Produire de l'écrit pour construire un savoir sur l'écrit

La production d'écrits pourrait s'orienter vers un travail de soi sur soi qui, théorisé, aiderait les élèves à formaliser leur savoir sur l'écrit. Ils s'approprieraient des mots, un langage qui leur permettraient de communiquer et de se communiquer en construisant des systèmes intelligibles capables de rendre raison des données sensibles (Bourdieu 1192 b). Ce travail s'avère délicat. Il ne faut pas ternir la phase de séduction, en reprenant des schémas pédagogiques éculés, qui, pour une majorité d'élèves, restent de peu d'influence sur leurs lectures quand ils ne les détournent pas de cette activité.

Eco (1995) intitule le premier chapitre de De Superman au surhomme, ‘"Pleurer pour Jenny".’ Il est fait référence au roman et au film Love story qui firent beaucoup pleurer... et qui eurent un grand succès. Ce qu'écrit Eco à ce propos pourrait illustrer cette double approche de l'enseignement de la lecture que propose la politique de lecturisation, séduction et théorisation. ‘"Si Oliver pleure pour Jenny, gare à l'infâme qui sourirait. Mais gare aussi au naïf qui se bornerait à pleurer. Il faut savoir démonter les mécanismes" ’(Eco 1995, 25) 144. Les travaux d'écriture apparaissent comme un moyen efficient de construire ce savoir qui permet de "démonter les mécanismes". Ils sont d'abord l'occasion de montrer comment les lectures fécondent l'écriture.

Notes
144.

"Aristote savait pertinemment que le paramètre de l'acceptabilité ou de l'inacceptabilité d'une histoire ne réside pas dans l'histoire elle-même, mais dans le système d'opinions régissant la vie sociale. Pour être acceptable, l'histoire doit paraître vraisemblable, le vraisemblable n'étant autre que l'adhésion à un système d'expectatives habituellement partagé par l'auditoire" (Eco 1993, 13-14). Il existe une chimie des émotions. La faire découvrir aux élèves à partir de leurs émotions de lecture, c'est leur permettre d'être de nouveau ému mais en sachant pourquoi ils le sont.