Moins d'élèves en échec technique dans E1

La confrontation des résultats au test avec les déclarations des élèves permet d'ébaucher une première différence entre les deux échantillons. Dans E1, il y a moins d'élèves qui présentent un déficit technique sur le plan lectoral que dans E2. Pour établir une possible corrélation avec l'entraînement à la lecture qu'ils ont pratiqué au collège nous observerons ce qu'ils en disent.

Tableau n°28. : Moyenne des résultats au test
Nombre de mots/heure Compréhension Efficacité
E1 13 899 66% 56
E2 11 458 69% 48

La moyenne des résultats au test n'exprime pas une différence qui soit significative. Aussi préfèrons-nous observer la distribution des efficacités selon les trois niveaux déjà définis.

Tableau n°29 : Distribution des efficacités
Efficacité Echantillon 1 Echantillon 2
E < 42 3 8
42 < E < 75 8 6
E > 75 3 2

La différence essentielle entre les deux échantillons porte sur le nombre d'élèves qui éprouvent de sérieuses difficultés techniques, ceux qui ne dépassent pas l'efficacité 42. Cela corrobore ce que déclarent ces élèves quand leur est posée la question : ‘"Estimes-tu que les cours de français au collège t'ont aidé à mieux lire ? (C'est-à-dire à lire plus rapidement, plus efficacement)."’

Tableau n°30.
Echantillon 1 Echantillon 2
Oui, beaucoup 8 4
Oui, assez 1 3
Oui, un peu 3 3
Non, pas du tout 0 5

Deux élèves de l'échantillon 1, Christelle et François, n'ont pas voulu répondre à cette question :

"Plus rapidement. J'ai appris à lire en diagonale. Finalement, j'ai du mal à savoir ; Je ne me rends pas compte" (Christelle). ’ ‘ "C'est vieux. Ça commence à dater" (François).

Les élèves de E1 confirment l'aide apportée sur le plan technique par la politique de lecturisation vécue au collège. Quand nous les interrogeons sur leur actuelle maîtrise technique, neuf élèves sur quatorze répondent qu'ils lisent facilement, trois éprouvent des difficultés, un se juge comme un lecteur lent et la dernière ne se rend pas compte.

Dans E2, un élève n'a pas répondu à la question sur l'apport des cours de français au collège. Cinq élèves indiquent que cet enseignement n'a pas du tout contribué à les faire mieux lire alors que, dans E1, il n'y en avait aucun dans ce cas. Actuellement, huit déclarent lire avec aisance, six connaissent des difficultés, deux ne répondent pas.

L'insistance portée au collège sur cet aspect technique de la lecture rend les élèves de E1 très diserts sur qu'ils ont vécu alors que ceux de E2 ne répondent le plus souvent que d'une manière évasive soulignant leur méconnaissance de cet aspect de l'apprentissage de la lecture.

La vitesse, qui n'est pas une fin en elle-même, dépend de l'intérêt. François (E1), déclare que pour Germinal :

"Moi qui aime bien lire, je me le suis tapé quinze jours. Je l'ai laissé traîner celui-là".

Inversement, l'intérêt peut dépendre de la vitesse de lecture :

"Quand on a tendance à peiner, à pas aller vite parce qu'on prend quelque chose pour quelque autre... et, bien, on est freiné, on a plus envie de lire." (Virginie E1).

Un autre élève de E1 souligne qu'il lisait trop lentement et que cela ne lui donnait pas envie de continuer. La lenteur est perçue comme un handicap, mais pouvoir lire rapidement n'implique pas une lecture rapide de tous les textes, elle dépend de l'intérêt que l'on porte au texte qu'on lit, et aussi de la nature de ce texte.

Les élèves de E1 estiment que les cours de français au collège les ont aidés, plus ou moins, à mieux lire. Comment évoquent-ils ces moments ?

"Avant pour comprendre un texte, il fallait déjà le lire une fois, deux fois, au moins trois fois. Après, au bout d'une fois je comprenais bien le texte. La grosse différence, c'est dans la rapidité. C'est surtout là qu'il y a un changement". (Laurent E1).

Ils évoquent surtout les exercices sur ordinateurs. Une élève se souvient qu'elle a appris à lire en diagonale par informatique. Une autre parle de la méthode ELMO, ‘"C'est une lecture assistée par ordinateur, c'est-à-dire qu'il y avait des mots qui passaient."’. Certains se rappellent de la durée de l'entraînement. ‘"Pendant deux ou trois ans", "on allait régulièrement". ’

Ce logiciel ELMO (Entraînement à la Lecture sur Micro-Ordinateurs), était utilisé au niveau 6e-5e, ELMO 1, et au niveau 4e-3e, ELMO 2, à raison de deux passages d'une vingtaine de minutes maximum par élève au cours de la semaine. Les progrès ne naissent pas d'un effet mécanique, mais de la réflexion qui est menée autour des exercices. Ceux-ci nécessitent tout un accompagnement théorique. Aucun élève de E1 n'en a d'ailleurs parlé. Ces cours de théorisation utilisaient différents outils, audio-visuels en particulier, pour aider l'élève à construire le savoir qui l'aiderait à devenir un meilleur lecteur. Mais si les élèves de E1 n'ont pas évoqué cet aspect de l'entraînement à la lecture, leurs propos soulignent qu'ils en avaient assimilé le sens. Ainsi Vilay se souvient très bien de l'entraînement, il parle de lecture par "empans" 127, de la finalité de ces exercices :

"C'était pas une lecture par rapport à la bouche. Quand on lit "ES...TI...MES...TU", on prend par petites syllabes et on a tendance à vouloir prononcer... Par ordinateur, on n'avait pas le doit de prononcer, il fallait que tout se passe dans la tête. Ça faisait travailler les yeux, les yeux et la tête... Il fallait être rapide, mais il fallait comprendre."

Mais, bien qu'il lise beaucoup, il "a l'impression de perdre" en rapidité parce que l'entraînement sur ordinateur n'est pas poursuivi.

C'est donc à cet entraînement systématique et prolongé sur les ordinateurs que les élèves de E1 attribuent leur compétence lectorale, que certains n'hésitent d'ailleurs pas à comparer aux difficultés de leurs camarades :

"Je pense justement que ce qu'on a fait au collège, lire avec les ordinateurs... même comparé à certains qui lisent en classe, qui lisent lentement" (Gwénaelle E1).

D'autres ajoutent que ces exercices "adaptés" leur ont donné une technique de lecture, les ont aidés à se concentrer sur un texte, à faire attention à ce qu'ils lisaient, à mener une lecture active et non passive. Une seule élève, d'une manière indirecte, évoque un autre aspect de cet apprentissage, la progression sur des "lectures faciles", c'est-à-dire les lectures que les élèves choisissaient en fonction de leur niveau de compétence et de leurs centres d'intérêt dans des catalogues d'éditeurs, au C.D.I., lors de la visite du Salon du livre de jeunesse de Montreuil :

"Quand j'étais au collège, on lisait beaucoup" (Virginie).

Si on interroge les élèves sur l'aide que pourrait avoir apportée les cours de français au collège dans le choix de leurs lectures, à la question "Estimes-tu que les cours de français au collège t'ont aidé et te sont encore utiles dans le choix d'ouvrages à lire ?", ils répondent ainsi :

Tableau n°31.
Echantillon 1 Echantillon 2
Oui, beaucoup 0 0
Oui, assez 3 2
Oui, un peu 5 1
Non, pas du tout 6 13

L'apport des cours de français au collège dans le choix d'ouvrages à lire est jugé très limité par les élèves des deux échantillons. Les élèves sont cependant moins nombreux dans E1 que dans E2 pour estimer totalement inopérante l'aide qu'aurait pu apporter l'enseignement du français dans ce domaine.

Notes
127.

Empan : c'est ce que l'oeil voit en une fixation. Le lecteur lent se caractérise par des empans étroits contrairement au lecteur rapide qui peut saisir des empans beaucoup plus larges. Un empan étroit oblige à des retours en arrière pour reconstituer les mots, et pour que cela soit possible, il faut alors que ces empans soient oralisés.