a) L'épreuve de conservation de la substance

Cette épreuve relevant des opérations concrètes infralogiques qui structurent l'objet en tant que tel, nous permet d'observer si l'enfant a connaissance de l'objet dans son invariance : la quantité de matière reste-t-elle identique au cours des transformations de l'objet ou non ? Nous présentons à l'enfant une boule de pâte à modeler et nous l'invitons à en confectionner une identique à la première.

Nous lui demandons alors s'il y a quantité égale de pâte ou non dans les deux boules. Convenir de l'égalité des quantités est indispensable afin de poursuivre. Puis nous allons successivement transformer l'une des boules en galette, en boudin, en serpent puis la morceler. A chaque transformation nous demandons à l'enfant s'il y a égalité des quantités de substance. Un questionnement approprié tente de mettre en évidence les opérations suivantes : première transformation annulable par la transformation inverse, coordination des relations et identité quantitative 30.

Pour les enfants qui constituent notre échantillon, il y en a six avec lesquels nous n'avons pu aller au-delà de la confection et de l'égalisation des deux boules. Les difficultés sont apparues dès lors qu'ils ont tenté d'identifier les objets de la situation, en raison d'une indifférenciation entre les critères de couleur, de forme et de matière : "boule... de quoi ?... de rouge..." "En quoi est-ce ? un rond". Ou par méconnaissance des matières : "c'est une pierre... ça se casse ? Il la fait tomber" ou "des oeufs". Nous avons pu également observer une relation à l'objet posant problème, soit qu'ils se précipitent sur l'objet et ne le lâchent plus, soit qu'ils en restent à distance.

Lorsque nous leur avons demandé d'égaliser une boule par rapport à l'autre, la méconnaissance des transformations à effectuer en vue d'atteindre un but fût manifeste. Les uns serraient la boule de pâte pour qu'elle rapetisse, d'autres la roulaient pour qu'elle devienne grande, un autre n'agissait pas dans ce sens et confectionnait un bonhomme de neige, un dernier se plaignait de ne pouvoir manipuler la pâte car "c'est dur". S'ajoutait à cela, une réelle difficulté à se concentrer sur leur propre activité et à en parler, en conséquence de quoi les abstractions en jeu se cantonnaient à n'être qu'empiriques.

Pour les trois autres enfants avec lesquels nous sommes allée au-delà de l'égalisation des boules, nous avons noté de façon générale, une incompréhension de la question "y'a-t-il la même chose beaucoup de pâte ?" en tant que quantité de matière. La distinction s'effectuait à partir des apparences "petite" et "grande". Ainsi Ferdi et Mustapha pensent que les formes déterminent les quantités. Quant à Ydrix il va s'émerveillant des transformations successives de l'objet. Dans tous les cas nous n'observons aucun lien causal conscient dans ce qui peut faire passer d'un état à un autre ; une grande pauvreté dans la perception même de leur activité et une utilisation excessive des gestes comme mode d'explication.

Notes
30.

"Ces enfants qui n'apprennent pas" JM DOLLE, D. BELLANO, p.169.