensemble. Ce projet a été présenté, expliqué, analysé dans le n°31 de septembre 1990 de la revue de l'Association Française pour la Lecture, Les Actes de lecture, qui a été distribuée gratuitement dans tous les collèges de France, publics et privés. Cette expérience se fondait sur deux postulats. D'abord, le temps consacré à la lecture (deux stages intensifs de lecture d'un mois chacun au cours de la sixième impliquant l'ensemble des élèves et des professeurs pendant lesquels il n'y a pas cours au sens habituel) doit développer chez les élèves les moyens de travailler plus rapidement et de rattraper le "retard" pris dans l'avancement du programme. Ensuite, l'amélioration du savoir-lire des collégiens permettrait d'envisager les classes de 6e et de 5e comme un cycle indivisible et par conséquent sans redoublement.

En juin 1993, la première génération lecturisée quittait le collège. Sur un plan scolaire, les résultats apparaissent encourageants : 30% d'élèves en plus atteignent la troisième sans redoublement (71% contre 42% pour les quatre années précédentes), avec de meilleurs résultats ; 90% de réussite au brevet en 1993 (59,8% de moyenne pour la période 1984-1992) ; 22% en plus de passage en seconde. En mars 1994, un deuxième volet du dispositif était mis en place. Le principal-adjoint de ce collège, Jean-Paul Ferrier, indique que cet aspect écriture ‘"consiste à compléter cette politique globale de lecture impliquant, certes, l'ensemble du collège mais concernant surtout les élèves de 6e, par une politique d'écriture à destination des élèves de 4e"’ 94. Nous voulions interroger des élèves qui venaient de quitter cet établissement pour appréhender leur comportement lectoral. Nous n'avons obtenu aucune réponse à nos demandes réitérées, et nous nous sommes alors orienté vers une autre expérience de lecturisation.

Notes
92.

Manesse Danièle. "Sur la lecture au collège : quelques enseignements des collèges expérimentaux ". In : Apprendre à lire et à écrire. Dix ans de recherche sur la lecture et la production de textes dans la Revue française de pédagogie. Paris : I.N.R.P., 1989. pp. 197-202.

93.

Plée Michel (En collaboration avec Huguette Girard). "La lecture, c'est l'affaire de qui ? ". In : Les Actes de lecture n° 42 de juin 1993. pp. 88-94.

94.

Ferrier Jean-Paul. "L'écrit dans tous ses états". in : Les Actes de lecture n°45 de mars 1994 pp. 76-84.