- Des lecteurs "polymorphes"

Vilay conçoit très bien l'aspect "polymorphe" de la lecture. Il réplique lors de l'entretien :

"le week-end dernier, j'ai lu plus d'une heure mon livre de code. J'aurais dû dire que c'était le dernier livre que j'avais eu entre les mains ! (rires)" (Vilay).

Vilay lit ainsi :

Vilay, élève de technique, déclare que ses camarades de classe le regardent bizarrement quand il leur dit qu'il lit :

"C'est vrai que pour moi la lecture, je considère ça comme un bouche-trou. Pendant les périodes creuses quand on a rien à faire, il faut que je lise, il n'y a plus que ça de bien à faire" (Vilay).

Il faut penser que les trous dans l'emploi du temps de Vilay sont assez importants pour lui permettre toutes ces lectures qu'il nourrit, au moins en partie, par un parcours rituel, une heure et demie environ tous les mercredis, chez un libraire de la ville dans laquelle se trouve son lycée, en respectant toujours le même sens :

Quant à Christelle, son approvisionnement est très diversifié car il va avoir pour origine les sociabilités familiales, mère surtout, amicales, ainsi, cette amie, jurée du prix Goncourt des lycéens qui lui conseillent Grand-mère de Claude Pujade-Renaud, mais aussi la lecture de magazines dans lesquelles elles puisent des titres 117 qu'elle capitalise pour de futurs achats (dans une librairie, à la F.N.A.C., ou dans une chaîne d'ouvrages à prix réduits, Maxilivres) ou de futurs emprunts (auprès de ses parents, dans une bibliothèque municipale et, plus rare, au C.D.I.).

L'aspect polymorphe de la lecture apparaît ainsi chez Christelle.

L'originalité de ces deux lecteurs tient à la personnalisation de leur parcours qui colonise l'écrit en l'adaptant à leur vie. On pourrait, pour ces élèves, plagier Valère lorsqu'il cite Cicéron à Harpagon, et schématiser ainsi leur comportement, "Il faut lire pour vivre et non vivre pour lire".

Notes
117.

Comme Le prix Renaudot 1994, Comme mon père, à cause du thème plus que du prix.